Pourquoi les grands bureaux d'avocats boudent-ils le Manitoba?
Au Canada, certaines firmes comprenant des centaines d'avocats luttent pour les plus grands dossiers, les clients les plus prestigieux et les avocats les plus performants. Toutefois, on observe un fait assez particulier : aucun des dix plus grands cabinets n'est présent au Manitoba ou dans les provinces de l'Atlantique.
Un seul cabinet dans les 30 premiers a un bureau à Winnipeg. Il s'agit de MLT Aikins, qui se situe en 15e position au classement, avec ses 244 avocats répartis dans l'Ouest canadien, de Winnipeg à Vancouver. Quant aux provinces de l'Atlantique, les cabinets Stewart McKelvey et Cox & Palmer occupent respectivement les 17e et 18e rangs du classement, avec des bureaux dans chaque province.

Le Manitoba et son fort milieu juridique

Selon l'associé directeur de MLT Aikins, Herb Peters, l'absence des grandes firmes s'explique par les relations bien établies avec les acteurs locaux et par la force du milieu juridique local. La qualité des avocats présents dans la capitale manitobaine a ainsi fait en sorte que des liens d'affaires et de confiance se sont tissés avec les grands cabinets.
Cela n'explique qu'en partie pourquoi les firmes de la province n'ont pas pris part à la grande vague de fusions des années 1990.
Dans un monde parfait, nous aurions une présence partout. Mais, ce qui est unique au fait que nous sommes de l'Ouest, c'est que nos clients peuvent s'identifier à cela. Ce sont des gens des Prairies qui réussissent à accomplir des choses dont on ne les penserait pas capables.
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À l'époque, les firmes d'avocats qui étaient auparavant présentes dans une seule province ont procédé à une série de fusions afin d'être capables de répondre aux besoins de leurs clients un peu partout au pays. L'économie canadienne avait par contre déjà amorcé une transition vers l'ouest du pays, et Winnipeg ne faisait pas partie de l'équation.
Il y avait une volonté de créer une structure pancanadienne, de répondre aux besoins des clients à travers le pays. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a commencé avec des cabinets des juridictions où on avait de bons échanges de clients [...] Donc, des cabinets de Vancouver, de Calgary, de Toronto et d'Ottawa.
Les Manitobains attachés à leur patrie
Nicolas Joubert, un Winnipégois né dans le quartier Saint-Boniface, a fait le choix de revenir s'installer dans sa ville natale afin de travailler pour MLT Aikins après des études à Ottawa. Pour lui, l'appel du Manitoba était plus fort que ce qui aurait pu lui être offert dans les grands centres économiques. Une décision qui n'a pas été comprise par tous ses collègues.
Il y avait certains de mes collègues qui ne comprenaient pas du tout pourquoi je retournais à Winnipeg. [...] Pour eux, il y a la mentalité que, pour exercer le droit commercial, il faut être à Toronto, il faut être à Montréal.

Il reconnaît avoir pensé à faire une carrière dans les plus grands cabinets canadiens comme tout étudiant en droit qui veut travailler en droit commercial, une spécialité de ces entreprises. Nicolas Joubert estime par contre qu'il y a des avantages à vivre à Winnipeg qui l'ont poussé à revenir.
C'était toujours le projet à long terme de revenir ici. Winnipeg a des avantages que les autres villes n'offrent pas en matière d'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.

Fusionner pour devenir une force dans l'Ouest
C'est uniquement en janvier 2017 que MLT Aikins a vu le jour, lors de la fusion de la firme winnipégoise Aikins, MacAulay & Thorvaldson LLP et de la firme saskatchewanaise MacPherson Leslie & Tyerman LLP. Cette union de deux firmes de l'Ouest canadien leur a permis de renforcer leur position sur la scène juridique et d'offrir plus de services à leurs clients.
Herb Peters souligne que les deux cabinets avaient déjà d'importantes relations avant cette fusion. « Nous les avons vus croître avant nous hors de leur province vers l'Alberta et la Colombie-Britannique », note-t-il. « Alors nous avons amorcé des discussions, et il est devenu clair que nous avions d'importantes similarités culturelles. »
Il se souvient du fait que les deux firmes étaient arrivées à maturité dans leur marché respectif. Il est donc devenu évident, selon lui, qu'une fusion créerait une entité qui serait plus forte que la somme de ses parties et que l'expertise en serait décuplée. Une nécessité pour répondre aux besoins de plus en plus complexes des clients.