Vous méfiez-vous autant qu’avant des risques?
L’adhésion aux mesures sanitaires s’effrite avec le désir de retrouver une vie normale. Mais un dernier effort est nécessaire pour ne pas miner la campagne de vaccination contre la COVID-19 avant même qu’elle ne soit terminée.
Difficile de trouver la motivation de rester confiné après plus d’un an de pandémie et avec l’été qui approche à grands pas.
Avec les nouveaux variants, plus contagieux, il n’y a pourtant pas de place au relâchement. Même avec la vaccination, la limitation des contacts, la distanciation physique et le port du masque doivent être maintenus pour encore quelque temps, insistent les experts.
Et ces mesures s’appliquent autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, où le risque n’est pas nul.
Vous pourriez vous reconnaître dans certaines des situations suivantes, où vous prenez des risques de contracter la COVID-19 ou même de la propager dans votre entourage.
Se réunir (enfin) en famille
Être vacciné, c’est la liberté? Pas encore!
La prudence est de mise après avoir reçu une première dose, car l’effet de la vaccination n’est pas instantané et ne confère pas une protection infaillible.

Une personne vaccinée doit donc continuer à suivre les mesures sanitaires.
Sans tomber malade, elle peut contracter le virus et le transmettre autour d’elle, notamment à des gens qui n’auraient pas encore été vaccinés.
« On est obligés de maintenir les mesures, le temps qu’il y ait beaucoup plus de gens vaccinés », insiste Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine.
Les aînés devraient donc continuer à limiter les rassemblements non essentiels et à éviter les contacts rapprochés avec les enfants, souvent moins symptomatiques que les adultes une fois infectés.
Ces derniers devraient d’ailleurs conserver une distanciation d’au moins un mètre entre eux, et de deux mètres avec les adultes d’autres ménages.
Gardez aussi en tête que le partage de nourriture est déconseillé et qu’il faut encore porter une attention particulière à l'hygiène des mains et à l’étiquette respiratoire, en toussant ou en éternuant dans le pli du coude, par exemple.
Les salutations d'usage, comme la bise et la poignée de main, sont également encore à éviter.
Le faux sentiment de sécurité relié à la vaccination est un enjeu réel, selon Nathalie Grandvaux, chercheuse en infectiologie et en immunologie.
« Il ne faut pas se considérer immunisé après la première dose, insiste-t-elle. Il faut que les gens comprennent ça. »
Non seulement la première dose n’atteint sa pleine efficacité que deux à trois semaines après l’injection, mais celle-ci ne donne qu’une protection de 70 % à 80 %.
La deuxième dose renforce cette protection, rappelle la Dre Quach.
« On ne peut pas sortir des centres de vaccination en se disant : "Hourra! Je suis protégé". Il faut laisser le temps au corps de faire son travail. »
— Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
La Dre Grandvaux craint que la pensée magique liée à la vaccination s’amplifie à mesure que le vaccin sera administré aux plus jeunes, qui pourraient être tentés de multiplier les interactions sociales, d’où l’importance de marteler le message.
Une sortie au parc
Avec le beau temps qui s’installe, la tentation est grande de se rassembler à l’extérieur.
Mais profiter du printemps pour enfin revoir ses proches est risqué, surtout si l'enthousiasme et l’émotivité vous font baisser la garde.

L’éloignement physique de 2 mètres avec les gens qui n’habitent pas sous votre toit doit donc être maintenu, même en plein air.
Le masque devrait sinon être porté. Non seulement celui-ci protège contre les aérosols à l’intérieur, mais il bloque également les gouttelettes respiratoires projetées en parlant, en riant ou en toussant, et qui voyagent sur une plus courte distance, même dehors.
« Le message est encore le même aujourd’hui, mais c’est encore plus important de ne pas se coller à 5 pouces du visage de l’autre, rappelle Caroline Quach. Aussi près, la gouttelette a le temps de faire son chemin avant d’être emportée par le vent. »
C’est d’autant plus primordial maintenant avec les variants du SRAS-CoV-2, qui sont beaucoup plus contagieux.
« Si ça prenait 100 virus avant pour être infecté, ça en prend juste 10 avec les nouveaux variants », vulgarise-t-elle, à propos de leur plus grande charge virale.
La même logique s’applique aussi aux sports d’équipe et aux activités physiques pratiqués à l’extérieur, où les contacts rapprochés et répétés, même brefs, sont difficiles à éviter. L’effort physique augmente aussi la projection de gouttelettes respiratoires.
La consommation d’alcool lors d’un moment de socialisation a en outre l’effet involontaire de relâcher la garde et de laisser place à des comportements plus à risque.
Les scènes de parcs bondés sont-elles le reflet d’un ras-le-bol généralisé?
