La cuisine avec du cannabis demande avant tout de la précision et de la prudence. Gare à quiconque qui décide de parsemer ses plats de cette herbe! Ce n’est pas du basilic. Le dosage et la manipulation doivent être exécutés avec soin. Petit guide d’une cuisine sécuritaire d’un ingrédient loin d’être banal.
D’un confit de canard à une croustade aux fruits, le livre Le cannabis en cuisine, ce n’est pas comme du basilic! regorge de recettes et de conseils pour intégrer la substance à son assiette. Tant qu’à le faire, faisons-le bien!
C’est le mot d’ordre que s’est donné le chef Jean Soulard en rédigeant l’ouvrage publié à l’automne 2018.
L’auteur explique que son livre vise à sensibiliser la population aux risques de la consommation tout en l'informant des pratiques sécuritaires à adopter. Nous l’avons rencontré.
Comment vous êtes-vous intéressé à l’utilisation de cannabis en cuisine?
Je dois avouer que cet intérêt ne m’est pas venu naturellement. À ce moment-là, je n’en avais jamais consommé de ma vie. Puis, la substance a été légalisée au Canada en octobre 2018. En amont de l’entrée en vigueur de la loi, une seule réflexion a traversé mon esprit : Les gens vont intégrer le cannabis à leur cuisine. Mais savent-ils comment s’y prendre?
J’étais curieux d’en apprendre plus. Après quelques recherches, j’ai découvert que les contenus disponibles en ligne semblaient présenter des techniques très rudimentaires et peu sécuritaires.
Je me suis donc entouré de spécialistes pour me guider dans ma démarche d’écriture et d’élaboration des recettes. Ces professionnels — chimistes, toxicologues, chercheurs — m’ont permis de comprendre les propriétés des molécules de THC et de CBD contenues dans le cannabis et de m’éduquer sur les risques associés à la consommation.
Découvrez la recette de brownies au cannabis de Jean Soulard
Comment s’y prendre pour intégrer le cannabis à la cuisine?
Le cannabis peut être sous la forme d’un gras, soit du beurre ou de l’huile, sinon intégré à celui du canard ou du porc. Il suffit de faire infuser le cannabis dans un de ces gras pour rendre le THC soluble et l’activer. À partir de la substance obtenue, toutes les déclinaisons de goût peuvent être appliquées dans toutes les préparations, aussi bien dans une entrée froide ou chaude que dans un plat principal, un dessert, une sauce ou une vinaigrette.
Pour en apprendre davantage sur la cuisine à base de cannabis, visionnez le reportage de L'Épicerie(Nouvelle fenêtre).
L’autre option est d’utiliser de l’alcool. Des boissons comme le cognac, le rhum ou le gin sont conseillées. On infuse le cannabis dans cette substance pendant quelques jours. Puis, on l’utilise pour aromatiser les différentes préparations.
Il faut éviter de broyer les herbes pour les ajouter dans les recettes. Le résultat ne sera pas bon.
Extrait du livre Le cannabis en cuisine, ce n’est pas comme du basilic!
Il n’est pas banal de cuisiner avec du cannabis. Nous sommes loin des fines herbes du jardin que nous parsemons sur nos pâtes. Manipulé dans de mauvaises conditions, dosé de façon aléatoire, pris en trop grande quantité, le cannabis vous fera sans aucun doute passer des moments difficiles. Il n’y a rien d’anodin dans sa consommation.
Quels sont les défis associés à la cuisine avec du cannabis?
Le dosage! J’ai été mon premier cobaye. Ensuite, mes proches se sont prêtés au jeu. Puis, mes voisins et mes voisines aussi. Une chose est certaine : ces produits sont compliqués à manipuler à cause du dosage. Les effets diffèrent chez chaque personne.
D’autres facteurs influencent les effets du cannabis (Nouvelle fenêtre): sa teneur en THC, l’état physique de la personne, son habitude à consommer ou non cette plante et la prise d’alcool ou de médicaments.
Il est primordial de commencer par une infime dose. Que vous ayez déjà consommé du cannabis ou non, les doses introduites dans les aliments doivent être méticuleusement calculées. Il faut être très prudent. Le cannabis consommé sous forme d’aliment met plus de temps à faire effet que lorsqu’il est fumé. Son effet maximal se produit de deux à quatre heures après sa consommation.
Il reste ensuite la question du goût. Les premiers effluves de cannabis amènent beaucoup d’amertume. Mon premier objectif a été de l’enlever. Une fois ma mission réussie, tout a été possible!
Le point de vue scientifique
Normand Voyer, professeur titulaire au Département de chimie de l’Université Laval, a appuyé le chef Jean Soulard dans son exploration culinaire du cannabis. Dans le livre Le cannabis en cuisine, ce n’est pas comme du basilic!, l’expert rappelle les nombreux effets de la substance sur le comportement.
Si vous ingérez du cannabis, votre pensée va être modifiée, vos réflexes vont être altérés, vos réactions vont être différentes. En d’autres mots, vos facultés vont être affaiblies même si vous pensez être en pleine possession de vos moyens. Et, combiné avec l’alcool, l’effet psychotrope du cannabis est amplifié.
Foie gras poêlé et sauternes risquent de vous surprendre d’une manière inédite! Donc, peu importe ce que vous avez consommé (la dose), abstenez-vous de faire des tâches qui requièrent une concentration et une prise de décision avant plusieurs heures. Prévoyez plutôt un transport sécuritaire par un tiers ou un conducteur désigné; vous pourrez ainsi profiter pleinement de votre expérience gastronomique!
Une fois la dégustation de plats à base de cannabis terminée, n’oubliez surtout pas de les ranger sécuritairement. La consommation de ces mets doit être faite avec le consentement des personnes impliquées. N’oubliez pas que les enfants aiment beaucoup les brownies! Ne laissez pas ces desserts à leur portée.
Certaines réponses ont été éditées par souci de clarté.
