•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
Des herbiers en bordure du fleuve Saint-Laurent. À l'arrière-plan, une vue panoramique de la ville de Québec.

Les battures de Beauport, un joyau emprisonné

Ceinturées par une autoroute à six voies et voisines d'une vaste zone industrielle, les battures de Beauport ne paient pas de mine. Elles figurent pourtant parmi les endroits les plus riches du Québec pour l'observation d'oiseaux et abritent des écosystèmes aux fonctions vitales pour la biodiversité. Ce site pourrait redevenir accessible avec une phase 4 de la promenade Samuel-de-Champlain.

Pendant que les voitures et les camions défilent bruyamment sur l'autoroute Dufferin-Montmorency, des bernaches du Canada s'alimentent dans les herbiers situés en contrebas, à l'embouchure de la rivière Beauport.

À l'abri des courants et bercées par les marées, les battures du fleuve, à cette hauteur, représentent un arrêt important dans leur migration vers le sud. À l'approche de l'hiver, il s'agit d'un endroit tout désigné pour se reposer et pour s'alimenter avant de reprendre leur route.

De façon quasi poétique, les biologistes du ministère de l'Environnement décrivent les battures de Beauport comme une mosaïque d’habitats d’importance pour de nombreuses espèces du fleuve Saint-Laurent, qui y complètent plusieurs étapes de leur cycle vital.

Des oiseaux s'alimentent au bord d'un cours d'eau.

Des bernaches du Canada profitent des battures lors de leur migration saisonnière.

Photo : Radio-Canada / David Rémillard

Aujourd'hui, ce sont des bernaches, parfois ce sont des oies des neiges ou d'autres résidents ailés, migrateurs ou non. Le secteur figure d'ailleurs parmi les plus prolifiques au Québec pour les amateurs d'ornithologie.

Près de 270 espèces d'oiseaux ont en effet été observées au fil des ans à la pointe de Maizerets, qui se trouve en face de la baie de Beauport.

Ce total place la pointe de Maizerets au troisième rang des sites où il s’est observé le plus grand nombre d’espèces d’oiseaux dans la province. Il s’agit donc sans aucun doute d’un site important pour la faune aviaire, indique le ministère de l'Environnement du Québec.

Le littoral fait partie de la Zone d'importance communautaire pour les oiseaux (ZICO) des battures de Beauport et du chenal de l'île d'Orléans. Toutefois, bien que jouissant d'une reconnaissance scientifique, les milieux qui forment une ZICO ne sont accompagnés ni d'un statut de protection particulier ni d'un cadre juridique ou réglementaire.

Un royaume pour les poissons

Dans l'eau, les marais à scirpe et les estrans vaseux font office de cachettes et de garde-manger pour de jeunes poissons, parfois même au stade larvaire. Les marées de près de cinq mètres et la faible profondeur de l'eau permettent à certaines espèces de se déplacer malgré l'immaturité de leurs nageoires.

Des plantes de rivage en gros plan avec une ville à l'arrière-plan.

Les marais à scirpe caractérisent les battures de Beauport.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

La présence de trois rivières, soit la rivière Saint-Charles, la rivière du Moulin et la rivière Beauport, contribue à l'apport d'éléments nutritifs dans la baie aux eaux plus calmes.

Ce secteur constitue une zone d’importance unique pour les poissons d’eau douce puisqu’il fournit un habitat d’alimentation et de croissance important, situé à l’intérieur d’une baie protégée des forts courants, peut-on lire dans un rapport de caractérisation de la faune aquatique produit par l'Organisme de bassin versant (OBV) de la Capitale.

Une rivière coule sous un viaduc.

La rivière Beauport se jette dans le fleuve Saint-Laurent à la hauteur de la baie, ce qui apporte son lot d'éléments nutritifs pour la faune et la flore du secteur.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

Mis ensemble, tous ces facteurs font de la baie de Beauport et des battures un lieu très prisé des poissons. Il s’agit d’une situation peu fréquente dans la section du fleuve située entre l’estuaire et le tronçon fluvial, puisque les autres habitats semblables, soit des baies peu profondes à l’abri des courants, sont retrouvés davantage en aval, en eau salée, ce qui ne convient pas à plusieurs espèces retrouvées dans la zone d’étude, peut-on également lire.

Lors des travaux de l'OBV menés à l'été 2021, 58 espèces de poissons y ont été répertoriées. On y retrouve le bar rayé, le baret, l'alose savoureuse, l'éperlan arc-en-ciel, l'esturgeon noir, l'esturgeon jaune, des meuniers et plusieurs autres espèces d'eau douce.

Une rivière se jette dans un fleuve.

La marée basse révèle des marais à scirpe et le chenal de l'embouchure de la rivière Beauport.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

Reconnu mais peu valorisé

La richesse de ces habitats est reconnue depuis des décennies.

Lors des travaux du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement pour la construction de l'autoroute Dufferin-Montmorency à la hauteur des battures, en 1978, Environnement Canada s'était opposé au projet. La protection intégrale des battures de Beauport doit être maintenue, avait alors affirmé le ministère fédéral.

Il recommandait dans son mémoire de trouver un emplacement plus compatible pour la route ou pour tout autre développement jugé nécessaire le long du littoral de la région métropolitaine de Québec, de déplacer la construction des installations portuaires vers la rive sud et de donner aux battures de Beauport le statut de parc.

