Deux nouveaux fromages fins voient le jour à la Fromagerie de L’Isle-aux-Grues. Offerts uniquement dans les épiceries fines et comptoirs spécialisés, ces onctueuses créations intègrent des secrets bien gardés de grands fromages européens afin de mettre en valeur l’identité culinaire propre à L’Isle-aux-Grues.
Déguster un fromage de confection artisanale, c’est déguster un terroir. Lorsqu’un fromage est élaboré à partir du lait de vaches qui broutent dans les pâturages d’une seule et même île, on déguste l’identité culinaire d’un seul et même territoire.
C’est exactement la mission que se donne la Fromagerie de L’Isle-aux-Grues, notamment avec sa collection de fromages fins lancée en 2018, à laquelle s’ajoutent deux nouveaux produits : L’Angélique-à-Marc et le Macpherson de L’Isle.
« Ce qu’on tente de faire, peu importe le style de fromage, c’est aussi de travailler sur le caractère onctueux de la pâte », explique Daniel Leduc, directeur de la Fromagerie de L’Isle-aux-Grues. « C’est dans notre façon de travailler le fromage, dans nos méthodes d’affinage ainsi que dans l’utilisation de ferments particuliers. »
Au-delà des nuances gustatives associées à la flore bactérienne du lait et donc au territoire, la première chose que l’on reconnaît facilement en bouche est le caractère particulièrement onctueux de ces deux nouvelles créations.
« On travaille toujours nos fromages avec l’objectif d’aller chercher la meilleure onctuosité possible pour que ce soit fondant en bouche. L’onctuosité, c’est ça, le plaisir en bouche. »
Griffe européenne
En fromagerie artisanale, comme dans la bière et le vin, l’ajout de ferments attribue une signature aromatique aux produits, ainsi qu’un style (pâte ferme, demi-ferme, molle, etc.) bien particulier.
« Notre volonté de travailler avec des ferments différents nous positionne en tant que fromagerie qui fait des fromages de distinction », croit M. Leduc. « On ne veut absolument pas faire un fromage qui est la copie de la copie. »
« L’objectif ultime était de choisir des ingrédients qui ne sont pas nécessairement disponibles sur le marché canadien et de choisir des fournisseurs d’ingrédients qui sont moins industrialisés, pour être capables d’aller chercher les profils de goûts et de saveurs qu’on désire. »
L’art de la fromagère, l’insulaire Véronique Roy, consiste alors à trouver le bon équilibre tout en maîtrisant chaque geste et détail de la fabrication afin de mettre en valeur le caractère exclusif du lait de L’Isle-aux-Grues. La recette du Macpherson de L’Isle fait appel à des ferments importés de la France et de la Belgique évoque, tant par son goût que par sa texture, les fromages d’abbaye d’origine.
Sir James Macpherson Lemoine, qui fut seigneur de L’Isle-aux-Grues, donne son nom au fromage. M. Leduc me raconte que l'homme était un humaniste et historien dans l’âme et se démarqua par sa recherche du consensus et de la cohésion dans un milieu où cohabitaient Canadiens français et Canadiens anglais. Les relations parfois enflammées entre ces deux peuples, qui ont marqué l’histoire de L’Isle-aux-Grues, sont soulignées par l’utilisation de la cendre de produits végétaux.
Élaboré à partir de lait de vache non pasteurisé, ce fromage à pâte jaune demi-ferme à la croûte lavée, ennobli de cendre végétale, est moelleux sous la dent et long en bouche. À la fois neutre et noble, sa douceur fruitée s’impose tout de même sur le devant de la langue. Si l’humanisme avait un goût, ce serait certainement celui-ci.
Pérennité laitière
Afin d’assurer la pérennité laitière tout comme l’activité fromagère sur L’Isle-aux-Grues, l’entreprise a lancé en 2018 une gamme de fromages « haut de gamme » dont faisait partie La Bête à Séguin, un fromage de type brie de Melun issu d’une collaboration avec l’artiste Marc Séguin.
« On partage une vision commune, celle d’assurer la pérennité de L’Isle », raconte M. Leduc au sujet de cette relation de cœur avec M. Séguin. « Marc est omniprésent à l’archipel depuis plus d’une vingtaine d’années. Il est propriétaire terrien, il a un studio de création ici et il est un protecteur du terroir agricole. Cette pérennité passe par la pérennité de l’agriculture, donc par la pérennité laitière », poursuit celui qui renouvelle fièrement l’association avec L’Angélique-à-Marc, un fromage à pâte molle quelque peu coulante, sanglé de bois à la fois boisé et floral.
Peintre, écrivain, cinéaste et grand défenseur d’une agriculture responsable, innovatrice et écologique, Marc Séguin, tout comme L'Angélique, est enraciné dans le territoire de L’Isle-aux-Grues.
Ce fromage appelle quelque peu le vacherin mont d’Or de la région du Jura, en France. Une fois bien tempéré, il devient quelque peu coulant et se tartine très facilement.
La pâte de L’Angélique-à-Marc est lisse et fond dès qu’elle touche la langue. C'est un fromage bien salé doté d'une acidité naturelle particulièrement alléchante et une croûte craquante. Ici, ce sont les luxuriants prés qui sont évoqués tant par le nom que les goûts et saveurs. Quelle œuvre d’art!
« Il faut arriver avec le profil exact que recherche l’artiste », ajoute-t-il, « car il a du goût, M. Séguin. »
Une partie des ventes de L’Angélique-À-Marc sera versée à la Bourse des arts de L’Isle, créée en 2019, afin d’assurer à son tour la pérennité des arts dans l’archipel de L’Isle-aux-Grues. Un autre produit à valeur ajoutée qui fait de cette entreprise une fromagerie de distinction au Québec.