Depuis plusieurs générations, les gens du quartier Notre-Dame-de-Grâce fréquentent le casse-croûte Le Fameux Cosmo's, réputé pour son menu iconique, son décor figé dans le temps et l'ambiance conviviale qui y règne. Si le nouveau propriétaire des lieux n’entend pas changer quoi que ce soit du restaurant qui a marqué son enfance, il transporte tout de même cette institution montréalaise dans un monde parallèle : le métavers.
Le Fameux Cosmo's a été fondé en 1967 par Tony Koulakis. Le portrait de l’homme trône toujours sur les murs du restaurant avec, tout autour, des mots laissés par la fidèle clientèle et des clichés d’hier à aujourd’hui. Le décor, bleu électrique avec des touches de bois ici et là, rappelle une époque révolue.
C’est donc ironique de le voir arriver dans un univers aussi avant-gardiste que Decentraland, une plateforme de réalité virtuelle. Le propriétaire, David Minicucci, a acheté un terrain dans le métavers pour la somme d’environ 15 000 $ en janvier dernier.
David Minicucci aurait pu créer des franchises pour étendre la notoriété de l’institution; il a plutôt choisi de miser sur le métavers pour offrir l’expérience caractéristique de son restaurant ailleurs au Canada.
« Nous avons créé une réplique virtuelle du restaurant sur le terrain que j’ai acheté. Vous pouvez vous y rendre avec votre avatar et visiter l’endroit. »
Concrètement, David Minicucci prévoit rendre son restaurant fonctionnel dans Decentraland afin de permettre aux adeptes de socialiser au Fameux Cosmo's, de commander leur repas favori et de le recevoir à la maison grâce à l’existence de cuisines fantômes (ghost kitchens, en anglais), des espaces conçus pour préparer des repas destinés à la livraison seulement.
Si vous êtes à Ottawa ou à Vancouver, par exemple, et que nous y avons des cuisines fantômes, vous pourrez vous rendre dans Decentraland pour y rejoindre un proche et commander votre repas. Ensuite, votre mets sera préparé dans l’une de ces villes et livré à votre porte. Vous pourrez alors manger en discutant avec votre ami dans une autre ville grâce à la réalité virtuelle tout en ayant accès au même menu et à la même expérience à des kilomètres de distance.
- David Minicucci
L’homme d’affaires a déjà entamé des démarches pour ouvrir deux cuisines fantômes prochainement, l’une à Ottawa et l’autre à Toronto. Cette entrée dans le métavers reste une expérience. Je ne sais pas si c’est la direction que prendra finalement Le Fameux Cosmo's. C’est un projet qui rejoint une de mes passions. Je verrai où ça nous mène
, note David Minicucci.
« Le métavers est intéressant pour moi parce que c’est un moyen de développer l’entreprise et d’essayer de nouvelles avenues sans changer le quotidien du restaurant. Le Fameux Cosmo's, le menu et le personnel restent les mêmes. Puis, j’explore et j’attends de voir la suite dans l’espace virtuel. »
L’exploration du métavers
Le métavers fascine particulièrement depuis le virage de Facebook vers Meta et la création de sa propre plateforme de réalité virtuelle. Ces espaces en ligne existent pourtant depuis les années 80 dans le monde des jeux vidéo.
Le Fameux Cosmo's dans Decentraland n’est pas sans rappeler les premières représentations graphiques des jeux virtuels. Maude Bonenfant, professeure au Département de communication sociale et publique de l'Université du Québec à Montréal, explique que les avancées technologiques sont à l’origine de métavers en 3D plus complexes que leurs prédécesseurs comme Second Life, une plateforme créée en 2003 où des avatars évoluent dans un monde virtuel.
« Les métavers existent déjà dans les jeux vidéo. Ce sont des mondes virtuels persistants dans lesquels les internautes font des activités de jeu et achètent des biens numériques à l’aide de la monnaie de la plateforme. »
Selon un rapport du cabinet de conseils Accenture(Nouvelle fenêtre) publié au printemps 2021, la valeur totale de l’industrie des jeux vidéo excède 300 milliards de dollars américains, ce qui la place devant les marchés du cinéma et de la musique réunis ensemble.
Maude Bonenfant estime que l’intérêt de grandes entreprises comme Facebook pour une industrie qui n'est pas du tout dans son champ d’activité est loin d’être surprenant puisque celle-ci génère des profits faramineux. Les jeux vidéo deviennent le moteur de beaucoup de développements technologiques et d’innovations en matière de conception
, mentionne-t-elle.
Mais il y a encore une barrière à l’entrée. Les gens doivent s’adapter à ces objets technologiques s’ils ne sont pas des adeptes de jeux vidéo. Par contre, de plus en plus de personnes sont prêtes à se lancer et y découvrent d’autres utilités, notamment sur le plan économique avec la cryptomonnaie et les jetons non fongibles (JNF, ou non-fungible tokens, NFT en anglais), qui sont des vecteurs de changement dans les habitudes de consommation.
- Maude Bonenfant
La professeure estime que l’univers culinaire va également y trouver sa place, notamment avec les jetons non fongibles ou des associations avec des chefs de renom. Vers où tout cela mènera-t-il? Mystère. Mais l’intérêt y est.