Que promettent les partis pour les finances du pays?

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Bien qu’il soit facile de faire des promesses, encore faut-il qu’elles puissent se réaliser! Voyez comment les engagements électoraux chiffrés des partis politiques se comparent aux prévisions du Directeur parlementaire du budget et aux plans de leurs adversaires.

En campagne électorale, les promesses fusent et l’argent ne manque pas.

La publication d’un cadre financier est donc considérée comme un exercice sérieux qui permet d’évaluer la crédibilité d’un programme électoral ainsi que le niveau de transparence et la responsabilité financière des partis politiques qui aspirent à gouverner le pays.

Le Parti libéral a été le premier à déposer son cadre financier, au même moment que son programme électoral. Le Parti conservateur, le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique ont suivi, puis le Parti vert, à deux jours seulement du scrutin. Le Parti populaire avait déjà indiqué en début de campagne qu’il n’en publierait pas.

Nous avons toutefois dû exclure le cadre financier du Bloc québécois puisqu’il ne porte que sur les trois prochaines années en raison de « l’incertitude sur la reprise et l’absence de perspectives fiscales à long terme ». Celui du Parti vert a aussi été écarté, étant donné que seulement une fraction de ses engagements a été chiffrée (voir méthodologie).

Une seule et même référence

Le Directeur parlementaire du budget (DPB) a déposé, au déclenchement de la campagne électorale, une prévision économique et financière pour les années à venir.

C’est la référence sur laquelle s’est basé chacun des partis pour évaluer le coût des mesures qu’ils proposent aux électeurs.

Leurs engagements modifient le cadre financier du gouvernement fédéral, en influençant, à la hausse ou à la baisse, les dépenses et les revenus prévus dans les prochains exercices financiers, et qui sont basés, dans les prévisions du DPB, sur les mesures déjà en vigueur ou annoncées par le gouvernement en poste avant la dissolution du Parlement (jusqu’au 30 juillet 2021).

Bien qu’il ne s’agisse que d’une prévision, la référence du DPB sert de point de départ commun à tous les partis.

Revenus

Le DPB prévoit des revenus de 452,1 milliards de dollars en 2025-2026.

Dans cinq ans, le Parti libéral irait chercher davantage de revenus que prévu (+5 G$), contrairement au Parti conservateur, qui devrait faire avec moins (-3,4 G$). C’est toutefois le Nouveau Parti démocratique qui, même en considérant que des imprévus supplémentaires pourraient priver l’État de 4 milliards de dollars, irait chercher le plus de nouveaux revenus (+35 G$). Consultez l’ensemble des promesses chiffrées dans la section détails de chacun des partis.

DPB

452,1 G$

Parti libéral

457,1 G$

Le PLC tire la majorité de ses nouveaux revenus de la lutte contre l’évitement et l’évasion fiscale et en taxant davantage les grandes entreprises et celles qui ont tiré profit de la pandémie. De nouveaux crédits d’impôt, comme le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété, ou d’autres bonifiés, réduisent toutefois ses revenus de près de 3,2 milliards de dollars.

PromesseThèmeMontant
Surtaxe de 3 % sur les profits des grandes banques et compagnies d’assuranceFinances1318 M$ 1
Dividende provisoire imposée aux entreprises dont la relance a été plus rapide et vigoureuseFinancesEmploi et entreprises1500 M$
Instaurer un taux d’imposition minimum de 15 % pour les personnes dont le revenu imposable est supérieur à 222 661 $Finances423 M$ 1
Augmenter la capacité de l'Agence du revenu du Canada de percevoir des impôts et de contrer l’évitement et l’évasion fiscaleFinances4675 M$ 1
Éliminer les actions accréditives pour les projets de pétrole, de gaz et de charbonEnvironnement8 M$

1-5 sur 19

1 soumis et évalué par le DPB

2 entraîne une baisse des revenus plutôt qu'une hausse des dépenses

Parti conservateur

448,7 G$

Le PCC mise sur l’Agence du revenu du Canada pour notamment contrer l’évasion fiscale et aller chercher de nouveaux revenus en impôts dus. Toutefois, il y aurait ultimement une baisse des revenus comparativement aux chiffres prévus par le DPB, car les sommes récupérées sont plus qu’absorbées par la bonification de l’Allocation canadienne pour les travailleurs et une série de crédits d’impôt, nouvellement créés ou bonifiés.

