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Le fromage frais est facile à faire et peut représenter une bonne introduction à l'art de la fromagerie. | Photo : iStock / tashka2000

Un brie crémeux et frais, un camembert coulant, un cheddar fort : le simple fait d’écrire ces mots me fait saliver. J’aimerais dire que je pourrais m’en passer, mais c’est faux. Le prix à l’épicerie, par contre, limite un peu mes rages de lactose, et je me suis récemment demandé comment faire pour préparer du fromage chez moi et à moindre coût.

C’est là qu’entre en jeu le boulanger André Habit Lebreton, qui fait son fromage dans ses temps libres à la maison et avec qui j’ai jasé de lait, de bactéries, de vaches et de vie.

Faire son fromage affiné (donc vieilli un certain temps, par opposition aux fromages frais, comme le fromage en grains québécois) soi-même demande du temps et des connaissances que peu de personnes possèdent, mais André Habit Lebreton croit que ce savoir devrait être transmis au plus grand nombre.

Ce Normand arrive au Québec en 2008 et commence à travailler comme chef boulanger à La petite boulangerie, à Montréal, il y a 11 ans. Le choc est grand à son arrivée quand il apprend que le lait frais vendu ici est obligatoirement pasteurisé, c’est-à-dire qu’il est traité à la chaleur pour en éliminer les micro-organismes, ce qui n’est pas le cas du lait cru.

Le boulanger a malgré tout décidé de recommencer à faire son fromage chez lui. Ma conjointe n’est pas toujours contente, je suis en train de manquer de place dans le frigo, fait-il remarquer, rieur.

Il a tenté de trouver le meilleur lait disponible au Québec. Certains laits marchent mieux que d’autres, affirme-t-il. J’ai essayé la laiterie Chagnon et la Vallée verte, ce sont des laits avec lesquels on arrive à faire quelque chose.

Par contre, le lait cru donne un caillé très ferme, alors que le lait pasteurisé ça donne un caillé plus comme de la boue, donc c’est plus difficile à travailler, fait remarquer André Habit Lebreton. Et quand le lait est pasteurisé, c’est plus facile d’être contaminé, ce ne sont pas des choses graves, mais quand même.

André Habit Lebreton ne manque toutefois pas d’éloges pour les fromages québécois. Les fromagers portent leur métier dans leur cœur, c’est très artisanal, dit-il. Le Québec n’a rien à envier à la France, hormis l’accès au lait cru.

On s’y met?

Niveau matériel, pas besoin de grand chose. Un chaudron, un thermomètre, un frigo et du coton à fromage, explique M. Habit Lebreton, qui nous a donné une recette pour un fromage frais, style Boursin, que tout le monde peut réussir à la maison. Elle se trouve au bas de cet article.

Avant de commencer, il faut préciser que chaque fromage a sa recette, et que de petites modifications dans la préparation feront de grandes différences dans le résultat final. Mais qu’on veuille un fromage à pâte molle ou pâte dure, il y a quand même de grands principes à respecter.

Pour le fromage affiné, on fait chauffer un litre de lait entier, puis on ajoute un ferment, soit le petit-lait d’un fromage précédent, du fromage blanc, ou des grains de kéfir de lait. On le laisse le temps que le lait s'acidifie et que les bactéries se propagent.

Pour avoir 100 g de fromage, il faut un litre de lait. Ça prend beaucoup de lait, c’est pas étonnant que les fromages soient chers, précise le boulanger. Mais après ça, je prends le petit-lait [le déchet de la production du fromage], et je fais du pain, de la focaccia. Je garde aussi une certaine quantité que je mets au congélateur, qui va ensemencer le lot suivant.

Avec le lait pasteurisé, il faut ajouter en général du chlorure de calcium, qu’on peut acheter dans les fromageries, pour avoir un lait qui se tienne. Après ça, on met la présure, continue notre initiateur à la fromagerie. Pour un fromage à pâte molle, quand le lait est à 32°C, on met la présure et on attend 24 heures.

