En 1872, l’écrivain anglais Samuel Butler publiait un roman intitulé Erewhon (nowhere à l’envers), qui se voulait une satire de la société victorienne. Dans cette dystopie, la santé était réservée aux riches, et les personnes malades étaient considérées comme ayant commis un crime.
« Erewhon », c’est aussi le nom de la chaîne d’épicerie la plus chère de Los Angeles, fréquentée par des célébrités et réputée pour ses smoothies hors de prix.
En activité depuis une quarantaine d’années, les sept succursales d’Erewhon Market vendent des produits bio locaux, souvent présentés comme étant des « superaliments ». On peut payer jusqu’à 15 $ US pour une bouteille d’eau, et même jusqu’à 50 $ US pour certains beurres de noix.
Un smoothie à la fraise, à la noix de coco et à la poudre de collagène créé en partenariat avec la mannequin Hailey Bieber a fait fureur récemment sur les médias sociaux.
Cette boisson, qui contient supposément des ingrédients pouvant donner « une belle peau » se vend 17 $ US, soit 22 $ CA. La question que j’ai envie de me poser, c’est : est-ce que ça tient de la dystopie, un smoothie à 22 $?
Les recettes miraculeuses...
Le strawberry glaze skin smoothie de Hailey a été lancé (tiens, tiens) en même temps que sa gamme de cosmétiques. Il contient de la boisson d’amande, des fraises, des dattes, de l’avocat, du sirop d’érable, de la stévia à la vanille (pourquoi?), de la poudre de collagène (une sorte de protéine), de la mousse irlandaise (une algue) et de l’acide hyaluronique (ça, je m’en suis déjà appliquée sur le visage, sous les bons conseils d’un ami maquilleur). Le smoothie est garni de crème de noix de coco (miam) et d’un coulis de fraises (miam encore).
Je n’ai pas la prétention d’être une experte de la nutrition ni une dermatologue, mais j’ai de sérieux doutes quant à l’impact réel d’un smoothie sur la qualité de la peau. J’attends l’étude clinique qui précisera le nombre de smoothies à 22 $ qu’une personne doit consommer hebdomadairement avant de voir des résultats.
Pour continuer votre réflexion avec Loounie en format balado : À plat ventre : la culture des diètes avec Loounie(Nouvelle fenêtre).
J’aime boire un smoothie parce qu’il s’agit d’une manière souvent vraiment délicieuse de consommer une bonne quantité de fruits et de légumes sans trop se casser la tête. J’en bois un comme collation, en accompagnement d’un repas ou carrément comme dessert.
Je m’amuse avec les combinaisons de saveurs et de textures, et j’admets que j’ai créé des smoothies dans presque toutes les déclinaisons de brun qui étaient pas mal moins attrayants que le strawberry glaze de Hailey.
Se « payer la santé »
Je ne pense pas me tromper en affirmant que le smoothie est souvent présenté comme un symbole fort de la culture du bien-être (la petite cousine de la culture des diètes).
La culture du bien-être, c’est l’ensemble des croyances selon lesquelles la santé et le bien-être d’une personne sont attribuables principalement, voire uniquement, à son alimentation, aux suppléments consommés et à l’exercice physique, entre autres. Dans la culture du bien-être, on fait beaucoup abstraction de plusieurs des principaux déterminants de la santé, notamment la génétique et les facteurs socio-économiques.
La culture du bien-être ne criminalise pas à proprement parler la maladie, comme c’est le cas dans le roman dystopique de Samuel Butler. Mais elle nous en attribue la responsabilité. Et quand on voit qu’un smoothie coûte 22 $, il est difficile de ne pas faire de rapprochement avec l’idée dystopique selon laquelle seules les personnes les plus fortunées peuvent se « payer la santé »
Après avoir travaillé pendant plus de 15 ans comme professionnelle de la santé et avoir passé les dernières années à étudier les effets néfastes de la culture des diètes sur notre relation à l’alimentation, j’adhère maintenant à une vision plus ludique de l’alimentation et de la cuisine.
J’essaie de manger le plus diversifié possible, en cuisinant la plupart de mes repas sans mettre de côté le plaisir et la satisfaction.
S'amuser, encore et toujours
Et parlant de plaisir et de satisfaction, je m'en suis donnée à cœur joie en essayant de créer ma version économique, accessible et, surtout, vraiment délicieuse et nourrissante du fameux smoothie à 22 $.
J’ai opté pour : de la boisson de soya, que j’avais dans le frigo; des fraises et des avocats surgelés (c’est toujours pratique d’en avoir sous la main); un coulis de fraises maison en mode zéro-gaspi (j’ai donné une belle vie aux fraises fatiguées du casseau oublié dans le frigo!) et des haricots blancs, pour une texture vraiment onctueuse et un smoothie encore plus soutenant. J’ai particulièrement aimé l’ajout de la crème de coco et du coulis de fraises dans les verres, et je sais déjà que je vais voler cette idée pour mes prochaines recettes.
J’estime que pour deux verres de smoothie moyens ou un très grand, on doit compter environ 4 $ CA. Après, rien ne nous empêche de nous faire un masque à l’acide hyaluronique et de chanter « baby, baby, baby ohhh! » en buvant notre smoothie économique
Pour essayer ma version, c'est juste ici!