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CVLD, j'aime Bellechasse, Vickie Langlois, sauce, bacon, nourriture, alimentation | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

J’adore parcourir la route 279 dans Bellechasse. De Saint-Gervais jusqu’au pied du Massif du Sud, le chemin sinue entre ciel et terre, le long d’immenses champs de blé doré et de fèves soya au tégument vert. Tout au bout de cette route, à Notre-Dame-Auxiliatrice-de-Buckland, se trouve la cuisine d’été J’aime Bellechasse, de la cuisinière locavore Vickie Langlois. Telle une figure de proue, elle ennoblit fièrement l’identité culinaire de sa région.

Peu importe le jour de la semaine, il y a toujours un petit projet gourmand en cours dans la cuisine de Vickie Langlois. Lors de mon passage, des pains de sarrasin vert étaient au four, un grain qu’elle affectionne particulièrement dans sa cuisine. Une fois tempérés, ses pains seront transformés en craquelins.

L'entrée de l'atelier-boutique de Vickie Langlois, située dans sa maison à Buckland.
L'entrée de l'atelier-boutique de Vickie Langlois, située dans sa maison à Buckland.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

« C’est l’année des pique-niques », constate la cuisinière originaire de Saint-Gervais. Depuis l’ouverture de son atelier-boutique J’aime Bellechasse le mois dernier, dans la cuisine d’été de sa résidence privée du chemin Saint-Roch, ce produit est non seulement son plus grand vendeur, mais il est aussi à l’image d’une femme dont la vie fut complètement bouleversée en 2018.

De la voir en vie, debout devant moi, souriante, est un miracle, car Vickie Langlois a été victime d’une violente attaque(Nouvelle fenêtre) par son ex-conjoint en novembre 2018, qui l’a laissée, notamment, complètement défigurée.

« Le casque me sert de crâne en ce moment, parce qu’il m’en manque un bout », m’explique-t-elle dès les premiers instants de notre rencontre. Elle porte sa main à l’objet sur sa tête. « C’est mon crâne de chez Sport Experts », dit-elle avec un rire fort contagieux. Elle veut détendre l’atmosphère, car j’ai un nœud qui se forme dans ma gorge. Vickie n’a pas perdu une goutte de son humour cinglant qui la caractérise si bien.

«  Je suis tannée d’être un fait divers. C’est comme si c’est ce qui me définit maintenant. Ça fait partie de moi, on ne peut pas passer à côté de ça, car ça à un impact dans ma vie et dans ma cuisine aussi d’une certaine façon.  »

— Une citation de  Vickie Langlois, cheffe propriétaire de l'entreprise J’aime Bellechasse

Celle qui détient un DEP en pâtisserie, un certificat en cuisine et qui a réalisé un stage à Lyon à la Brasserie de l’Est Paul Bocuse, n’a miraculeusement rien perdu non plus de ses talents en cuisine.

Le menu à l'entrée de la boutique donne faim!
Le menu à l'entrée de la boutique donne faim!  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

À l’étage en dessous de la boutique, dans une magnifique cuisine de production de type C1, la femme d’affaires transforme avec aplomb, mais beaucoup de délicatesse, des légumes, viandes, céréales, fromages, fruits et noix qu’elle se procure auprès de producteurs agroalimentaires de Bellechasse.

C’est aussi ce qui l’animait alors qu’elle opérait sa roulotte J’aime Bellechasse, un projet qu’elle a mis sur pied voilà plus de cinq ans, mais dont elle à dû cesser les activités en raison de l’agression dont elle a été victime. L’amélioration de son état de santé et l’envie de se remettre aux fourneaux a motivé la femme d’affaires à aménager un atelier-boutique à même la cuisine d’été de sa maison.

Transformer le territoire bellechassois

Les produits qui passent la porte de son établissement varient en fonction de la disponibilité des ingrédients, car la femme d’affaires cuisine selon les saisons. Ces jours-ci, dans une offre de paniers à ses abonnés mensuels, c’est la « sauce bucklandaise » qui mijote dans ses chaudrons, une création inspirée de la carbonara qui contient des lardons de bacon, de la bière de la Microbrasserie de Bellechasse, de la fleur d’ail ainsi que de la tomme du Maréchal, un fromage de lait cru de chèvre de La Chèvrerie du Buckland.