PromesseThèmeMontant
Gel des taux des droits d’accise sur l’alcool, ou taxe ascenseur, aux taux actuelsFinances-195 M$ 1 2
Doubler le crédit d’impôt pour la création d’emplois d’apprentisEmploi et entreprises-19 M$ 1 2
Introduire un régime incitatif relatif à la propriété intellectuelle réduisant de moitié le taux d’imposition du revenu des sociétésEmploi et entreprisesRecherche et innovation-96 M$ 1 2
Autoriser les nouvelles entreprises de technologie à émettre des actions accréditivesEmploi et entreprises47 M$ 3
Doubler l’Allocation canadienne pour les travailleurs et en faire un versement trimestrielEmploi et entreprises-5780 M$ 1 2

1-5 sur 16

1 soumis et évalué par le DPB

2 entraîne une baisse des revenus plutôt qu'une hausse des dépenses

3 prévu au budget fédéral de 2021, mais dont la révision génère un revenu

Nouveau Parti démocratique

487,1 G$

Le NPD irait chercher la majorité de ses nouveaux revenus avec différentes mesures fiscales touchant notamment les mieux nantis, comme un impôt sur la fortune et la hausse du taux le plus élevé du barème d’impôt et du taux d’inclusion des gains en capital à 75 % au lieu de 50 %. Ses autres revenus additionnels majeurs proviendraient de la hausse du taux d'imposition des sociétés, de la fin des subventions aux combustibles fossiles et de la lutte contre les paradis fiscaux.

PromesseThèmeMontant
Imposer une taxe de 20 % aux acheteurs immobiliers étrangersLogement534 M$ 1
Frais de recouvrement des fabricants de tabac pour le coût des investissements en santé publique reliés au contrôle du tabagismeSanté66 M$
Imposer une taxe fédérale sur les produits de vapotageSanté96 M$
Augmenter le taux d'inclusion des gains en capital de 50 % à 75 %Finances10711 M$ 1
Faire passer le taux marginal d'imposition le plus élevé de 33 % à 35 %Finances773 M$ 1

1-5 sur 19

1 soumis et évalué par le DPB

2 entraîne une baisse des revenus plutôt qu'une hausse des dépenses

La majorité des nouvelles sources de revenus et des crédits d’impôt mis de l’avant par les partis a été soumise à l’évaluation du DPB. Le PLC en a fait évaluer 9 pour l’exercice financier 2025-2026, contrairement à 12 chacun pour le PCC et le NPD.

Dépenses

La DPB prévoit des dépenses de 476,7 milliards de dollars en 2025-2026.

Dans cinq ans, le Parti libéral compte faire davantage de dépenses (+12,5 G$), contrairement au Parti conservateur, qui, avec déjà moins de revenus, aurait aussi moins de dépenses (-3,2 G$). Le Nouveau Parti démocratique serait de loin le plus dépensier (+44,5 G$), mais en incluant un fonds de prévoyance de 2 milliards de dollars en lien avec la COVID-19 ou d’autres imprévus. Consultez l’ensemble des promesses chiffrées dans la section détails de chacun des partis.

DPB

476,7 G$ *

Parti libéral

489,2 G$

Le PLC consacre le tiers de ses nouvelles dépenses à la santé, une responsabilité pourtant provinciale. Même si ses promesses environnementales sont les plus nombreuses, moins d’argent y est consacré comparativement à l’éducation et au logement.

