Quels sont les risques associés à vos activités?
17 novembre 2020
Est-il vraiment plus risqué de manger au restaurant que d’aller au musée? Recevoir à la maison vous expose-t-il davantage que magasiner? La COVID-19 nous fait douter de chacun de nos gestes parce que la possibilité de contracter la maladie est omniprésente.

Limiter vos contacts sociaux, garder vos distances avec les autres et porter le masque, comme le recommandent les autorités sanitaires, vous protège du virus.
« Ce sont les facteurs qui diminuent le risque. C’est ce qu’on vise. Mais ça ne l’élimine pas pour autant », soutient le Dr Janusz Kaczorowski, du département de médecine de famille et médecine d'urgence de l’Université de Montréal.
Si vous voulez reprendre une vie relativement « normale », retenez donc qu’il faut demeurer vigilant. Interagir avec un grand nombre de personnes, en étroite proximité et pendant une période de temps prolongée, augmente le risque d’être infecté. Être à l’intérieur, dans un endroit mal ventilé, plutôt qu’à l'extérieur joue aussi sur la probabilité d’être contaminé.
Voyez comment se manifestent les risques de contracter la COVID-19 pour mieux comprendre pourquoi les autorités permettent, limitent ou interdisent certaines activités de votre quotidien.
Une sortie en patins
Niveau de risque
Les activités extérieures sont à privilégier en temps de pandémie.
Les options deviennent toutefois plus limitées à mesure que s’installe le temps plus froid. C’est malgré tout l'hiver idéal pour sortir et profiter de la neige, suggèrent les experts, sans toutefois oublier que le risque n’est pas nul pour autant.





L'achalandage peut compromettre la distanciation physique recommandée.
Le patinage rend le côtoiement, bien que souvent bref, difficile à éviter.
L’effort physique augmente la projection de gouttelettes respiratoires.
« Il y a de la dilution à l’extérieur », rappelle la Dre Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine.
Le risque d’une activité physique modérée à intense, qui augmente la projection de gouttelettes respiratoires potentiellement infectées, est donc réduit. Très peu d’éclosions ont par ailleurs été associées à des activités en plein air.
Il faut malgré tout respecter la distanciation physique et surveiller les enfants, pour qui ces directives sont plus difficiles à appliquer. Ils doivent rester à 1 mètre de leurs amis et à 2 mètres des adultes qui n’habitent pas sous leur toit.
Et évitez à tout prix de vous cloîtrer à l'intérieur, insiste la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal Roxane Borgès Da Silva.
« Il faut continuer à faire de l’activité physique et à sortir, sinon notre santé mentale va en prendre un coup. »
- Roxane Borgès Da Silva, École de santé publique de l’Université de Montréal
Quant au port du masque, il n’est pas recommandé pendant les activités physiques, puisqu’il peut « réduire la capacité à respirer confortablement » et se « mouiller plus rapidement », selon la santé publique.
Les sports d’équipe, comme le hockey, sont aussi plus risqués puisqu’ils impliquent davantage de contacts rapprochés entre les joueurs. Mieux vaut privilégier la marche, le patin, le ski de fond, la raquette ou encore la course à pied en solo.
Faire du lèche-vitrines
Niveau de risque
Les commerces, essentiels ou non, sont restés ouverts malgré la deuxième vague.
À mesure que le temps des Fêtes approche, les consommateurs vont se ruer dans les boutiques et les centres commerciaux afin de dénicher des cadeaux à offrir à leurs proches.






L'achalandage et la circulation peuvent complexifier la distanciation physique.
Une séance de magasinage s’étale parfois sur une longue période de temps.
Et celle-ci se transforme parfois en une occasion de socialisation...
Les consommateurs sont dans un lieu clos, bien qu'adéquatement ventilé.
« C’est sûr qu’il y a un risque à aller magasiner, même si les centres d’achats sont bien ventilés », tempère Roxane Borgès Da Silva. La professeure recommande de ne pas multiplier les visites et, surtout, de ne pas y traîner.
« Quand les gens ont besoin de sortir et que seulement les centres commerciaux sont ouverts, ils ont tendance à y socialiser, déplore-t-elle. Et plus on passe du temps dans ces lieux-là, plus le temps d'exposition est élevé, et le risque aussi. »
Oubliez le lèche-vitrines : magasinez en sachant ce que vous voulez et quittez par la suite.
Le risque associé au magasinage est aussi lié au contrôle de l’achalandage par les commerçants, au respect des mesures sanitaires et à la bonne volonté des clients.
« À la fin, la responsabilité repose sur chacun d’entre nous », soutient Janusz Kaczorowski.
La distanciation physique de 2 mètres doit être respectée, autant dans les files à l'extérieur des commerces qu’en circulant à l’intérieur. Les clients doivent aussi se désinfecter les mains en y entrant. Le port du masque est également obligatoire en tout temps à l'intérieur, mais encore faut-il que celui-ci soit bien porté et qu’il couvre à la fois le nez et la bouche, rappellent les experts.
« Les gens ne portent pas tous le masque comme il le faut. Certains le portent juste sur la bouche, d’autres n’importe comment. Ça, c’est vraiment un gros enjeu. »
- Roxane Borgès Da Silva, École de santé publique de l’Université de Montréal
Cette préoccupation vient du fait qu’une personne asymptomatique ou présymptomatique peut transmettre le virus, et qu’en portant mal le masque, celle-ci risque davantage de contaminer les personnes qu’elles croisent, surtout si ces dernières le portent mal aussi.
Le couvre-visage n’est pas obligatoire à l'extérieur, même s’il est fortement recommandé dans les artères commerciales achalandées où il est difficile de garder ses distances.
Se déplacer en transport en commun
Niveau de risque
Le métro n'est pas bondé comme il pouvait l’être avant la pandémie.
En dépit du télétravail, et même si les usagers sont encouragés à modifier leurs horaires pour éviter les heures de pointe ou à utiliser d’autres moyens pour se déplacer, il arrive que les wagons soient malgré tout bien remplis.





Au point où il peut parfois être difficile de respecter la distanciation physique.
Certaines surfaces sont aussi fréquemment touchées par les usagers.
Et la durée du trajet, dans un espace plutôt confiné, peut se prolonger au-delà de 15 minutes.
Le port du masque est obligatoire pour les personnes de 10 ans et plus à bord du transport collectif, comme le métro, les autobus et les trains, ce qui réduit la présence de gouttelettes respiratoires sous forme d’aérosols en suspension dans l’air.
La Société de transports de Montréal (STM) précise qu’il y a un apport d’air neuf dans le métro. Il est aspiré des tunnels par les systèmes de ventilation au plafond des voitures, puis redistribué dans l’ensemble du train. L’air ambiant n’est pas recyclé.
Les experts estiment que les transports en commun sont généralement mieux ventilés que les lieux de travail ou les restaurants. Il y a, selon la STM, de 7,5 à 9 changements d’air à l’heure dans ses autobus climatisés. C’est l’équivalent dans le métro.
Les trains AZUR peuvent même ajuster la puissance de la ventilation au nombre de passagers. Comme ils sont complètement ouverts, l’air circule également d’un bout à l’autre, à l’accélération et au freinage.
« Et chaque fois que le métro s’arrête et que s’ouvre la porte, il y a un échange d’air. Avec le port du masque, on arrive donc à diminuer le risque. »
- Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
Les autorités de santé publique considèrent que l'utilisation du transport collectif est sécuritaire. Selon la STM, aucune éclosion n’a d’ailleurs été liée au réseau montréalais.
Gardez quand même, dans la mesure du possible, vos distances avec les autres usagers. Et assurez-vous de bien désinfecter ou laver vos mains en sortant du métro (et de ne pas porter vos mains à votre visage pendant le trajet), même si les surfaces ne sont plus considérées comme un mode de transmission principal de la COVID-19.
Le covoiturage, avec des gens qui ne font pas partis de votre ménage, est déconseillé, et demeure tout aussi risqué que le transport collectif, étant donné qu’il est impossible de garder une distance de 2 mètres à bord d’une voiture et que la circulation de l’air est limitée.
En classe
Niveau de risque
La rentrée scolaire a coïncidé avec le début de la deuxième vague et la hausse des éclosions.
Impossible toutefois de fermer les écoles comme au printemps, en raison du coût social trop élevé pour le développement et l’apprentissage des élèves, et ce, malgré le risque indéniable de contamination.