« L'écoeurement, c'est de [décider de se rassembler quand même] et se donner rendez-vous dans un parc, où assis sur un banc ou une table de pique-nique il n’est pas possible de maintenir le 2 mètres », explique la Dre Quach.
Mais ce n’est pas de la défiance envers les mesures sanitaires.
« C’est inconscient, croit l’épidémiologiste. Même si tu conviens de rester à 2 mètres, le naturel revient au galop. Éventuellement, tu te passes un verre, une assiette. Tu te rapproches parce qu’il y a du bruit, du vent, et que tu n’entends pas bien. »
« À ce moment-là, il vaut mieux mettre un masque », résume-t-elle
« Tes amis, tu les vois de proche, pas à 2 mètres, à moins vraiment de fixer une chaise au sol et ne plus bouger. »
— Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
« Les gens le font de manière inconsciente parce qu'ils ont enregistré le fait qu’à l'extérieur ce n’était pas risqué, appuie Nathalie Grandvaux, du Centre de recherche du CHUM. Mais ils ne se rendent pas compte de cette proximité. C’est plus inconscient qu’un défi des règles. Et une certaine fatigue aussi. »
Une séance cardio en plein air
Il faut faire preuve de créativité pour être actif et se maintenir en forme.
Prenez toutefois garde à ce que vos activités se transforment en occasion de rencontre et de socialisation, où vous pourriez être tenté de mettre de côté les mesures sanitaires.

Même quand les gens sont bien distanciés, l’effort physique modéré à intense augmente la portée des gouttelettes respiratoires et leur quantité.
Pareil pour la musique et le bruit, qui peuvent inciter à parler plus fort ou à se rapprocher pour bien se comprendre.
« Le risque n’est pas nul à l'extérieur. Il est très fortement diminué par rapport à l'intérieur, mais il n'est pas inexistant », insiste Nathalie Grandvaux.
La distanciation est donc aussi importante que le port du couvre-visage, même s’il peut paraître contraignant en pleine action. À condition toutefois de bien le porter et qu’il couvre à la fois le nez et la bouche.
Attention au relâchement dans les moments de pause, où vous pourrez vous surprendre à socialiser en faisant fi des mesures qui vous protègent.
Les variants ont changé la donne, répète Nathalie Grandvaux.
« On ne peut pas exclure complètement que le niveau de transmission des variants à l'extérieur, dans une distance de moins de 2 mètres, est si faible que ça. »
— Nathalie Grandvaux, chercheuse en immunopathologie au CRCHUM
Déjà qu’ils sont plus contagieux, les variants ont aussi une période d'incubation plus courte, enchaîne Caroline Quach. Ainsi, la chaîne de transmission s'accélère, avec le risque de perdre le contrôle rapidement sur la pandémie.
C’est en partie la raison pour laquelle les activités physiques à l'extérieur sont malgré tout à préférer aux séances d’entraînement en salle de conditionnement physique.
Les variants semblent également rendre les jeunes adultes plus malades, avec le risque d'être hospitalisés et même de se retrouver aux soins intensifs, selon la Dre Quach.
Une escapade en nature
Être confiné trop longtemps au même endroit peut donner le goût de l’évasion.
Mais se réunir entre petits groupes d’amis dans un chalet, même en pleine forêt, peut rapidement saboter tous les efforts faits auparavant pour se protéger.

Les rassemblements sont encore à éviter.
En multipliant les contacts, vous courez davantage le risque de contracter la maladie et de la répandre à votre tour.
Partager un chalet à plusieurs ménages n’est donc pas une bonne idée.
Et en voyageant avec des amis ou de la famille, peu importe si chacun a réservé son chalet, vous pourriez tous vous rassembler à l’intérieur d’un même chalet plus vite que vous ne le pensez, surtout si la météo n’est pas au rendez-vous.
Rien ne vous empêche toutefois de profiter de la nature en solo ou avec votre bulle.
« Il faut qu'on puisse profiter de l'extérieur. Il ne faut pas qu’on perde ça, affirme Nathalie Grandvaux. C’est nécessaire pour la santé mentale et physique de tout le monde. »
Quant aux déplacements à l'extérieur de votre région ou de votre province, c’est un pensez-y-bien, alors que le virus circule davantage à certains endroits qu’à d’autres.
Un mot sur les surfaces : même si elles sont manipulées par plusieurs personnes, elles n’ont jamais représenté un mode de transmission principal, contrairement à ce qu’on a cru au début de la pandémie.
L’important demeure de bien se laver les mains et d’éviter de les porter à son visage.
Se voir à l’extérieur demeure malgré tout moins risqué qu’à l’intérieur.
