Guerre en Ukraine : le virage inattendu du Comité international olympique

Les drapeaux des Jeux olympiques et de la Russie
Photo : Reuters / Mark Blinch
Après la gestion du scandale de dopage russe, le CIO ne pouvait plus se « réfugier derrière son historique neutralité politique », croit l’auteur et consultant Armand de Rendinger.
Le spécialiste français pense même que le mouvement olympique devait reprendre sa place de leader mondial du sport après avoir entaché son image avec les différents scandales.
Le CIO se devait de redorer son blason. Sa décision de permettre aux athlètes russes de concourir durant ses Jeux a été mal perçue par le monde sportif. Il y a eu aussi l’affaire de Peng Shuai, la joueuse de tennis chinoise qui avait disparu après avoir dénoncé le harcèlement dont elle avait été victime de la part d’un haut responsable chinois. Elle réapparaît miraculeusement dans un entretien exclusif avec Thomas Bach comme s’il ne s’était rien passé. Une manière de faire diversion à l’aube des Jeux de Pékin pendant que les organisateurs chinois étaient tiraillés de toutes parts sur le non-respect des droits de la personne.
Armand de Rendinger rappelle aussi un souper en tête à tête, lors des Jeux de Pékin, entre le président du CIO et le maître du Kremlin. Là encore, l’image olympique était quelque peu ternie par ce curieux message. Pour le spécialiste de l’olympisme, le CIO n’avait plus le choix et devait profiter
de la situation en Ukraine pour réformer son image.
Le CIO se devait de montrer le chemin à toutes les grandes organisations sportives internationales. Il ne s’agit pas ici de savoir qui a dégainé le premier, mais plutôt comment le CIO allait profiter de ce moment pour éclaircir son image, qui est restée trop nébuleuse depuis un certain temps, explique-t-il. Il fallait absolument que le mouvement olympique se débarrasse de cette figure quelque peu aristocratique d’un autre siècle et montre sa modernité.
Pour le spécialiste français, c’est un véritable tsunami sportif auquel on assiste.
Le CIO a changé de doctrine et est intervenu politiquement au nom de l’équité sportive. Il a demandé de bannir de toutes compétitions les athlètes russes, non pas au nom de la morale, mais au nom de l’équité sportive, car les Ukrainiens qui ont été envahis ne peuvent pas participer aux compétitions. Et comme ils ne peuvent pas participer, l’acteur qui est à l’origine de cette situation doit être puni. Le CIO subissait depuis trop longtemps ces critiques où on l’accusait de ménager la chèvre et le chou. Et là, le conflit ukrainien est une opportunité pour gommer cette image négative.
Armand de Rendinger pense également que le CIO est en train de repenser sa politique, comme il s’est toujours défendu de prendre une quelconque position politique. Le fait que la trêve olympique ait été brisée par la Russie ne donnait plus le choix au mouvement olympique d’être conséquent avec lui-même, s’il voulait sauvegarder ses valeurs.
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En se rangeant derrière les lois internationales, le CIO a montré qu’il ne pouvait plus invoquer ses propres lois pour prendre position. En intervenant de manière aussi drastique, le CIO ne pouvait plus se réfugier derrière sa charte olympique, une charte olympique qui est de plus en plus controversée, d’ailleurs. Avec ce conflit, le CIO se refait une virginité importante en ce qui concerne son rôle au niveau international, il lui fallait prendre une position politique s’il voulait garder sa place au sein des nations.
En prenant cette nouvelle position, le CIO s’est affranchi de cette image négative. Celle de l'intérêt économique à tout prix et celle des yeux qui se ferment lorsqu’il est question de certaines atteintes aux droits de la personne. En intervenant ainsi, il ne peut plus invoquer sa neutralité. Pour Armand de Rendinger, on a atteint un point de non-retour.
Les conséquences vont être énormes pour le mouvement sportif, car maintenant tout le monde est affranchi par cette nouvelle position du CIO et pourra, à l’avenir, intervenir politiquement pour interdire ou non la présence d’athlètes indésirables. On peut même penser que maintenant, les fédérations et même les comités nationaux olympiques n’attendront plus le feu vert du CIO pour prendre position.