L’instauration d’un système pancanadien de services de garde à 10 $, l’un des engagements phares du budget fédéral de 2021 et repris en campagne, n’entraîne aucune dépense supplémentaire, puisque les sommes pour les cinq prochaines années étaient déjà prévues. La majorité des dépenses entraînées par la pandémie, comme les subventions salariales et au loyer et d’autres sommes prévues pour les risques liés à la COVID-19, prennent fin au cours des deux prochains exercices financiers et n'entraînent donc aucune dépense en 2025-2026.

PromesseThèmeMontant
Fonds de recherche pour étudier les effets à long terme de la COVID-19 sur la santéSantéRecherche et innovation10 M$
Élargir l’accès à un médecin de famille ou à une équipe de soins primaires avec l'embauche de 7500 nouveaux professionnelsSanté1400 M$
Augmenter les services de soins de santé virtuels et en élargir l'accès dans les zones ruralesSanté143 M$
Établir un nouveau transfert canadien en matière de santé mentaleSanté2000 M$
Financer la création d'une ligne d’assistance nationale de santé mentale et de prévention du suicideSanté10 M$

1-5 sur 69

1 ajout à une dépense déjà incluse dans le budget fédéral de 2021

Parti conservateur

473,4 G$

La plus grande dépense du PCC est l’augmentation de 6 % du Transfert canadien en matière de santé. Il prévoit toutefois réduire considérablement les dépenses du gouvernement en abolissant le système de garderies à 10 $. Rappelons qu’il propose plutôt un crédit d’impôt remboursable pour frais de garde (voir Revenus) qui remplacera la déduction fédérale pour frais de garde, le tout étant moins coûteux. Sa seule autre compression est la fin de la subvention aux médias.

Au bout du compte, les dépenses seront moins élevées que celles prévues par le DPB, malgré des intérêts sur la dette plus importants découlant de déficits plus élevés les premières années du cadre financier.

PromesseThèmeMontant
Instaurer la Prestation canadienne pour les soins aux aînés pour les Canadiens qui vivent avec un parent de plus de 70 ans et qui en prennent soinSanté555 M$ 1
Soutenir en partie les coûts administratifs et juridiques des cinq premiers brevets déposés par une entrepriseEmploi et entreprisesRecherche et innovation40 M$
Doubler le financement des ports pour petits bateauxTourisme et loisirs70 M$ 1
Abolir le système pancanadien de services de garde à 10 $Famille et aînés-8383 M$ 2
Élargir l’Allocation canadienne pour enfants au septième mois de grossesse plutôt qu'à la naissanceFamille et aînés363 M$ 1

1-5 sur 22

1 soumis et évalué par le DPB

2 prévu au budget fédéral de 2021, mais dont la révision entraîne des économies

Nouveau Parti démocratique

521,2 G$

Le NPD prévoit d’importantes dépenses en santé, une responsabilité pourtant provinciale. Son régime d'assurance-médicaments représenterait même le quart de toutes ses nouvelles dépenses. Après la santé viennent ensuite différents investissements sociaux pour les familles, le logement ou encore l’éducation. Il maintiendrait d’ailleurs le système libéral de services de garde à 10 $, déjà prévu dans le budget fédéral de 2021.

Présentes en grand nombre dans son cadre économique, les promesses destinées aux Autochtones arrivent au 7e rang du total des nouvelles dépenses. Elles incluent notamment le versement des compensations aux Premières Nations en matière de protection de l’enfance, dont la décision du Tribunal des droits de la personne a été portée en appel par le gouvernement. Même si l'ensemble des mesures d’urgence liées à la COVID-19 auront pris fin, le NPD allouerait presque 2 milliards de dollars à un Fonds de prévoyance en cas de dépenses supplémentaires imprévues.