Une autoroute ceinturée par un enrochement au-dessus d'un marais.

L'autoroute Dufferin-Montmorency a été construite directement dans les marais à scirpe et sur le littoral du fleuve sur plusieurs kilomètres.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

L'autoroute a tout de même été construite.

Près de 40 ans plus tard, le fédéral a rejeté un projet d'agrandissement du port de Québec dans la baie de Beauport, à savoir le terminal de conteneurs Laurentia, qui supposait l'ajout d'une ligne de quai de 610 mètres. Pêches et Océans Canada craignait notamment la perte et la modification d'habitats rares, complexes et de grande valeur.

On jugeait que les pertes seraient irréversibles. Cette fois-ci, le projet a été abandonné pour des raisons sociales et environnementales.

Les battures de Beauport et le chenal de l'île d'Orléans abritent :

  • une rare population d'hirondelles de rivage;
  • des espèces en péril ou menacées comme l'obovarie olivâtre (moule d'eau douce), le faucon pèlerin et le hibou des marais;
  • 2 % de la population mondiale de la grande oie des neiges;
  • 1 % de la population mondiale de canard noir.

Sources : ministère de l'Environnement, G3E et Environnement Canada

Manque d'accès

Le Groupe d'éducation et d'écosurveillance de l'eau (G3E) fait partie des organismes qui travaillent à protéger et à mettre en valeur les battures de Beauport. Son groupe de biologistes prend également soin de la ZICO.

G3E a notamment installé des panneaux d'interprétation sur une petite anse qui n'est accessible que par le boulevard Sainte-Anne, non loin du boulevard François-de-Laval. C'est un des seuls accès gratuits au fleuve à l'est de la ville de Québec, le reste étant occupé par la White Birch, le Port de Québec et la Ville (biométhanisation, usine d'épuration, dépôt à neige).

Un panneau d'interprétation mentionne la présence d'une zone d'importance communautaire pour les oiseaux.

Des panneaux d'interprétation se trouvent le long d'un tout petit sentier situé sur une anse à l'embouchure de la rivière Beauport.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

Nathalie Piedbœuf, directrice générale du Groupe, convient qu'il faut mieux faire connaître ces espaces naturels pour mieux les protéger. Je pense que ça a tout lieu d'être plus connu et d'être davantage valorisé, parce que c'est un milieu formidable, dit-elle en entrevue à Radio-Canada.

Le manque d'accès, croit-elle, nuit à ces efforts. C'est peu accessible à la population en général. [...] il reste un gros travail à faire. En plus de l'autoroute qui est presque dans le fleuve, elle note la présence de propriétés privées tout le long du chenal de l'île d'Orléans, ce qui rend le littoral quasi inaccessible sur des dizaines de kilomètres, de la pointe de Maizerets jusqu'à la Côte-de-Beaupré.

Une femme est debout au bord du fleuve.

Nathalie Piedbœuf est directrice générale de G3E. Cet organisme travaille à protéger et à mettre en valeur les battures ainsi qu'à les documenter.

Photo : Radio-Canada / David Rémillard

Son organisme a récemment plaidé pour la transformation de l'autoroute Dufferin-Montmorency en boulevard urbain, un dossier hautement politisé à Québec. Ce rétrécissement de l'axe routier permettrait selon elle de mieux protéger les habitats le long du littoral.

L'organisme de bassin versant de la capitale, qui travaille de concert avec G3E, suggérait dans son rapport de caractérisation, déposé l'an dernier, de retirer certains enrochements afin de libérer les berges et de leur redonner leur espace naturel.

Un tunnel sous une autoroute.

Les battures de Beauport sont accessibles par un petit passage situé le long de la piste cyclable sous l'autoroute Dufferin-Montmorency.

Photo : Radio-Canada / David Remillard

Promenade Samuel-de-Champlain

Nathalie Piedbœuf voit également d'un bon œil l'engouement pour la nouvelle phase de la promenade Samuel-de-Champlain, qui serait aménagée du côté des battures de Beauport. D'ailleurs, un concours d'idées pour la phase 4 vient tout juste d'être lancé par le gouvernement Legault.

Celui-ci s'est engagé à compléter ce parcours littoral après avoir tergiversé à ce sujet en raison du projet de troisième lien autoroutier, lequel comprenait une sortie d'autoroute sur Dufferin-Montmorency.

Pour G3E, l'initiative constituerait une belle occasion de protéger les habitats le long des battures. Dans cette optique, des infrastructures aussi lourdes que celles réalisées lors des trois premières phases de la promenade pourraient ne pas être adaptées. Mme Piedbœuf suggère donc de faire les choses intelligemment.

Une piscine et une plage au bord d'un fleuve et d'une falaise.

Selon G3E, les battures de Beauport ne pourraient pas accueillir d'aussi grosses infrastructures que celles réalisées lors des trois premières phases de la promenade Samuel-de-Champlain, où l'environnement s'y prêtait mieux. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Erik Chouinard

Du côté ouest, c'est très très artificialisé, note-t-elle. Je n'irais pas vers d'aussi grosses infrastructures. [Du côté de Beauport], ce sont des milieux qui sont très très fragiles.

Certaines erreurs du passé seront impossibles à corriger, souligne-t-elle. Il faut cependant les reconnaître et travailler à garder ce qu'on a. Il faut protéger ce qui reste.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre ICI Québec

Une fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité régionale.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre d’ICI Québec.