« À l'extérieur, c’est plus sécuritaire. À condition qu’on respecte les 2 mètres et qu’on ne se colle pas les uns sur les autres en groupe de 50, insiste Nathalie Grandvaux. Il faut le faire de façon sécuritaire. »
Un point de vue que partage Caroline Quach, qui pense qu’il faut donner le plus de latitude possible sur les activités à faire à l’extérieur.
« Le risque est quand même beaucoup moins grand dehors que dedans. Tant qu'à avoir des rassemblements, aussi bien qu'ils soient à l'extérieur. »
— Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
La « fatigue pandémique » s’observe davantage à l’intérieur, enchaîne Nathalie Grandvaux, et pas nécessairement dans des rassemblements privés illicites.
« On a beaucoup focussé sur les rassemblements privés, mais il y a beaucoup de rassemblements dans les milieux de travail. Les gens vont quand même s’y côtoyer et faire moins attention au 2 mètres. »
Porter le masque en tout temps à l’intérieur, quand les ménages se mélangent et se multiplient, est donc la chose à faire.
La question sur toutes les lèvres
Après un an de pandémie, le dernier effort semble le plus dur à mener à terme.
« C’est clair que les gens sont tannés », reconnaît la Dre Quach.
« Mais on peut se permettre le peu de liberté qu’on a parce qu’on a fait attention jusqu’ici et qu’on n’a pas laissé la troisième vague s’emporter », observe à son tour Nathalie Grandvaux, en faisant référence au Québec.
Ce sont les mesures sanitaires, mais surtout leur respect, qui permettent de maintenir cet équilibre.
« Ne baissez pas la garde. Vous avez fait tout ce bout de chemin pour rester en santé. Ce n’est pas maintenant qu’il faut tout risquer. »
— Nathalie Grandvaux, chercheuse en immunopathologie au CRCHUM
À la question « à quand un retour à une certaine normalité? », les experts font preuve de prudence. « Cet été, on a l'impression qu’on pourra retrouver un certain calme, avance la Dre Quach. Un été relativement correct, mais pas normal encore. »
La campagne vaccinale y sera pour beaucoup. « Quand tout le monde aura reçu sa première dose, ce sera différent. On pourra recommencer à avoir certains regroupements et à pratiquer certaines activités sans avoir peur de perdre le contrôle », dit-elle.
Qu’est-ce qui vous manque le plus?
Après un an de pandémie, de fermetures et de restrictions, un retour à la normale est plus qu’attendu. Souper au restaurant entre amis, assister à un concert ou à une joute sportive, voyager autour du monde… Qu’avez-vous le plus hâte de retrouver dans votre vie post-COVID-19?
Envoyez-nous votre réponse par courriel.
Viendra ensuite l'administration de la seconde dose et l’immunisation des plus jeunes, pour qui les vaccins ne sont pas encore approuvés.
La résistance à la vaccination est toutefois une embûche à considérer. Pour revenir à la normale, il faut aussi qu’une proportion importante de la population soit immunisée.
« C’est difficile à prévoir, parce que ça dépend aussi du comportement des variants. Rien ne nous dit qu’un nouveau variant ne va pas émerger et qu’il sera résistant à la vaccination », ajoute la Dre Quach.
« On n'est jamais à l’abri, rappelle à son tour Nathalie Grandvaux. Les variants pour lesquels on a une problématique nous sont tous venus de l’extérieur. »
Les efforts du Canada sont donc aussi liés à ceux du reste du monde, où à certains endroits la vaccination n’est pas aussi avancée et où le virus voyage davantage.
Entre-temps, le mot d’ordre est le même partout : l’adhésion aux mesures sanitaires permet de limiter la propagation du virus et de prévenir l’émergence de variants pendant que la campagne de vaccination suit son cours.
Les illustrations pour représenter les risques de contracter la COVID-19 ont été imaginées à partir de nos observations sur le terrain et de celles des experts.
Veuillez noter que certaines des mises en situation peuvent être interdites ou restreintes dans votre région au moment de la publication ou de votre lecture.
Elles visent simplement à mettre en évidence et à évoquer les éléments à prendre en considération quand vient le temps d’évaluer le risque associé à nos activités.
Nous n’en avons pas nous-mêmes fait l’évaluation, comme dans ce précédent projet, puisque les variants et la campagne de vaccination complexifient la mesure d’un niveau de risque.
Le risque varie en plus selon plusieurs facteurs, à commencer par la présence ou non d’une personne infectée. Le nombre de personnes, la proximité entre elles, la durée des interactions et l’endroit où elles sont rassemblées a aussi une influence, tout comme les mesures sanitaires mises en place et leur respect ou non par la population.
Daniel Blanchette Pelletier journaliste, Charlie Debons illustratrice, Melanie Julien chef de pupitre, André Guimaraes développeur et Martine Roy coordonnatrice