Après des années de vache maigre, voilà que c'est l'abondance de champignons sauvages dans les forêts du Québec! Les amateurs savourent en ce moment les fruits d’une saison record en raison de conditions météorologiques plus que favorables permettant ainsi une généreuse fructification des mycéliums sous terre.
« Par rapport à la saison de l’année dernière, on a au moins quatre fois le volume de champignons », précise François-Xavier Fauck, président de l’Association pour la commercialisation des produits forestiers non ligneux et copropriétaire de Chapeau les bois, une entreprise qui commercialise plusieurs variétés de champignons cueillis à la main dans les forêts du Québec.
« On approche les 5000 livres de champignons pour cette année, c’est du jamais vu en 10 ans. »
Passionné de champignons, François s’intéresse « aux forestibles », des produits comestibles issus de la forêt. Il emploie des cueilleurs situés en tous lieux dans la province afin de garnir à la fois les tablettes de son entreprise de Vanier, mais aussi le garde-manger de nombreux établissement de restauration de la Capitale nationale, de Chaudière-Appalaches et de la Montérégie.
Partout le constat est le même: c’est l’abondance de la ressource, une richesse réjouissante étroitement reliée aux conditions météorologiques favorables.
« On a eu la pluie qu’il fallait au bon moment », précise-t-il. « Dans le mois de juillet, il a plu régulièrement la nuit ce qui permet au couvert forestier d’absorber un maximum d’eau. Il n’y a pas le phénomène d’évaporation accéléré dans ce moment-là, comme lorsqu’il y a des orages en plein jour. »
« Un orage », dit-il, « c’est comme un gros rouleau compresseur qui aspire l’humidité en amont et la reprend en aval ». L’orage est, à ma grande surprise, un ennemi des champignons.
Intérêt grandissant
En plus de l'abondance de la saison qui tire à sa fin, le passionné de mycologie constate depuis les cinq dernières années un enthousiasme grandissant pour les aliments issus de la forêt, notamment les champignons sauvages.
Plusieurs chefs de renom ont aussi contribué à l’engouement, croit-il. Des chefs comme Arnaud Marchand, Stéphane Modat et le pâtissier Patrice Demers, dont le plus récent livre de recettes fait valoir le potentiel savoureux de plusieurs produits forestiers comestibles.
Une seule bouchée de sa mousse aux lactaires à odeur d’érable — aussi connu sous le nom de candy cap — permet de constater tout le potentiel savoureux d’un « forestible ». J’y reviens plus précisément dans quelques instants.
Ce plaisir, il crée aussi un désir d’approvisionnement qui se transforme par un plus grand nombre de cueilleurs sur le terrain. Malheureusement, plusieurs s’y aventurent sans formation.
Selon celui qui prône une cueillette responsable, on doit d’abord être en mesure de bien identifier les espèces afin d’éviter celles qui sont dangereuses.
« Ça prend une formation, car il y a un réel problème d’innocuité avec les champignons sauvages, souligne celui qui cumule près de 30 ans d’expérience de cueillette en forêt. Il faut apprendre auprès d’associations crédibles et de cercles de mycologues reconnus la meilleure façon d’identifier les champignons sur le terrain dans le but de cueillir ceux qui sont comestibles. »
« Les clubs de mycologues ont de plus en plus d’inscriptions et ont de plus en plus de membres. Plus il y a des gens qui se déplacent en nature pour faire la cueillette de champignons, plus la menace est grande sur la biodiversité. C’est une situation qui demande encore plus d’éducation à faire. »
Lors de ma première formation d’identification de champignons à la forêt Montmorency, le mycologue formateur a souligné l’importance d’adopter un comportement respectueux en nature afin d’assurer le maintien de la biodiversité du milieu dans lequel on désire cueillir.
Dans une zone plus humide où le fongus foisonne, on rencontre une nature souvent très fragile qui doit être protégée. C’est le cas de la sphaigne, une sorte de tapis vert spongieux que l’on retrouve au sol. Telle une grosse éponge, elle absorbe le carbone en circulation dans la biosphère. Disons simplement que son rôle pèse dans la sauvegarde d’une saine qualité de l’air.
Cueillir respectueusement le fruit
Cueillir un champignon, c’est comme ramasser une pomme. Si on casse une branche, on fait mal au pommier. Selon François-Xavier, deux méthodes de récolte sont à privilégier.
La première consiste à couper le pied du champignon avec un couteau, en prenant bien soin de laisser la base dans le sol.
L’autre est la « technique de l’arrachage » où le pied est retiré complètement de la terre. Il faut alors absolument reboucher le trou laissé derrière, afin d’éviter que le mycélium s’assèche ou s’infecte.
« Le champignon en tant que tel c’est le mycélium », précise-t-il. « C’est un réseau de filaments sous la terre et relié de manière symbiotique à certaines essences d’arbre. D’autres fruits sont des saprophytes, c’est-à-dire qu’ils poussent sur des bois morts. »
Ce moment-ci de l’année est idéal pour ramasser la chanterelle tube, le pied de mouton et l’hydne ombiliqué. Puis, un des champignons les plus fascinants se pointera abondamment le nez dans les prochains jours: le lactaire à odeur d’érable. Ce champignon énigmatique sent et goûte le biscuit feuille d’érable !
Il est si unique qu’il mérite une place de choix dans votre mémoire gustative! En cuisine, c’est un ingrédient qui permet d’ajouter des arômes spectaculaires qui évoquent l’érable, mais sans le sucre du sirop.
À chaque fois que j’entre dans les bois, je suis fascinée de constater à quel point le mystérieux monde des champignons sauvages est un vaste terrain de jeu aromatique foisonnant de savoureuses découvertes. S’agit de prendre le temps de bien s’informer afin de profiter de l’abondance.
Et si la mycologie vous intéresse, consultez le site web de la Fédération québécoise des groupes de mycologues(Nouvelle fenêtre) pour connaître la formation le plus près de vous.