Nostalgique des saveurs de son enfance, Lydie Kapnang a fondé l'entreprise Les Épices du Mboa, qui importe les précieux parfums de son Cameroun natal.
Je donne rendez-vous à la chasseuse d’épices Lydie Kapnang à l’épicerie Makiti Exotique du boulevard Hamel à Vanier où l’on trouve facilement ses mélanges d’épices distinctifs. Cette épicerie dessert la diaspora africaine de Québec avec des produits frais et importés. Il y a ici un service de boucherie et de poissonnerie fort populaire.
C’est justement devant le comptoir des poissons que Lydie me conduit pour que je puisse mettre la main sur ses enveloppes vertes et blanches identifiées avec son visage et le nom de son entreprise. Les mélanges des Épices du Mbao sont sans sel, sans sucre ni gluten et contiennent des aromates dont je n’ai jamais entendu parler. Mboa
veut dire chez soi
en douala, un dialecte tout aussi riche aux yeux des camerounais que les épices.
« Je veux rendre accessible des épices associées couramment au prestige dans mon pays, car ce sont des ingrédients qui méritent d’être connus et démocratisés. »
Un poivre très convoité
Parmi l’offre disponible, une attire franchement mon attention : le poivre blanc de Penja, un poivre préservé par une Indication géographique protégée (IGP), la première à voir le jour en Afrique, une fierté qui dépasse largement les frontières du Cameroun.
Le poivre de Penja est reconnu comme un des meilleurs poivres sur le marché, prisés des grands chefs étoilés Michelin, dont Christophe Aribert (Maison Aribert), Georges Blanc (Vonnas), Gilles Goujon (Auberge du Vieux Puits).
Son odeur exotique est unique, un parfum qui rappelle la fermentation au soleil avec une touche de fleurs blanches épicées. Cette odeur s’empare rapidement d’une pièce, lorsque la baie est cuisinée. Je n’ai jamais rien senti de tel! En bouche, le poivre surprend par sa personnalité franche et une longue finale aromatique qui s’accroche sincèrement au palais. Cette expérience est ancrée dans la mémoire gustative de Lydie Kapnang, ainsi que celle de bien des Camerounais établis au Québec.
« On va le mettre en fin de cuisson pour que son goût demeure le plus possible. Sans les épices traditionnelles, on se retrouve à réinventer les recettes parce qu’on n’a pas accès à tous les ingrédients. Alors, on perd un peu de ce goût traditionnel dans nos plats. On n’est donc pas capable de transmettre le vrai goût à nos enfants. »
Envoûter l’être aimé
Les mélanges d’épices que propose Lydie permettent de reproduire des plats typiquement camerounais, dont le mbongo tchobi né d’un désir de conquête amoureuse.
L’histoire de cette sauce mystérieuse dit que les femmes la cuisinaient pour envoûter leur mari
, raconte l’entrepreneure tout sourire. C’est une certaine pression sociale pour les femmes en Afrique que de savoir cuisiner. C’est aussi le cas pour les femmes qui immigrent au Québec. Grâce à mes épices, je leur offre une opportunité de mettre en valeur leur savoir-faire avec des goûts traditionnels du pays et ainsi envoûter plus facilement l’être aimé
, ajoute l’entrepreneure d’un séduisant sourire.
La couleur noire profonde du mbongo tchobi est attribuable à l’écorce du mbongo, un arbre typique du Cameroun. L’écorce est torréfiée dans un feu de charbon pour relever ses arômes. C’est tellement noir, précise-t-elle, que c’est comme cuisiner avec du pétrole.
« C’est très typique camerounais, car il n’y a pas d’autres pays en Afrique qui a cette sauce-là. Et le simple fait d’enlever un seul ingrédient, ça change tout. »
Parmi la sélection de produits offerts, il y a aussi la sauce jaune
habituellement cuisinée avec le taro — un tubercule populaire dans la cuisine camerounaise — et de l’huile rouge
, le nom commun donné à l’huile de palme, un ingrédient identitaire pour bien des peuples africains.
On fait bouillir le taro, on fait un petit creux avec la purée de taro, ensuite on verse la sauce au milieu
, explique-t-elle. Les enfants disent que c’est un puits, et d’autres un volcan, et ça se mange à la main. C’est un plat royal que l’on sert lors de grandes célébrations, pour notamment séduire les hommes autour de la table.
Il n’y a pas de doute, la séduction et la cuisine au Cameroun ne font qu’un !
L’approvisionnement demeure le grand défi pour la femme d’affaires qui se réjouit de l’arrivée des vols directs Paris-Québec dès l’été. Ce nouvel achalandage aérien permettra à l’entrepreneure de s’approvisionner de façon plus régulière, afin que les épices de son pays natal puissent être intégrées plus facilement dans la cuisine d’ici.
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