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Quitter la Suisse pour faire du vin en Nouvelle-Écosse

par  Elizabeth Ryan

Jürg Stutz envisage l’avenir de l’entreprise familiale avec un mélange de dynamisme et d’optimisme. | Photo : Gracieuseté : Domaine Grand Pré

Il y a de ces coups de foudre qui changent une vie. C’est lors d’un voyage d’affaires que le Suisse Hanspeter Stutz tombe profondément amoureux de la Nouvelle-Écosse. Au point d’y acheter un domaine viticole et de convaincre toute sa famille de quitter la Suisse pour le suivre dans cette folle aventure du Domaine de Grand Pré. Rencontre avec Jürg Stutz, le fils vigneron qui a pris la relève de son père aventurier.

Domaine de Grand Pré : une histoire de famille

Quand son père, Hanspeter, fait part à sa famille de son désir de s’installer au Canada dans un petit village nommé Grand Pré, Jürg entame à peine sa carrière de banquier. En Suisse, c’est normal de devenir banquier. Mais je n’aimais pas ce métier plus que ça, explique-t-il. 

Il n’a pas encore 22 ans et a toute la vie devant lui. Il saisit sans hésiter cette occasion formidable que son père lui offre de se réinventer et il s’inscrit à un cours pour devenir vigneron. Cinq ans plus tard, en 1999, il obtient son diplôme. Il s’envole aussitôt pour le Canada afin d’y rejoindre sa famille déjà installée au vignoble. Il y avait déjà des raisins sur la terre que mon père a achetée, mais il manquait un vigneron pour faire du vin!

L’arrivée du jeune diplômé permet au Domaine de Grand Pré de prendre véritablement son envol. Après deux décennies de dur labeur, la famille Stutz se réjouit de son succès. En plus des vignes, le site abrite aujourd’hui un restaurant et un gîte. De quoi offrir la totale aux touristes qui veulent vivre à fond la vie de vignoble!

« C’est toute la famille qui contribue à la bonne réputation du vignoble. Ma sœur, Beatrice, est gérante du restaurant, tandis que son mari, Jason, en est le chef. Ma femme, Cäcilia, gère les clients et la boutique. Mon père, Hanspeter, ajoute son grain de sel à tout ça. Et moi, je fais les vins! Chacun joue parfaitement son rôle. Parfois, le ton peut monter un peu entre nous, mais finalement, nous partageons tous la même vision. »

— Une citation de  Jürg Stutz, vigneron et copropriétaire, Domaine de Grand Pré

Apprendre à faire du vin de climat froid

Lors des premières années du jeune Jürg au vignoble, sa capacité d’adaptation est mise à rude épreuve. Dans le cours de vigneron, on apprend comment faire du vin en principes, raconte-t-il. Mais dans la réalité néo-écossaisse et canadienne, c’est une autre paire de manches! Le climat, les sols, les variétés de raisin, tout ici est différent du vignoble suisse!

Lentement, mais sûrement, Jürg prend de l’assurance comme vigneron et il semble aimer de plus en plus travailler avec les cépages hybrides typiques de sa région canadienne. 

« Ma variété de raisin préférée est sans contredit l'acadie blanc, un raisin qui fait la renommée de la Nouvelle-Écosse. Ce cépage nous donne beaucoup de flexibilité, car on peut autant le travailler en vin plat qu’en vin pétillant, voire le mélanger avec d’autres raisins. D’autant plus qu’il est très facile à cultiver, très tolérant à toutes sortes de maladies. Idéal pour notre climat! »

— Une citation de  Jürg Stutz, vigneron et copropriétaire, Domaine de Grand Pré

De nouveaux cépages européens en Nouvelle-Écosse

Depuis quelques années, le réchauffement climatique semble donner un nouveau souffle à l’industrie viticole néo-écossaise. Bien que les hivers demeurent très rigoureux, les vignerons locaux constatent qu’il est désormais possible de cultiver de nouveaux raisins sur leurs terres.

Ainsi, la plantation de cépages internationaux tels que le chardonnay, le riesling et le pinot noir est de plus en plus répandue. On parle de raisins qui n’auraient pas survécu à notre climat il y a à peine une vingtaine d’années, révèle Jürg. Ce sont des cépages que les consommateurs reconnaissent et aiment déjà.

Tout en continuant de miser sur les hybrides comme le maréchal foch ou le seyval blanc, le Domaine de Grand Pré s’est offert au cours des dernières années de nouvelles parcelles de raisins européens. Nous lançons cette année notre premier chardonnay élevé en barrique de chêne, et je vous conseille vivement d’essayer notre riesling mousseux déjà sur le marché. Vous m’en donnerez des nouvelles! recommande Jürg Stutz.

Un vignoble néo-écossais de calibre international

Si l’on remonte au début des années 1990, se lancer dans un projet de vignoble au Canada relevait pratiquement de la profession de foi. Mon père peut être considéré comme un visionnaire, comme une personne qui a flairé un bon potentiel, dit le vigneron. 

À l’époque de la fondation du Domaine de Grand Pré, la réputation des vins canadiens était généralement mauvaise, et les consommateurs étaient loin d’être au rendez-vous. Fort heureusement, les vignerons et vigneronnes d’ici ont appris au cours des 20 dernières années à travailler main dans la main avec le climat nordique canadien et à réussir à produire des vins uniques au monde qui ont tout pour faire rougir la concurrence.

« Nos vins blancs, en particulier, sont tout à fait croquants et présentent une acidité extraordinaire. C’est sans parler de nos bulles qui rivalisent avec les grands champagnes de ce monde. Pour l’industrie viticole néo-écossaise, on peut commencer à rêver et à parler de percée internationale. »

— Une citation de  Jürg Stutz, vigneron et copropriétaire, Domaine de Grand Pré

Jürg Stutz envisage l’avenir de l’entreprise familiale avec un mélange de dynamisme et d’optimisme. Le Domaine de Grand Pré, qui arrive aux limites de ses capacités de fonctionnement, s'apprête à agrandir ses installations.

Toujours à l’affût des dernières tendances dans le monde du vin, et pour mieux répondre aux attentes des consommateurs et consommatrices, la famille Stutz augmente sans cesse sa production de vin en canette. 

Ici, pas une journée n’est pareille, pas une année ne ressemble à la précédente. La vie de vigneron est remplie de surprises, se réjouit Jürg. Rien pour lui faire regretter une seule seconde le métier de banquier.

Jürg Stutz envisage l’avenir de l’entreprise familiale avec un mélange de dynamisme et d’optimisme. | Photo : Gracieuseté : Domaine Grand Pré