Le chef Stéphane Modat s’apprête à écrire une page significative de l’histoire de la gastronomie de la ville de Québec. Celui qui a annoncé son départ du Château Frontenac en février dernier rassemble son clan afin de faire revivre un lieu mythique de la restauration de Québec : le défunt Café de la Paix. Accompagné d’un partenaire d’affaires des plus improbables, le chef de renom prépare son nouveau restaurant Le Clan où il ira, sans aucune limite, jusqu'au bout de son art.
Il faut écrire l’histoire dans quelque chose qui est historique
, croit Stéphane Modat, alors qu’il me fait visiter le légendaire 44, rue des Jardins. Au 17e siècle, cette rue longeait les jardins aménagés à la française des Récollets et des Jésuites. Elle était alors désignée comme le chemin joignant les terres des Reverends Peres Jesuittes
sur le plan de Québec dressé par Jean Bourdon, en 1640. Pour un chef qui milite afin de resserrer les liens entre la terre et l’assiette, c’est un passé tout désigné.
De 1952 à 2013, l’immeuble dans lequel prendra place Le Clan a abrité le Café de la Paix, un lieu qui a marqué la scène culinaire de la ville de Québec. De grandes vedettes de passage à Québec s’y sont attablées, dont l’actrice américaine Brooke Shields, la petite-fille de l'écrivain Ernest Hemingway, Margaux Hemingway, ainsi que l’idole de bien des amateurs de hockey, Wayne Gretzky.
Afin de faire revivre l’effervescence de l’endroit, le chef Stéphane Modat s’entoure de l’homme d’affaires Yanick Parent, un restaurateur de renom dans le Vieux-Québec, propriétaire des établissements La Bûche, Bello Ristorante, la sandwicherie Pepe et le seul restaurant végétalien de la ville de Québec, le Don Vegan. C'est un match des plus improbables aux yeux de bien des gens. Une rencontre qui permet à Yannick de réaliser son rêve ultime : un gastronomique pas plate
.
« Stéphane est en train de me rééduquer en restauration. Il m’amène à rencontrer mes fournisseurs, à aller sur les fermes à marcher dans la bouette. Je n’avais jamais fait ça par le passé. Là, je ne vois plus mes commerces de la même manière. Sa manière de travailler avec des gens de chez nous, c’est une manière d’acheter qui est en train de me changer. »
Un jusqu'au-boutiste
inspiré
Les dernières années à sillonner les routes du Québec et explorer le Grand Nord, ont permis au chef Modat d’établir des liens privilégiés avec de plus petits artisans de l’agroalimentaire, sans passer par de grands réseaux de distribution que privilégie la grande majorité des restaurants au Québec. Grâce à cet effort de rencontre, il espère proposer des microproductions d’aliments lui garantissant un maximum de diversité au menu.
Faut qu’on fasse goûter le plus de choses possible au plus de monde possible
, avance Stéphane avec conviction. Lorsque ce sera la saison des palourdes sur la Côte-Nord, on va avoir des palourdes, mais quand il n 'y en aura plus, il n'y en aura plus
, donne-t-il en exemple. Un concept axé sur la saisonnalité des aliments que de plus en plus de jeunes chefs embrassent.
Aux yeux de Stéphane, c’est un non-sens de ne pas travailler ainsi. Pour se démarquer un peu plus, il veut créer une rencontre entre ses amis
qui font de la nourriture et sa future clientèle.
N’importe quel producteur qui va venir me livrer des choses va passer par exactement la même porte que les clients
, souligne-t-il. Si tu n’as rien à cacher, tu veux que cette connexion se fasse.
Cette rencontre permet de rapprocher les mangeurs du produit. Selon Stéphane, c’est un modèle d’affaires qui assure un maximum de fraîcheur en cuisine ainsi qu’un maximum de revenus aux artisans.
« Plus j’avance, plus je me dis je suis un jusqu'au-boutiste. Je me demande comment on fait pour faire plus, pour faire mieux. C’est ça qui va faire en sorte qu’un jour ou l’autre, Québec va devenir quelque chose sur la plateforme alimentaire mondiale, parce qu’on a tellement de belles choses. »
Inspiré et inspirant, Stéphane a toujours beaucoup de petits projets qui mijotent, comme celui de faire un cidre hyperlocal à partir des pommettes qui poussent dans les arbres près de chez lui, à Limoilou.
L’ouverture du restaurant Le Clan est prévue, en principe, pour la fin de l’été. D’ici là, les travaux se poursuivent afin de mettre en scène un canevas qui permettra à l’artiste d’exprimer son art.
J’ai hâte de cuisiner, j’ai hâte de recevoir du monde, j’ai hâte de voir mes amis passer la porte en criant
, poursuit-il avec un regard scintillant. Je veux quelque chose de fou, plus aucune limite, plus aucune barrière. Quelque chose de fucké à notre sauce. L’orgie au Château de Versailles, tu sais, la chose improbable.
Le Clan
44, rue des Jardins
instagram.com/restaurantleclan(Nouvelle fenêtre)