Après plus de six mois de fermeture, le Clocher penché accueille sa clientèle dans un nouveau décor. Les propriétaires de ce bistrot phare de la culture culinaire de Québec, François Pélissier, Mathieu Brisson et Thomas Pélissier, ont saisi cette opportunité afin d'offrir à leur restaurant une importante cure de jeunesse à un décor qui reflète leur savoir-faire, ainsi que la sagesse acquise au fil du temps.
Chers habitués, la salle à manger du Clocher est entièrement transformée. Du choix des couleurs à la disposition des tables en passant par la variété des matériaux, tout — ou presque — de ce qui occupait l’espace ces 25 dernières années fut éliminé. Tout, sauf les boiseries d’origine et la céramique installée en 1916, alors que la Caisse d'économie Notre-Dame-de-Québec occupait cet immeuble de la rue Saint-Joseph.
« C’était prévu qu’on ferme pour cinq ou six semaines de rénovations à partir du 6 avril, mais tout ça a pris le bord le 15 mars », explique Thomas Pélissier, copropriétaire de l’établissement du quartier Saint-Roch, avec son grand frère François et le chef Mathieu Brisson.
« On a revu l’ordre des travaux, on a misé sur le confort de la salle à manger, et ce, malgré le fait que l’on ne connaît pas l’avenir. On n’a pas fait de concession dans le choix de nos rénovations. » Une philosophie entrepreneuriale à l'image de la qualité de l'expérience gastronomique. Une incontournable à Québec.
« J’aime les choses qui vieillissent bien et non celles qui sont captées sur un moment et qui, dans six mois, ne servent plus à rien. On s’assume dans ce nouveau décor en tant qu’hommes qui vieillissent. On n’est pas bling, bling et on ne le sera jamais. Pour nous, c’est la qualité avant tout. »
Bistrot phare de Québec
Le Clocher penché a grandement contribué à faire de Saint-Roch une destination gastronomique incontournable de la capitale nationale. Célébré pour sa cuisine du marché évolutive à la fois simple et raffinée, l’établissement de restauration a survécu à la dernière décennie en demeurant fidèle à son style, puriste même face aux tendances qui, parfois, étourdissent.
Cette sagesse est celle qui a inspiré la designer industrielle Justine Dumas d’Appareil Architecture dans ce projet de rénovations. Originaire de Québec et cliente de l’établissement, elle a su mettre en scène avec finesse la personnalité des trois hommes d’affaires.
« Le défi fut de demeurer honnête avec le restaurant, qui existe depuis un bon moment, sans trop le dénaturer aux yeux de la clientèle, qui est très fidèle », explique Justine. « On a mis en valeur des couleurs naturelles que l’on retrouve à la fois dans la forêt et dans la cuisine de Mathieu afin que ce soit intemporel. »
La couleur hunter green propre au sapin baumier domine là où le bois s’imposait. Des banquettes stylisées ornées de velours, des tabourets de cuir saumoné ainsi que des luminaires en céramique fabriqués à la main ponctuent le décor.
« Le Clocher penché a toujours grandement mis en valeur le travail de ses artisans et on a fait exactement la même chose avec le décor. Ça rend le tout à la fois très québécois et unique. »
Le cœur de l’établissement
Au-delà des changements perceptibles par la clientèle dans la salle à manger, un bon nombre d'entre eux ont été réalisés dans le but d'améliorer le travail des employés. Aux yeux de Thomas, François et Mathieu, ce sont de fins détails qui auront un impact direct sur l’expérience client.
En cuisine par exemple, le dressage des assiettes se fait maintenant sur un îlot central au lieu d’un bout de comptoir. « Il n’y a pas d’échappatoire de cette façon-là, car tout le monde voit les plats », croit Mathieu. « Tu ne peux pas camoufler tes erreurs. Tout le monde est alors responsable du travail des autres. »
« À long terme, un choix comme celui-ci permet non seulement d’accélérer l’évolution d’un cuisinier, mais aussi d’améliorer la qualité de l’assiette. »
Lors de mon passage, Mathieu était en train de faire des tests de pain façonné en petites boules et cuit au creux d’un caquelon. Un « pain guenille », décrit-il, idéal pour nettoyer la sauce dans le fond d’une assiette.
« Avec ça, on ne servira plus le pain des autres », poursuit l'artiste en cuisine. « On va faire notre propre pain ». Un choix visiblement dans l’air du temps. Toutefois, pas question de se lancer dans un pain au levain, car la constance d’un tel produit dans un contexte de restauration est, aux dires du chef, un trop grand obstacle.
La constance est un élément important du succès de cette table emblématique de la cuisine de Québec, une force qui se constate aussi dans la carte des vins du sommelier Marc Lamarre.
Celui qui a remporté le prix de sommelier de l’année lors du premier gala les Lauriers de la gastronomie, en 2018, dresse une liste particulièrement excitante de vins du Québec dont quelques cuvées exclusives à son cellier désormais aménagé au premier étage.
« Les produits locaux sont bien implantés en cuisine, il faut aussi qu’ils le soient dans le verre », précise Marc, dont l'expertise dépasse largement les frontières de l'Amérique du Nord. « C’est dans la culture de l’établissement. On change le décor, mais on ne change pas la mission, on la peaufine. »
Pour l’instant, le restaurant ne sera en opération qu’en soirée. La fameuse formule brunch du week-end reviendra éventuellement avec une nouvelle approche plus « modulable », me précise-t-on. Un choix qui permettra de répondre aux demandes de la clientèle que ces trois passionnés de restauration ont à nouveau très hâte d’accueillir.
Comme si c’était le premier jour du reste de leur vie.
Le Clocher Penché
203, rue Saint-Joseph Est
clocherpenché.ca(Nouvelle fenêtre)