« C’est une sauce classique à laquelle je donne un twist local », raconte-t-elle. « Je trouve ça intéressant de servir cette sauce-là avec des légumes. Les gens ne savent plus quoi faire avec les légumes. Il pleut des légumes. J’ai l’impression qu’il faut apprendre aux gens à consommer les légumes, mais différemment. » Quoi de mieux qu’une sauce au bacon pour y parvenir!

La préparation de la sauce bucklandaise avec lardons de bacon et fleurs d'ail. Vickie offre la recette gracieusement, dont la première étape, et «la plus importante qu’il faut respecter à la lettre», elle celle de se verser un verre de bière.
La préparation de la sauce bucklandaise avec lardons de bacon et fleurs d'ail. Vickie offre la recette gracieusement, dont la première étape, et «la plus importante qu’il faut respecter à la lettre», elle celle de se verser un verre de bière.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Sa recette est inspirée de celle de sa grand-mère. Elle « triche » avec la recette, car elle « fait avec » ce qu’elle trouve comme ingrédient à proximité. Vickie élabore une cuisine de saison et sans gaspillage, exactement comme celle de nos grands-mères.

«  J’aime les trucs simples pour que les gens intègrent ça au quotidien. Il faut des petits trucs de semaine, car ça permet d’augmenter sa consommation de produits locaux. Le produit local, il n’est pas juste pour le samedi soir.  »

— Une citation de  Vickie Langlois, cheffe propriétaire de l'entreprise J’aime Bellechasse
La sauce bucklandaise est parfaite sur des choux-fleurs un peu moches rôtis.
La sauce bucklandaise est parfaite sur des choux-fleurs un peu moches rôtis. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Passion chocolat

Sa cuisine est imprégnée de Bellechasse, sa région natale. Toutefois, un tout petit ingrédient exotique s’y faufile, au plus grand bonheur des gourmandes comme moi : le chocolat. Vickie est si passionnée de chocolat, qu’elle envisage le faire elle-même à partir de la fève de cacao.

« Après certaines chirurgies, on me privait de chocolat, parce que c’est un stimulant », raconte-t-elle. « On m’a fait des lambeaux, alors il fallait que la circulation soit parfaite. Je t’avoue que j’ai trouvé ça difficile d’être privée de chocolat. Je pense que je me suis découvert une dépendance. » Son rire est incroyablement contagieux est tout aussi singulier que ses chocolats.

Le chocolat inspiré du «cherry blossom» avec sarrasin et noix de noyer noir. Une oeuvre d'art comestible!
Le chocolat inspiré du «cherry blossom» avec sarrasin et noix de noyer noir. Une oeuvre d'art comestible!  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

C’est alors qu’elle sort une autre pièce de chocolat d’un contenant hermétique… Oh, mon dieu! C’est comme un cherry blossom! J’en raffole!

« J’ai dénoyauté ces griottes-là une par une. J’en ai fait pendant des semaines. En plus, c’est arrivé en même temps que les chanterelles. C’était une par une à la brosse à dents ». Un travail de moine qu’elle accomplit assise dans sa chaise berçante installée sur sa galerie.

Les cerises sont conservées dans un sirop d’érable qu’elle cuit, puis baratte, avant de l’insérer à l’intérieur du moule en chocolat, noix de noyer et sarrasin rôti, qui ajoute un craquant incroyablement délicieux. Le parfum s’apparente au fromage bleu et rehausse d’un coup sec les saveurs des ingrédients avec lesquels il entre en contact. C’est incroyablement délicieux!

 «C’est long à faire et je ne peux plus faire comme avant », précise Vickie. « Le fait que je peux cuisiner, c’est déjà bon. J’ai toujours été une femme d’action et j’avais tendance à courir beaucoup, mais ce n’est plus possible. Des produits il y en a moins, alors il faut que je l’explique aux gens, car je ne peux plus faire les journées que je faisais avant », poursuit celle que je surnomme affectueusement la fée gourmande du terroir de Bellechasse.

Ce petit bout de femme est un miracle qui se bat à la fois pour mettre en valeur l’identité culinaire de sa région, mais aussi pour sa vie et celle des femmes victimes de violences conjugales.


J’aime Bellechasse, atelier-boutique
1868, rang Saint-Roch
Vendredi et samedi, de 10 h à 16h 

CVLD, j'aime Bellechasse, Vickie Langlois, sauce, bacon, nourriture, alimentation | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel