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L'ouverture « toute naturelle » du Knuckles en pleine pandémie

par  Alexis Boulianne

Né lors d’une des pires crises qu’ait traversé le monde de la restauration, le Knuckles a le vent dans les voiles. | Photo : Collaboration spéciale

« On avait prévu d’ouvrir le 1er octobre 2020... » raconte en riant Matthew Shefler, propriétaire d’un nouveau restaurant de Villeray, le Knuckles. Cette journée-là, de nouvelles restrictions sont entrées en vigueur sur une grande partie du Québec, forçant les salles à manger à fermer. La candeur du restaurateur contraste avec le ton pessimiste auquel on pourrait s’attendre de sa part : « C’est vraiment moins compliqué qu’on pense, ouvrir un restaurant! » Si tu le dis, Matthew!

Dans son petit local de la rue Jarry Est, Matthew Shefler et son associé, le chef Vincent Lévesque-Lepage, préparent des plats simples, mais élégants inspirés autant par l’héritage italien que par les nouvelles tendances du monde gastronomique. 

Pensé autour d’un seul plat, le panzerotti – un petit chausson frit et farci de fromage, de légumes ou de viande –, le Knuckles devait être à la base davantage une boutique de vin qu’un restaurant à part entière. Le but, c’était que les gens se prennent une bonne bouteille et quelques panzerotti, et qu’ils continuent vers le parc Jarry, fait savoir son concepteur.

Matthew Shefler pensait depuis longtemps à ouvrir son propre endroit, magasinant des baux commerciaux, réfléchissant à des concepts, hésitant à faire le saut. Puis, au début de l’année 2020, il s’est lancé avec l’idée du panzerotti, un mets originaire de la région des Pouilles et adapté par sa grand-mère italienne. 

Sauf que la pandémie est venue chambouler le concept même du Knuckles. L’influence de la pandémie nous a amenés à développer le menu du soir – parce que l’hiver allait arriver vite, les gens allaient vouloir une offre plus variée –, en passant de 5 à 10 éléments sur le menu , explique-t-il.

Les aléas des ouvertures et des fermetures, des règles sanitaires et de la situation constamment changeante ont influencé la pensée de Matthew et de Vincent, qui ont dû rester flexibles pour composer avec cette réalité.

Ce menu imprévu nécessite finalement une grande quantité de travail, puisque plusieurs des produits sont faits maison. Il y a une approche de slow food, il y a de la fermentation, par exemple, décrit Matthew. Ces techniques et ces utilisations n’étaient pas du tout pensées pour le Knuckles au départ.

On veut que ça reste gourmand, facile d’approche et pas cher, résume-t-il.

Terrine de poireaux.
Terrine de poireaux. | Photo : Instagram Knuckles / Tommy Dion

Lors de l’élaboration du premier menu, les deux comparses ont regardé les plats sélectionnés par Vincent Lévesque-Lepage et se sont aperçus qu’ils étaient tous végétariens! C’est un resto à petit budget. Sans s’en rendre compte, quand on a fait le premier menu, le chef a juste choisi des plats à base de plantes. On s’est dit : "Wow, il n’y a pas de pièces de viande sur le menu, c’est cool!" Ça s’est fait sans effort, c’est la nature de Vincent.

« Le menu plus complet s’est fait tellement naturellement, en étant toujours en adaptation, c’est avec du recul que je me rends compte que le menu plus élaboré est un deuxième projet à l’intérieur du projet de départ. »

— Une citation de  Matthew Shefler, propriétaire du Knuckles

Matthew Shefler semble presque surpris par son propre succès. En rétrospective, il contemple l’année 2020 et réalise que toutes les étapes se sont imbriquées. C’est vraiment moins compliqué qu’on pense, ouvrir un restaurant, lance-t-il. Ce n’est pas vrai qu’il faut être millionnaire pour le faire. Si tu manques de débrouillardise et de capacité à t’adapter, tu vas avoir des problèmes, mais j’aimerais encourager de jeunes entrepreneurs à se lancer.

Il constate également la chance qu’il a eue de pouvoir faire des erreurs, sans décevoir une clientèle très exigeante. Ceux qui l’ont eu le plus dur, ce sont ceux qui avaient des recettes bien ancrées. Pour la plupart des restos qui roulaient depuis plusieurs années, c’est un gros problème de s’adapter parce que tes clients attendent quelque chose de précis.

Le jeune restaurateur a la tête pleine de projets. Dans l’arrière-boutique du Knuckles, des bocaux renferment ses expérimentations de kombucha et d’autres boissons pour l’été.

Sa cave à vin, placée dans l’ancien frigo à bière du dépanneur qui occupait autrefois son espace, évolue chaque semaine au fil de ses coups de cœur, et le restaurant commence à voir une clientèle fidèle s’établir tranquillement.

J’ai des idées de grandeur, confie-t-il. Il faut se garder de la vision, par exemple j’aimerais voir si on pourrait vendre nos produits transformés, les mettre en marché : le seul compétiteur des panzerotti, c’est McCain avec ses pizzas pochettes!

Pour moi, c’est un départ qui va me permettre de m’aventurer dans d’autres sphères, ajoute Matthew Shefler, ambitieux.

Né lors d’une des pires crises qu’ait traversé le monde de la restauration, le Knuckles a le vent dans les voiles. | Photo : Collaboration spéciale