L’huile de palme est partout. Polyvalente, cette huile se trouve dans de nombreux produits alimentaires transformés, mais aussi dans les cosmétiques et même dans les biocarburants. Sa culture donne le meilleur rendement, ce qui en fait l’huile la moins chère au monde. Et elle a mauvaise réputation : elle est nocive tant pour la santé humaine que pour l’environnement.
Mais est-ce que la remplacer par d’autres huiles végétales est vraiment la solution? L’épicerie fait le point sur la question.
L’huile de palme raffinée, grande source de gras saturés
Quand l'industrie alimentaire a cherché à remplacer les gras trans néfastes pour la santé, à partir de 2015, elle s'est tournée entre autres vers l'huile de palme.
C'est un gras qu'on utilise de plus en plus dans l'industrie alimentaire en raison de ses propriétés d'être quasiment solide à température de la pièce
, explique Hélène Delisle, professeure émérite à la Faculté de nutrition de l’Université de Montréal.
L’huile de palme est extraite de la pulpe du fruit d’une variété de palmiers qui pousse principalement en Indonésie ou en Malaisie, et un peu en Afrique.
À l’état naturel, l’huile de palme est d’une couleur orangée et est riche entre autres en vitamine A. Par contre, c’est de l’huile de palme raffinée qui est utilisée dans les produits transformés, comme les biscuits, les pâtisseries, les chocolats ou les condiments, entre autres.
Cette huile de palme qui a été chauffée, désodorisée et décolorée perd ses qualités nutritionnelles.
Alors que l'huile non raffinée, tout comme le beurre, contient 50 % de gras saturés, l'huile de palme modifiée et l'huile de palme hydrogénée contiennent 75 % de gras saturés. L’huile de palmiste, obtenue en pressant le noyau des fruits du palmier, atteint de son côté les 80 %.
L’huile de palme est ainsi l’huile végétale la plus riche en acides gras saturés, ce qui en fait la pire source d’acide gras végétal avec l’huile de coco.
Cette question des acides gras saturés est importante, et elle l'est beaucoup plus dans nos pays, où l’on a tendance à consommer trop de gras et à avoir d'autres facteurs de risque de maladies cardiovasculaires
, note Hélène Delisle.
Regardez ici le reportage de L’épicerie sur l’huile de palme.(Nouvelle fenêtre)
Une huile en forte demande
Dans un contexte où la population mondiale est croissante, la production d’huile de palme est constamment en augmentation pour répondre à la demande, selon Arnaud Gauffier, du Fonds mondial pour la nature (WWF), qui est une des organisations internationales de conservation les plus importantes.
Cette production est aussi tirée vers le haut par des usages dont on pourrait se passer, comme dans les agrocarburants. Plus de 50 % des volumes d'huile de palme utilisés en Europe finissent dans les réservoirs des voitures pour faire du biodiesel ou des avions pour faire du kérosène. Ça, c'est une aberration absolue
, constate Arnaud Gauffier.
Les industriels ont intérêt à utiliser l’huile de palme, puisqu’elle est l’huile la moins chère au monde. De plus, la culture de l’huile de palme offre un rendement supérieur à toutes autres huiles. Les plantations de palmiers à l’huile atteignent de 4 à 6 tonnes de production d'huile à l'hectare. En comparaison, le soja produit au maximum une tonne d'huile à l'hectare.
« C'est pour cette raison que le WWF, et même d'autres ONG, comme Greenpeace, n'a jamais appelé au boycottage pur et dur de l'huile de palme. S'il fallait remplacer tous ces volumes par l'équivalent en huile de soja, en huile de tournesol, en huile de colza, il nous faudrait six fois plus de surfaces. »
De l’huile de palme durable?
On reproche à l’huile de palme d’être issue d’une production dommageable pour l’environnement parce qu’elle détruit la biodiversité.
On parle beaucoup des grandes plantations de palmiers, en Malaisie par exemple. Ces plantations détruisent les sols et déplacent les cultures vivrières pour l'exportation
, explique la professeure Hélène Delisle.
La culture d’huile de palme nécessite une déforestation massive pour laisser place à une monoculture, tout en détruisant l’habitat naturel de nombreuses espèces animales, dont l’orang-outan.
Devant le tollé provoqué par la destruction de la biodiversité, l'industrie alimentaire s’est donc tournée vers de l'huile de palme certifiée durable.
La certification la plus reconnue actuellement est la RSPO, la Roundtable on Sustainable Palm Oil, qui date de 2004. Cette certification s'applique à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, c'est-à-dire les plantations, les fournisseurs et les fabricants de produits alimentaires.
Cette certification a évolué dernièrement et elle va de plus en plus vers une protection de l'ensemble des forêts, dit Arnaud Gauffier. Il n'en reste pas moins que la production d'huile de palme, donc le palmier à huile, continue de contribuer à la déforestation, puisqu'on a une demande croissante au niveau mondial.
Certains grands utilisateurs, comme Unilever, Cadbury, Kellogg's, Nestlé ou Ferrero, le fabricant du Nutella, disent vouloir s'approvisionner uniquement en huile de palme certifiée durable.
Le problème, c'est qu'en 2021, 81 % de l'huile palme produite mondialement ne l'était pas.
Si certaines entreprises ont réussi à s’approvisionner en huile durable, d'autres ont diminué leur utilisation en remplaçant l'huile de palme.
« On voit beaucoup de produits où ça a été remplacé par du beurre de karité, donc des huiles exotiques, ou de l'huile de coco. Mais l'huile de coco, c'est l'huile qui a le plus d'impact environnemental pour ce qui est de la production au niveau mondial. »
Continuons à produire de l'huile de palme là où c'est déjà déforesté, mais surtout, arrêtons de couper de nouvelles forêts pour planter du palmier à huile
, estime l’expert.
Arnaud Gauffier nous suggère, en tant que consommateurs et consommatrices, de nous tourner vers des produits certifiés RSPO. C'est un label qui a plein de défauts, mais pour le moment, c'est ce qu'il y a de plus robuste et de plus simple sur le marché.
Toutefois, on ne voit que très peu cette certification, car les fabricants ont rarement intérêt à mettre de l'avant la présence d'huile de palme dans leurs produits.
Avec les informations d’Alain Roy et de Denis Gagné