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La page couverture du livre « Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille », publié le 7 septembre 2023 | Photo : Anne-Marie Desbiens

Près de 110 cas de botulisme, cette maladie mortelle souvent causée par la prolifération de bactéries Clostridium botulinum dans des conserves, sont rapportés chaque année aux États-Unis. Au Canada, entre 1985 et 2005, on a rapporté plus de 205 cas, et 11 décès.

Ça peut paraître bien peu, mais ça a quand même poussé la chimiste alimentaire et vulgarisatrice scientifique Anne-Marie Desbiens (alias la Foodie scientifique) à se poser la question suivante : comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille. C’est le titre de son nouveau livre, sorti le 7 septembre(Nouvelle fenêtre).

L’autrice et illustratrice, qui a dessiné toutes les images du  bouquin, ne trouvait pas sur le marché d’ouvrage exhaustif faisant le tour de la question. Elle s’est donc attelée à la tâche colossale de vulgariser la question.

Plus qu’un livre de recettes, son livre remonte à la naissance de la mise en conserve, racontant la vie mouvementée de l’inventeur du procédé, le Français Nicolas Appert, né en France en 1749. On explique également la science derrière les différentes méthodes de conservation (autoclave ou pas, etc.), et on donne des suggestions pour bien s’outiller en cuisine. 

On a posé quelques questions à l’autrice pour découvrir les thèmes qui traversent le livre.

Faut-il vraiment s’inquiéter d’empoisonner sa famille avec ses conserves, et de quoi faut-il se méfier le plus?

Le titre que j’ai choisi m’est venu tout de suite au début du projet. Je voulais m’attaquer à ce problème parce qu’il y avait tellement de gens dans mes conférences qui me disaient : J’aimerais tellement faire des conserves, mais j’ai tellement peur d’empoisonner ma famille. D’autres personnes me disaient : Moi, dès qu’on me donne des conserves maison, je jette ça. Pas question que je touche à ça.

Et même chez les gens qui ont fait des conserves toute leur vie, qui sont renseignés puisque l’information est de plus en plus accessible, il reste une petite inquiétude.

« Je suis chimiste alimentaire et la mise en conserve, c’est probablement la méthode culinaire qui se rapproche le plus de mon expertise. C’est la technique la plus complexe qu’on peut faire et ce n’est pas comme une simple recette où on peut improviser en cuisine et ajouter sa petite touche personnelle. »

— Une citation de  Anne-Marie Desbiens

Il y a vraiment des risques, dont le plus important est celui d’attraper le botulisme, la maladie mortelle causée par la bactérie Clostridium botulinum. C’est extrêmement rare que ça arrive, heureusement, par contre le risque existe toujours si on ne fait pas la mise en conserve comme il le faut.

Quelles sont les mauvaises pratiques de mise en conserve qui demeurent les plus répandues?

Mes conférences ont souvent été l’occasion de découvrir toutes ces méthodes que les gens pratiquent, pas par mauvaise foi, mais simplement par manque d’information. Il existe beaucoup de livres de recettes de mise en conserve, mais pas d’ouvrage qui détaille comment faire ses conserves et explique aussi les raisons derrière la méthode, et c’est pourquoi j’ai voulu l’écrire.

Mais j’ai entendu parler de beaucoup d’erreurs que les gens faisaient, comme des conserves de poulet au micro-ondes, des conserves traitées au lave-vaisselle, traitées avec une couverture chaude seulement, ou pas traitées [à la chaleur] du tout.

Illustration des pires façons de faire ses conserves, selon Anne-Marie Desbiens
Illustration des pires façons de faire ses conserves, selon Anne-Marie Desbiens | Photo : Anne-Marie Desbiens

« La méthode originale [développée par le Français Nicolas Appert au XVIIIe siècle] est la même qu’on devrait encore utiliser aujourd’hui. Mais il y a eu plein de dérives, surtout à partir du XXe siècle, et même des gouvernements qui ont recommandé des pratiques que l’on ne devrait pas faire comme mettre de la paraffine ou renverser les pots. »

— Une citation de  Anne-Marie Desbiens

Tant que l’on parle de conserves acides [confitures, gelées, cornichons, betteraves, ketchup, les aliments fermentés, etc.], on a seulement besoin d’un chaudron avec de l’eau bouillante pour faire un bain-marie, pas besoin d’autoclave [la marmite à pression conçue spécifiquement pour la mise en conserve].

Mais pour ce qui est des aliments non acidifiés, comme des légumes, poissons, viandes, ragoûts, sauces à la viande, il faut les passer à l’autoclave pour atteindre des températures supérieures à 100 degrés Celsius pour tuer les spores de la bactérie Clostridium botulinum. Ce qui la rend particulièrement dangereuse, c’est que les conserves contaminées n’ont pas de goût ou d’apparence différente et elles demeurent scellées.

Doit-on s’inquiéter des recettes de conserve de nos grand-mères?

Ce genre de recettes, ou les recettes trouvées sur des blogues ou ailleurs, ne sont pas recommandées par les scientifiques, les universités et les gouvernements. Même pour ce qui est des conserves acides, il faut toujours que les recettes soient testées en laboratoire.

Dans le livre j’ai mis une image volontairement compliquée pour illustrer à quel point c’est difficile de valider scientifiquement une recette de mise en conserve parce que dès que l’on change un paramètre, ça peut changer la durée et la température du traitement nécessaire pour tuer toutes les bactéries.

Voici comment Anne-Marie Desbiens illustre les étapes pour valider scientifiquement une recette de conserve.
Voici comment Anne-Marie Desbiens illustre les étapes pour valider scientifiquement une recette de conserve. | Photo : Anne-Marie Desbiens

Tester une recette en laboratoire, ça coûte environ 3000 $, et je vous garantis que les recettes des gens qui ont des blogues ou, plus simplement, la majorité des recettes qui ne proviennent pas de sources gouvernementales ne sont pas testées, parce que c’est beaucoup trop dispendieux.

« Je ne vis pas dans un monde de licornes et je suis très consciente que les gens vont continuer à mettre en conserve les recettes de leurs grand-mères. Mon objectif avec le livre était de montrer les bonnes pratiques.  »

— Une citation de  Anne-Marie Desbiens

Par ailleurs, je voulais vulgariser l’utilisation de l’autoclave et montrer qu’il ne devrait pas nous faire peur et qu’il ne va pas nous exploser en plein visage.

Si les gens ont amélioré de 50 % leurs procédés [après la lecture], ce sera déjà ça de gagné et ce sera plus sécuritaire.

Dans l’introduction du livre, vous dites que la mise en conserve vous intimidait auparavant. Avez-vous commencé à vous y adonner?

J’ai commencé à en faire, j’ai fait des fèves, les légumes préférés de mes enfants, quand elles étaient à un super bon prix, des betteraves marinées. Ce sont vraiment les deux recettes que je préfère. Des pêches dans le sirop aussi. Je n’ai pas encore trouvé de recette de sauce à spaghetti que j’adore, je préfère la congeler, c’est plus simple.

Certaines réponses ont été éditées par souci de clarté.

Le livre d’Anne-Marie Desbiens Comment faire ses conserves sans empoisonner sans famille contient une quarantaine de recettes validées en laboratoire de l’USDA (le département américain de l’agriculture), traduites en français. Le guide complet de mise en conserve de l’USDA (en anglais) est disponible gratuitement sur le web(Nouvelle fenêtre).

La page couverture du livre « Comment faire ses conserves sans empoisonner sa famille », publié le 7 septembre 2023 | Photo : Anne-Marie Desbiens