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Geneviève Forbes a créé Le P'tit Semoir, qui se spécialise dans la production en serres d’une grande variété de fines herbes, de légumes et de fleurs. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

S’éloigner pour mieux se retrouver, un proverbe qui prend tout son sens pour Geneviève Forbes, fille de maraîcher. Fondée sur la terre de son enfance à Saint-Augustin-de-Desmaures, sa nouvelle entreprise Le P'tit Semoir vend de jeunes plants de fleurs, de fines herbes, de fruits et de légumes. Celle qui a quitté le potager familial en quête de liberté, revient à sa terre natale afin de former de nouvelles racines.

Je suis venue rencontrer Geneviève au Jardin Saint-Augustin, la terre qu’exploite son père depuis plus de 30 ans aux abords de la route 138 à Saint-Augustin-de-Desmaures. Pierre Forbes cultive 10 acres de terre et propose ses aliments directement à la ferme. Pour ceux qui s’en souviendront, c’est ici que vécut, dans les années 90, le fameux kiosque jaune qui détonait tant dans l’horizon verdoyant. Toute sa jeunesse, Geneviève a vendu, à partir de ce petit nid, des fruits et légumes fraîchement récoltés dans le sol, à quelques mètres de là.

Le petit kiosque jaune du Jardin Saint-Augustin à la fin des années 1980.
Le petit kiosque jaune du Jardin Saint-Augustin à la fin des années 1980.  | Photo : Gracieuseté : Jardin Saint-Augustin

Je pense qu’on veut tous s’éloigner un jour ou l’autre de ce que font nos parents, raconte Geneviève Forbes, qui a fait ses études en communication à Québec. J’ai travaillé pour plusieurs agences, mais je trouvais qu’il y avait énormément de pression et aucune valorisation. À l’aube de mes 40 ans, j’ai tout arrêté. J’ai pris un moment pour réfléchir et finalement, je me suis dit : "Pourquoi pas?"

Elle a alors fondé Le P'tit Semoir, qui propose toutes sortes de jeunes plants pour les jardins et balcons des mangeurs qui désirent une plus grande autonomie alimentaire.

« On ne l’aime pas, la COVID, mais elle fait en sorte qu’il y a des choses qui ne sont désormais plus prioritaires, ni essentielles. Je réalise finalement que j’ai un véritable bonheur à être là où je suis, en ce moment.  »

— Une citation de  Geneviève Forbes, propriétaire Le P'tit Semoir
Des plants de bourrache, une feuille populaire en pâtisserie gastronomique.
Des plants de bourrache, une feuille populaire en pâtisserie gastronomique.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Je sème donc je sais

Il fait chaud dans la serre où nous nous trouvons. Le soleil est radieux et la température — qui avoisine certainement les 25 degrés Celsius — me transporte instantanément dans un pays loin vers le sud. Je n’enlève même pas mon manteau tellement j’ai besoin de cette chaleur, en ce moment. Ça me fait un bien incroyable.

L'herbe préférée de l'horticultrice, la mélisse. « J'en mettrais partout », dit-elle.
L'herbe préférée de l'horticultrice, la mélisse. « J'en mettrais partout », dit-elle.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Malgré mon masque, je parviens tout de même à déceler le parfum des feuilles qui m’entourent. Il y a de la sauge, du basilic vert et mauve, de la sarriette, du romarin, de la lavande, de l’estragon et de la mélisse, la préférée de l’horticultrice.

« Je sème, donc je contrôle mon produit de A à Z. Il n’y a rien qui arrive chez moi arrosé "full pin". On n’est pas certifié biologique, car c’est trop dispendieux pour nous, mais notre engrais est vert et préparé dans nos champs. »

— Une citation de  Geneviève Forbes, propriétaire Le P'tit Semoir

Il y a même des plants de bourrache, avec leurs minuscules fleurs blanches et bleues comestibles de forme étoilée. Ces dernières sont fort populaires dans les grandes cuisines, notamment en pâtisserie pour décorer les gâteaux, précise Geneviève, qui prévoit aussi certaines variétés en fonction des tendances insufflées par les réseaux sociaux. L’eucalyptus est un bel exemple.

Les jeunes plants d'eucalyptus sont les plus populaires du Semoir.
Les jeunes plants d'eucalyptus sont les plus populaires du Semoir.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

 Dès que je fais une publication, je vois l’impact, exprime-t-elle. C’est valorisant, car il y a une conversation qui s’établit et des conseils par la suite. Ces gestes-là mènent à une confiance, puis une vente en ligne. On se démarque aussi de cette façon-là.

