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Jardiner en temps de crise, remède de toutes les époques

Le potager | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier

Le jardinage a connu une importante montée en popularité depuis le début de la pandémie. Les semenciers n’arrivent pas à fournir et les centres jardiniers font des affaires d’or. Qu’est-ce qui explique qu’un passe-temps d’une autre époque fasse maintenant les manchettes? Et si c’était les crises qui incitaient les gens à mettre les mains à la terre?

Le duo de nutritionnistes Catherine Lefebvre et Bernard Lavallée anime le balado On s’appelle et on déjeune, où l’on fait part de découvertes liées à l’univers de l’alimentation et discute de sujets qui font réfléchir. À écouter sur OHdio!

Les jardins de pandémie

Combien de gens ont été influencés par leur entourage et s’occupent de petits semis pour la première fois cette année? Cela s’explique sans doute notamment par les pénuries d’aliments observées en début de pandémie. Puis, le confinement prolongé a limité nos activités et nos déplacements. Comme on ne part pas en voyage pendant l’été, aussi bien s’occuper du potager! Pourtant, peu de gens ont réellement besoin de jardiner pour subvenir à leurs besoins alimentaires. 

Donc, au-delà du plaisir de mettre les mains à la terre, jardiner procure un sentiment d’accomplissement et d’autosuffisance qui peut être rassurant en période plus trouble, même si, soyons honnêtes, il s’agit d’un geste plutôt symbolique, surtout si on n’a accès qu’à un petit balcon d’appartement.

Ce phénomène n’a toutefois rien de nouveau. Il suffit de creuser l’histoire d’autres crises sociales pour réaliser que le potager n’a rien d’anodin en temps incertains.

Les jardins de guerre

Lors de la Première Guerre mondiale, le gouvernement canadien a misé sur les potagers privés pour assurer à la population un approvisionnement en aliments frais. Dans son ouvrage Combattre avec les vivres : l’effort de guerre alimentaire canadien en 1914-1918, Mourad Djebabla-Brun, historien et professeur au Collège militaire royal de Saint-Jean, raconte l’histoire de cette mobilisation agricole.

En effet, les producteurs en milieu agricole devaient produire suffisamment de nourriture pour remplir l’estomac des troupes. Afin de limiter la pression sur leurs épaules, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont établi des campagnes de sensibilisation afin d’inciter les citadins et citadines à cultiver des potagers. La stratégie de mobilisation s’exerçait sur deux axes.

On associait d’abord le jardinage à un acte patriotique. Produire ses propres fruits et légumes permettait de mieux nourrir les troupes et, par conséquent, à carrément gagner la guerre. L’auteur explique qu’au fil du temps, peu importe leur emplacement, à l’école, à l’église ou dans la rue, les personnes urbaines étaient exposées à des publicités qui les incitaient à cultiver leur jardin de guerre. 

La pression sociale était telle qu’on percevait ceux et celles qui ne s’y adonnaient pas comme des lâches. L’autre argument de la campagne visait le prix des aliments. On associait le jardinage à une façon de contourner l’inflation énorme de la facture d’épicerie.

La stratégie a fonctionné. Dans de nombreuses municipalités partout au pays, on offrait des lots à cultiver sur les terrains vacants et dans les parcs. Dans les écoles, on sacrifiait même parfois l’aire de jeu au profit d’un potager scolaire. 

En 1917, on estimait que la valeur des légumes et des fruits récoltés à Montréal était d'environ 100 000 $. Un an plus tard, on y cueillait des aliments dont la valeur était l’équivalent de 1 000 000 $!

Les bienfaits de l’agriculture en ville

Au-delà des périodes de crise, l’agriculture urbaine est une activité qui facilite l’accès aux aliments frais, qui permet la réduction des îlots de chaleur, qui soude les communautés entre elles et qui aide à diminuer le stress. 

Elle représente aussi un excellent moyen de se reconnecter à la production alimentaire et de comprendre les enjeux que vivent ceux et celles qui nous nourrissent quotidiennement. Après avoir donné des soins à son plant de tomates pendant quatre mois, gageons que plusieurs réalisent le travail immense qui se trouve en arrière de celles à l’épicerie.

Ainsi, on peut espérer qu’une fois la pandémie terminée, l’engouement pour les potagers subsistera et que ceux-ci s’enracineront pour de bon dans les métropoles.

Pour en savoir plus sur l’agriculture urbaine et ses effets sur nos sociétés, écoutez notre émission à ce sujet(Nouvelle fenêtre) sur l’application OHdio!

Le potager | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier