Connaissez-vous le déchétarisme? Il s’agit de fouiller dans les poubelles pour s’approvisionner en aliments jetés alors qu’ils sont toujours comestibles. À l’occasion d’un épisode croisé avec l’humoriste et animateur du balado 3,7 planètes, François Bellefeuille, nous avons fait le tour des bennes à ordures et nous avons cuisiné un souper à partir de nos étonnantes trouvailles.
Les nutritionnistes Catherine Lefebvre et Bernard Lavallée animent le balado On s’appelle et on déjeune(Nouvelle fenêtre), où l’on fait part de découvertes liées à l’univers de l’alimentation et on discute de sujets qui font réfléchir. À écouter sur OHdio !
On s’appelle et on déjeune × 3,7 planètes
Dans son balado 3,7 planètes, François Bellefeuille s’intéresse aux différentes façons de réduire son empreinte écologique. Afin d’adopter des habitudes de vie plus durables, il tente toutes sortes d’expériences. Il se fait notamment installer un bidet pour arrêter d’utiliser du papier de toilette et il fait le tri dans ses vêtements pour avoir une garde-robe responsable.
Nous l’avons amené dans une ruelle parallèle à l’avenue du Mont-Royal, à Montréal, pour prendre conscience de la quantité phénoménale de nourriture(Nouvelle fenêtre) qu’il est possible de récolter dans les poubelles.
Pendant notre tournée des vidanges, nous avons entre autres trouvé des biscuits dans leur emballage d’origine, des carottes, du brocoli, des croûtons et une boîte de conserve mystère en parfait état.
Même si le déchétarisme n’est pas une source d’approvisionnement souhaitable pour tout le monde, l’exercice demeure intéressant pour qu’on prenne conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire qui se produit à l’échelon de la distribution, c’est-à-dire à l’épicerie et dans les marchés. D’ailleurs, il n’est pas toujours évident de bien saisir le portrait de la situation au Canada.
Des déchets et des chiffres
L’une des principales motivations des adeptes de déchétarisme est la réduction du gaspillage alimentaire. En effet, c’est un défi environnemental majeur, et ce, à tous les maillons de la chaîne alimentaire. D’ailleurs, dans le rapport 2021 du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), on estime que de 8 à 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont associées à des aliments qui ne sont pas consommés
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Le rapport en question ne tient compte que des secteurs du commerce de détail (les épiceries), de la restauration et de l’hôtellerie, et des ménages. En réalité, une partie du gaspillage alimentaire a lieu à même le champ. Les données de l’ONU ne tiennent donc compte que du gaspillage alimentaire à la maison, au resto et dans les épiceries. Si on ajoute à cela les pertes au champ, on estime les pertes à bien être au-delà de 8 à 10 %.
Pour plaire aux grossistes et à la clientèle, les agricultrices et agriculteurs ne récoltent souvent qu’une partie du légume. Par exemple, les feuilles de brocoli et de chou-fleur restent habituellement au champ, alors qu’elles se cuisinent comme du chou vert frisé ou du chou cavalier.
De plus, la clientèle, et donc les épiceries, recherche des fruits et légumes de taille et de couleur similaires. S’ils n’ont pas exactement l’apparence souhaitée, ces derniers sont laissés au champ. Une bonne partie de ces aliments pourraient nourrir nombre de personnes.
Quant au Canada en particulier, on lit souvent que 58 % de la nourriture y est jetée(Nouvelle fenêtre). Comme l’explique Éric Ménard, spécialiste en gestion de l’environnement et de la lutte au gaspillage alimentaire, ce pourcentage n’est pas juste.
[Ce chiffre de 58 %] inclut toutes les parties non comestibles des matières premières alimentaires destinées à l’alimentation humaine (os et peaux d’animaux, noyaux, écales, pelures, etc.), mais aussi les pertes d’humidité des aliments au fil de la chaîne et à la cuisson, ce qui n’est en rien une perte alimentaire.
Selon lui, la statistique en question devrait plutôt se lire ainsi : 58 % du poids des matières premières alimentaires est perdu tout au long de la chaîne au Canada.
Or, si l’on exclut le poids des parties non comestibles et des pertes d’humidité, ce serait plutôt 30,4 % d’aliments qui sont perdus ou gaspillés au Canada. Ces données proviennent du rapport techniqueThe Avoidable Food Crisis(Nouvelle fenêtre) de l’organisme Second Harvest, financé par la Walmart Foundation.
De plus, certains médias rapportent que la clientèle est la principale responsable de ces pertes. Toutefois, ces données sont basées sur le prix des aliments. Puisque les gens paient plus cher pour leurs aliments que les entreprises de distribution, il n’est pas étonnant que ceux-ci paraissent comme la partie la plus gaspilleuse de la chaîne alimentaire.
Selon le Conseil national zéro déchet(Nouvelle fenêtre), les ménages canadiens jetteraient l’équivalent de 1100 $ de nourriture comestible par année.
En tenant compte des émissions de gaz à effet de serre pour produire et transporter des aliments, réduire le gaspillage alimentaire est un élément clé pour contribuer à une alimentation durable.