PromesseThèmeMontant
Construire 500 000 nouveaux logements abordablesLogement2000 M$
Aide immédiate aux familles qui ont du mal à payer leur loyerLogementFamille et aînés1001 M$
Lutter contre le blanchiment d'argent et la spéculation immobilièreLogementFinances20 M$
Radier jusqu'à 20 000 $ de dettes d'études, supprimer les intérêts et étendre à cinq ans la période de non-paiement des intérêts des prêts étudiantsÉducation1364 M$ 1
Doubler l'accès aux bourses d'étudesÉducation1500 M$

1-5 sur 56

1 soumis et évalué par le DPB

2 ajout à une dépense déjà incluse dans le budget fédéral de 2021

*y compris les pertes actuarielles nettes

Le PCC a soumis 5 de ses nouvelles dépenses pour 2025-2026 à l’évaluation du DPB, contrairement à 3 pour le NPD, qui inclut toutefois sa plus coûteuse : un programme d’assurance-médicaments universel. Aucune nouvelle dépense du PLC n’a été évaluée.

Impact budgétaire

Les revenus et les dépenses prévus par un parti ont une incidence sur le solde budgétaire et la dette du Canada tels qu’évalués dans les prévisions de référence du DPB.

Solde budgétaire

Le Canada devait déjà avoir un solde budgétaire de -24,6 milliards de dollars pour l’exercice financier 2025-2026. Il est négatif puisque les dépenses prévues par l’État sont supérieures aux recettes.

Aucun parti ne présente un solde budgétaire moins élevé que les prévisions, tous exercices financiers confondus. Bien que celui du Parti conservateur se rapproche de celui du DPB en 2025-2026, les dépenses et mesures fiscales qu’il prévoit dans les prochaines années augmentent son déficit, ​​qui est d’ailleurs supérieur aux autres partis l’an prochain, et s’ajoutent au bout du compte à la dette.

Le PCC s’engage toutefois à retourner à l’équilibre budgétaire d’ici 7 à 10 ans, sans détailler comment il entend y arriver dans son cadre financier. Le Parti libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Bloc québécois et le Parti vert n'entrevoient pas de retour à l'équilibre budgétaire. Le PLC indique toutefois qu’il prévoit réduire la dette à long terme avec une diminution annuelle du déficit, alors que le NPD dit vouloir gérer la dette et les déficits « de manière responsable, en enregistrant des déficits lorsque cela est nécessaire ». Quant au Parti vert, il envisage de limiter le déficit à moins de 30 milliards de dollars d'ici 2025-2026, ou à 1 % du PIB. Le Parti populaire éliminerait pour sa part le déficit en un seul mandat.

Dette

Un solde budgétaire négatif augmente la dette du Canada, qui s'élèverait à 1321,8 milliards de dollars en 2025-2026. Il s’agit d’un sommet jamais atteint auparavant et qui s’explique notamment par l’aide d'urgence déployée pendant la pandémie de COVID-19.

Aucun parti ne réduit la dette dans les années à venir, mais le Parti libéral est celui qui l’augmente le plus. Dans ses prévisions, le DPB présente aussi le ratio de la dette nette par rapport au Produit intérieur brut (PIB), qui s’améliore généralement au fil des ans.

Tous les partis ont un ratio dette/PIB supérieur aux prévisions. Le Nouveau Parti démocratique est toutefois celui qui s’en rapproche le plus en 2025-2026, malgré de nombreuses nouvelles dépenses compensées en partie par de nouveaux revenus. Les dépenses du Parti conservateur dans les prochaines années expliquent pourquoi son ratio est supérieur aux prévisions et se rapproche autant de celui du Parti libéral (dont les déficits sont plus élevés), malgré un solde budgétaire équivalent aux prévisions cette année-là.

Il faut remonter au début des années 2000 pour retrouver un ratio de la dette fédérale au PIB supérieur à 44 %.

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Daniel Blanchette Pelletier journaliste, Melanie Julien chef de pupitre, Francis Lamontagne designer, André Guimaraes développeur et Martine Roy coordonnatrice

En collaboration avec la Chaire en fiscalité et en finances publiques

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