Les glaçages pastel ornés de cerises confites au sucre goûtent l’excès dans un temps où tout pousse vers la restriction. Ces gâteaux inspirés des styles des années 60 à 80 ont envahi les réseaux sociaux au cours des deux dernières années jusqu’à en faire l’une de ses tendances culinaires les plus recherchées.
Aux grands maux, les grands remèdes, dit-on. Dans son appartement montréalais, la pâtissière Lauren McGowan étend méticuleusement une garniture onctueuse rosée sur un gâteau à la vanille en forme de cœur. En février 2020, la jeune femme s’est lancée dans la confection de desserts pour offrir des options véganes aux personnes, comme elle, allergiques au gluten. Elle était loin de se douter que, deux ans plus tard, elle allait vendre de 80 à 100 gâteaux par mois de sa pâtisserie à la maison.
La simple évocation d'un gâteau Vachon ou d'une pizza pochette peut nous renvoyer illico à nos souvenirs d'enfance. Dans ce dossier sur la nostalgie dans l'assiette, l'équipe de Mordu explore la puissante relation qui existe entre le goût et la mémoire.
« Cette période de pandémie a été tellement terrible que ces gâteaux amusants et extravagants sont devenus un moyen d’échapper à la réalité. »
Ces fantaisies sucrées déferlent sur les réseaux sociaux, où des entreprises semblables à Violet Bakehouse publient des clichés de gâteaux tous plus décadents les uns que les autres. Ces pâtisseries comme Pluto Cake, à Montréal, ou Kwento, à Toronto, ont utilisé leur présence en ligne pour assurer leur succès.
Inspirés des styles des années 60 à 80, ces gâteaux se distinguent par leur exubérance, qui s’oppose aux modes récentes de décoration minimaliste. Mais ce retour du maximalisme est loin d’être anodin : tant dans la mode qu'en design intérieur, on constate que les couleurs vives et les accents décoratifs retrouvent leurs lettres de noblesse en temps de crise.
« La nostalgie associée à ces gâteaux est réconfortante. Dans un moment où les excès sont limités, ça amène de la beauté dans nos vies. »
Au début de la pandémie, elle a reçu des commandes pour des formats d'une à trois portions. Au fil des allègements des mesures sanitaires, la pâtissière a concocté des gâteaux de plus en plus gros, reflétant directement les désirs de sa clientèle. Même confinés à la maison, les gens ont voulu souligner les petits moments autour de desserts
, note Lauren McGowan.
Difficile d’y résister. Les décorations imaginées par la trentenaire font rêver les nostalgiques et relèguent le minimalisme aux oubliettes. Cette extravagance a toujours intéressé Lauren McGowan. La pâtissière s'inspire du cinéma et de la mode, notamment pour ce qui est des palettes de couleur et du mouvement des tissus. Selon elle, le glaçage et l'étoffe se ressemblent à bien des égards.
« J’adore l’histoire de la mode. Je regarde souvent des vidéos de robes de l’époque victorienne. J’observe aussi les couleurs dans les films pour m’inspirer. »
Elle fouille également dans sa collection de livres de recettes rétro, en particulier les revues annuelles de décorations de gâteaux publiées par l’entreprise Wilton depuis 1921. Dans les années 50, les éditions présentent davantage de tendances pour les enfants. Puis, en 1970, par exemple, les gâteaux inspirés des signes du zodiaque sont à l'avant-plan.
Sur sa chaîne YouTube, Lauren McGowan ouvre la porte de son univers de délices décadents. L’entrepreneure a découvert une vocation, mais surtout, une communauté fervente de glaçages pastel. Je les appelle mes amies de gâteaux
, mentionne-t-elle en riant. Que ce soit pour célébrer des anniversaires ou des ruptures amoureuses, ces délices aux décorations kitsch qui rappellent l’excès d’une période plus glorieuse rassemblent de plus en plus de gens.