Alors que mes yeux saisissent l’éclat des différentes teintes de vert, un feuillage brunâtre délicat et élégant capte particulièrement mon attention. C’est un fenouil bronze, une plante ornementale comestible appréciée pour son feuillage au parfum anisé. Les semences de fenouil se font rares cette année, un engouement que Geneviève a également flairé sur Instagram.

Le fenouil bronze, une plante ornementale comestible appréciée pour son feuillage au parfum anisé.
Le fenouil bronze, une plante ornementale comestible appréciée pour son feuillage au parfum anisé. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

 Ce sont des semences d’une semencière québécoise , précise la femme d’affaires avec fierté.  Toutes nos semences proviennent du Québec. Si je ne trouve pas d’abord localement, je ne le fais pas. Mais, mal prise, j’aurais regardé vers l’Ontario. Pas question non plus de travailler à partir de ses propres graines, souligne-t-elle, car c’est beaucoup trop d'ouvrage.

La cultivatrice prépare aussi des plants de tomates, concombres et aubergines pour des entreprises agricoles de la région qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour le faire, dont La Cité Agricole du chemin Notre-Dame, à Saint-Augustin-de-Desmaures, et le restaurant Le Colibri, à Cap-Rouge.

Les plants de Geneviève sont colorés et généreux. Ici, du basilic pourpre et sacré.
Les plants de Geneviève sont colorés et généreux. Ici, du basilic pourpre et sacré.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Du semoir au jardin

Son plus grand client est toutefois le Jardin Saint-Augustin, la ferme maraîchère de son père Pierre Forbes. Les graines qu’elle arrose, exposées au soleil, dont les pousses sont repiquées à la main, à qui elle parle et chante tous les matins, seront mises en terre dans les prochaines semaines. Cette étape-ci est la plus importante dans la préparation des récoltes, mais n’était jusqu’à présent jamais effectuée par le maraîcher.

 Pendant quelques années, il y avait une frustration de ne pas avoir accès aux plants que je voulais, ni la qualité que je recherchais , souligne M. Forbes, qui dépose ses outils de travail et se joint avec intérêt à la conversation.

Le kiosque du Jardin Saint-Augustin en plein été.
Le kiosque du Jardin Saint-Augustin en plein été.  | Photo : Gracieuseté : Jardin Saint-Augustin

 Avec Le Semoir, et Geneviève qui vient m’aider à la gestion de mon entreprise et à la tenue du kiosque, ça permet non seulement d’améliorer, mais surtout d’augmenter la production afin de mieux répondre à la demande. Après 30 ans, le Jardin Saint-Augustin commence à peine à avoir le vent dans les voiles. On se complète et on a une chance d'avoir tous les deux la santé et le pouce vert , ricane-t-il.

« Notre lien est familial, mais je veux que ma fille soit heureuse. Mon seul objectif est de lui transmettre suffisamment de connaissances pour que je ne lui donne pas une patate chaude. »

— Une citation de  Pierre Forbes, propriétaire maraîcher du Jardin Saint-Augustin

À partir de la mi-mai, la distribution à la ferme débutera. Tous les plants qui ont vu le jour dans la serre grâce aux bons soins de Geneviève. Ils sont toutefois déjà en vente sur la boutique en ligne, un outil indispensable en affaires ces jours-ci, croit la nouvelle entrepreneure. Puis en juin, ce sera au tour des légumes frais du Jardin Saint-Augustin, mais seulement au kiosque, car le contact humain avec la clientèle est ce qui a de plus important pour le duo père-fille.

Le maraîcher Pierre Forbes se réjouit de voir sa fille s'épanouir dans sa nouvelle entreprise, Le P'tit Semoir.
Le maraîcher Pierre Forbes se réjouit de voir sa fille s'épanouir dans sa nouvelle entreprise, Le P'tit Semoir.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Tranquillement, les infrastructures répondent de plus en plus à nos besoins, mais la demande grandit plus rapidement que nos capacités à les construire, poursuit cette mère de famille avec deux enfants en bas âge, qui souhaite faire entendre sa voix d’agricultrice.

Geneviève Forbes s'engage auprès de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la région. Elle tient à exprimer la réalité des femmes, mais aussi des plus petites fermes maraîchères, qui prennent de plus en plus d’importance dans le paysage agroalimentaire du Québec.


Le P'tit Semoir
500, route 138, Saint-Augustin-de-Desmaures
lesemoir.co(Nouvelle fenêtre)
facebook.com/lesemoirfinesherbes(Nouvelle fenêtre)

Geneviève Forbes a créé Le P'tit Semoir, qui se spécialise dans la production en serres d’une grande variété de fines herbes, de légumes et de fleurs. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel