L’Auberge-restaurant La Goéliche à Sainte-Pétronille sur l’île d’Orléans attire ces jours-ci une foule inhabituelle de mangeurs locaux, ainsi que de jeunes familles. Inspirée du populaire casse-croûte de bord de route, la cheffe Véronique Arial ancre ses créations dans le terroir de l’île d’Orléans et fait de la petite cabane au toit rouge au bout de la rue du Quai, un incontournable dans la capitale nationale.
La Goéliche fait partie de ces lieux qui font l’orgueil de l’île d’Orléans. Les anciens locataires du lieu, le Manoir de l’Anse et le Château Bel-Air, étaient de grands établissements de renom et la fierté des résidents de Sainte-Pétronille. Jusqu’à la construction du pont en 1935, c’était la porte d’entrée principale de l’île par voie maritime. Un lieu riche en souvenirs historiques qui attire depuis plus d’un siècle beaucoup de touristes fortunés.
La présence d’une petite cabane en bois avec une fenêtre coulissante devant cet établissement à la prestance évoquant celle des maisons de quartiers cossues de la côte est américaine, est contre nature. C’est définitivement l’effet COVID-19, dont le seul remède pour survivre fut d’attirer la population locale. C’était ça ou la fermeture de La Goéliche.
Aliments hyperlocaux
La brise venue de l’eau amène avec elle un vent de fraîcheur fort bienvenue en cette chaude et ensoleillée journée de juin. Le menu de type casse-croûte met en valeur un contenu hyperlocal et de loin plus raffiné que ses habituels clichés.
On reconnaît des classiques comme la poutine et le fort populaire poulet frit, mais tous sont élaborés à partir d’ingrédients qui ont vu le jour dans les fermes, les champs et les prés de l’île d’Orléans.
Les patates frites proviennent de la Ferme Valupierre à Saint-Jean, le fromage de la Fromagerie de l’Isle d’Orléans à Sainte-Famille, les petits fruits chez le voisin M. Gosselin, mais le poisson du fish n’chips est de l’aiglefin des eaux canadiennes. C’est d’ailleurs l’espèce de prédilection au Canada pour ce classique aux racines britanniques.
Après la commande à la fenêtre de la cabane, on nous propose de prendre place sur la terrasse à l’arrière du bâtiment. Je me réjouis grandement d’avoir accès à la terrasse! Ma conjointe Marie-Ève et moi récupérons notre repas à la fenêtre de la salle à manger du restaurant, servi dans des contenants de nourriture pour emporter sur un cabaret de cafétéria. Que c’est insolite et à l’opposé complet des expériences que j’ai vécues dans cette salle à manger, mais j’adore!
Le fleuve occupe naturellement chaque coup d’œil vers la terrasse. Alors que les parfums des nombreuses et fort colorées fleurs ornementales stimulent mon odorat, mes oreilles, elles, captent l’éclat de l’eau à quelques pieds de moi. Tout est en place pour exciter mes sens.
Le mobilier temporaire aménagé le long de la clôture qui sépare la terrasse de l’eau, sous le feuillage de beaux grands bouleaux blancs, ressemble à celui d’un restaurant familial. Les chaises sont fixées à la table, qui oscille légèrement à chacun de nos mouvements.
Des sièges plus confortables avec parasol sont aussi mis à la disposition de la clientèle un peu plus loin sur le site. Sans COVID-19, il aurait fallu être client de l’auberge pour profiter de ce magnifique lieu. La salle à manger est tout aussi accessible en cas de mauvais temps.
J’ai choisi l’entrée de deux pogos, un aliment tout aussi populaire que le poulet frit à Québec en ce moment et un classique de casse-croûte peu importe où l’on est en province. Ils sont petits et de forme oblongue et charnue et joliment équilibrés en goût. Ils se démarquent franchement de l’offre de la région.
La saucisse est élaborée à partir de la volaille de La Ferme Orléans, une entreprise qui fait l’élevage et la transformation de plus d’une douzaine d’espèces de gibiers à plumes à Saint-Laurent. C’est aussi l’une des rares fermes au Québec à opérer son propre abattoir.
C’est un des rares produits que la cheffe Arial ne transforme pas elle-même en cuisine. Enrobés dans un appareil moelleux qui croustille et caramélise à la cuisson, les pogos de Véronique sont accompagnés d’un ketchup maison aux cerises de la Ferme Laval Gagnon qui est délicatement sucré et joyeusement acidulé. Le ton est donné.
Visiblement, il y a plusieurs étapes et du temps investi en cuisine, car ça se goûte, notamment dans les beignets de la mer et la sauce gribiche, un condiment qui est monté en mayonnaise et garni de câpres, de cornichons et de fines herbes.
À l’intérieur de ces petites boules croustillantes à la panure rappelant celle d’un beignet de pomme de terre, il se cache de beaux morceaux de chair de homard et des crevettes nordiques qui s’entrelacent dans une sauce blanche. Cette dernière est ponctuée de grains de maïs, d’échalotes et d'herbes bien ciselées, ainsi que des pois verts qui explosent de sucre sous la dent. Le contraste des textures est incroyablement agréable et souligne à merveille la créativité de la cheffe Arial.
Le repas se poursuit avec une autre entrée : dumplings de homard. La gourmande que je suis préfère de loin déguster plusieurs plats au lieu de m’asseoir sur une seule assiette. Les bouchées en forme d’étoile sont servies dans un réceptacle en aluminium avec un bout de pince de homard, du caviar de mujol et une mayonnaise avec l’ingrédient qui offre l'un des plus splendides accords aromatiques avec le homard : le safran nordique !
Plus concentré en arôme que celui de l’Espagne ou de l’Iran, le safran nordique colore la mayonnaise d’un jaune délicat. Son parfum rehausse le homard, faisant jaillir un plaisir aromatique insoupçonné.
Il y a beaucoup de friture au menu. Quelques options disparaîtront au profit d’ingrédients frais, me souligne l'une des propriétaires de l’établissement, Geneviève Turgeon, qui récupère nos cabarets de la table. Deux autres employés font de même afin d’assurer la propreté des lieux. Elle profite de notre rencontre spontanée pour me souligner qu’un nouveau menu allait voir le jour la semaine prochaine.
Le contexte de pénurie de main-d’œuvre affecte énormément le travail de la cheffe Véronique Arial en cuisine. La situation géographique combinée à un manque de transport en commun fait en sorte qu’il est extrêmement difficile
de trouver de la main-d’œuvre de qualité.
Celle qui met les bouchées doubles afin d’assurer une signature distinctive à sa cuisine s’illustre néanmoins grandement dans le paysage culinaire de la Capitale-Nationale.
Sa cuisine locavore réfléchie, surprenante et joyeusement savoureuse, s’inscrit dans ma liste d’incontournables, mais surtout, dans la liste de cheffes qui font rayonner la signature très distinctive de la grande région de Québec.
De dire que la cabane de La Goéliche sous la direction de la cheffe Véronique Arial vaut le détour, est, très sincèrement, un euphémisme.
Auberge La Goéliche
22, rue du Quai, Sainte-Pétronille
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