La présure, c’est ce qui fait coaguler le lait. La présure est prélevée dans l’estomac du veau, ça lui sert à digérer le lait, raconte M. Habit Lebreton. Ça peut écœurer du monde des fois, mais c’est comme ça qu’on fait. Il existe des présures d’origine non animale. Informez-vous dans les magasins spécialisés dans la fermentation ou la culture de champignons.

Une fois que le lait est caillé, il faut le trancher en cubes et l'égoutter. Pour le fromage à pâte molle, on passe directement à l’affinage. Pour les fromages à pâte ferme, on fait remonter la température selon le fromage voulu, afin de cuire le caillé. On le met ensuite sous presse, puis dans une saumure, à raison de quatre heures par kilogramme de fromage, puis on le met à sécher avant de passer à l’affinage.

L’affinage est une étape cruciale qui consiste à faire vieillir le fromage en développant la croûte et la pâte. Pour laver la croûte, je prends du petit-lait avec un peu sel et je frotte, explique André Habit Lebreton. Tous les jours, il va donc frotter la croûte de son fromage avec son mélange afin de contrôler la croissance de certaines bactéries à la surface, développant ainsi les arômes et l’apparence.

Avec le fromage, tu travailles avec un produit vivant, c’est comme le pain, la bière, le vin... c’est noble, décrit-il.

On sent chez M. Lebreton l’amour des produits frais et de bonne qualité, et on sent surtout ce désir de voir s’ouvrir les horizons culinaires des gens, surtout lorsqu’on parle de lait.

Pour du lait de qualité, il faut que les animaux puissent aller en pâturages, souligne-t-il. Je vois une différence entre les laits d’hiver et de printemps, le caillé est plus abondant chez les animaux qui ont été dans la prairie. L’alimentation des animaux d’élevages a un effet tellement grand sur la qualité du fromage qu’il peut affecter sa couleur et son goût.

Pour lui, la pasteurisation à outrance, du moins dans la fabrication de fromage, est une erreur. Quand je vois les dates de péremption sur les emballages de lait au Québec, je m’arrache les cheveux. Le lait est mort, dit-il gravement.

À l’origine, dans le lait, il y a des bactéries présentes qui servent à le protéger, explique M. Lebreton. La pasteurisation c’est un désastre côté fromage, parce qu’on tue le lait, on enlève les bonnes choses qui lui permettent de se protéger lui-même.

Il faut que les gens soient informés. Ils ont été informés sur les légumes bio, maintenant ils veulent des légumes bio, affirme André Habit Lebreton. Avec les fromages, il faut que les consommateurs sachent que le lait cru, c’est sain.

Et pour se laisser sur une douce note, voici la recette de fromage de M. Habit Lebreton, qui exploite une façon simple de faire du fromage, celle où on goûte le lait onctueux qu’on aura choisi soigneusement pour cette occasion et qui nous fera voyager. C’est un fromage de base, mais qui réussira à tout coup et qui nous donnera la fierté d’avoir fait un premier pas dans l’univers complexe et fascinant de la fromagerie.

La recette de fromage d’André Habit Lebreton

Ingrédients

  • 1 litre de lait 3.25 %
  • 45 ml de jus d'un citron
  • 15 ml de crème 35 %
  • 1 gousse d'ail hachée
  • Ciboulette, persil ou autres herbes, au goût
  • Sel, poivre

La méthode

  1. Chauffez le lait à 45°C et éteindre le feu
  2. Ajoutez le jus de citron et brasser de temps en temps pendant 5 minutes , filtrer la préparation dans une passoire avec au moins 3 couches de coton à fromage (le coton à fromage de l’épicerie à des trous trop gros il faut donc mettre plusieurs épaisseurs).
  3. Formez un baluchon avec le coton à fromage de sorte à pouvoir le nouer sur une cuillère en bois pour le suspendre au-dessus de la casserole et le laisser s’égoutter une petite heure (ne pas jeter le petit lait qui est riche en protéines).
  4. Ensuite il ne reste plus qu’à mettre la crème au caillé et du goût, ail, ciboulette, sel, poivre ou autre, au goût. Mettre au frigo trois heures et c'est prêt!
Le fromage frais est facile à faire et peut représenter une bonne introduction à l'art de la fromagerie. | Photo : iStock / tashka2000