Les élèves proviennent tous de ménages différents.
Ils passent la grande majorité de leur journée dans la même pièce.
Les fenêtres y sont généralement fermées et l’aération est limitée.
Un nombre élevé de facteurs de risque se retrouve ainsi réunis dans une seule et même pièce, résume Anne Gatignol, chercheuse en microbiologie à l’Université McGill.
« Tout ce qui rassemble beaucoup de monde, de diverses familles, augmente le risque. Si c’est un lieu fermé et s’il y a une exposition prolongée, ça augmente le risque. »
- Anne Gatignol, Université McGill
La ventilation est aussi au cœur du problème dans les écoles, s’entendent les experts.
« Que l’air entre ou sorte, il faut juste qu’il y ait un changement d’air, indique Caroline Quach. Il faut que ce soit de l’air frais qui arrive, et qu’il chasse l’air sale. »
Difficile toutefois d’évaluer quelle est la situation dans les écoles.
Les normes de ventilation, au Québec par exemple, figurent au Code du bâtiment, mais elles ne s’appliquent qu’aux constructions neuves. Une école construite il y a 40 ans répondait donc aux normes en vigueur à cette époque et non à celles d’aujourd’hui.
Et comme le parc immobilier scolaire est généralement considéré vétuste, plusieurs systèmes de ventilation ne sont plus au goût du jour.
« Ouvrir la fenêtre, ça fonctionne », précise toutefois la Dre Quach. C’est d’ailleurs une recommandation des autorités de santé publique, en été comme en hiver. S’il fait trop froid, l’ouverture des fenêtres est recommandée au moins entre les cours.
Encore faut-il que les salles de classe soient dotées de fenêtres, ce qui n’est pas toujours le cas, ou que celles-ci puissent bel et bien s’ouvrir. Dans le cas contraire, ce sont les portes qui doivent rester ouvertes pour assurer une aération minimale.
Une autre solution, selon elle, serait à tout le moins d'installer des purificateurs d’air à filtre HEPA dans les salles de classe, pour « diminuer la charge virale dans la pièce ».
Le port du masque en classe n’est pas obligatoire pour tous les élèves. Il est imposé seulement à partir de la 4e année en Ontario et de la 5e au Québec (en zone rouge seulement), parce que les adolescents transmettent davantage le virus que les plus jeunes.
Le porter en tout temps réduirait pourtant le risque de contamination, alors que les écoles et les garderies ont représenté à la rentrée une majorité des nouvelles éclosions.
Un potluck en famille
Niveau de risque
La saison des potluck festifs approche à grands pas, et avec le froid qui s’installe, la possibilité de se rassembler pour un repas en famille ou entre amis à l’extérieur s’amenuise.
Se réunir à l’intérieur augmente le risque, surtout qu’un nombre d’invités élevé, même s’il respectait les règles, rendrait fort probablement impossible la distanciation sociale.






Les invités, de plusieurs ménages, interagissent entre eux et se méfient peu des contacts étroits.
Ils sont confinés à l’intérieur, sans masque et sans aération adéquate, sur une période prolongée.
La nourriture est partagée et les plats sont manipulés par tout le monde.
La présence d’alcool a pour effet de baisser la garde dans un contexte de socialisation.
« C’est la pire situation de risque », conviennent à la fois Caroline Quach et Roxane Borgès Da Silva.
« Non seulement les gens sont à l'intérieur, dans un lieu clos, mais ils mangent sans masque, résume cette dernière. En plus, ils se partagent les ustensiles. Donc, si l’un des invités est porteur du virus, il le pose sur tous les couverts. »
Les repas de type « buffet » ou « libre-service » sont tout simplement à éviter.
Une seule personne devrait assurer le service du repas, pour éviter le partage d'objets et limiter la circulation des invités. Ceux-ci devraient être réunis entre ménages, à 2 mètres les uns des autres.
Les experts mettent cependant en garde contre les rassemblements privés « non essentiels ». « Ce sont des situations, qui, dans le comportement humain, font que, pris dans le feu de l’action, on va tout laisser tomber et oublier les mesures », comme la distanciation physique et le lavage fréquent des mains, prévient Roxane Borgès Da Silva.
C’est sans compter quand l’alcool se mêle à la partie.
« L’alcool faisant, le party pognant, on peut se retrouver, par l’affectivité, l'excitation et l’émotivité, à oublier les mesures à respecter pour se protéger et protéger les autres. »
- Roxane Borgès Da Silva, École de santé publique de l’Université de Montréal
Plus il y a d'alcool, plus il y a de risque, conviennent les experts, puisqu’une soirée bien arrosée relâche la discipline des invités. Qui plus est, bien s'amuser en parlant fort, en riant ou encore en chantant augmente la projection de gouttelettes respiratoires.
Une soirée jeux entre amis
Niveau de risque
À défaut de jouer dehors, un jeu de société peut-il représenter un bon plan B?
Seulement à condition qu’il ne réunisse que des membres d’un même ménage pour éliminer le risque de transmission du virus à l’extérieur du foyer.






Jouer à un jeu de société permet rarement de garder la distanciation recommandée.
De nombreux éléments du jeu sont manipulés par plusieurs joueurs.
Parler fort, s’emballer et se prendre au jeu augmentent la projection de gouttelettes.
La partie peut s’étirer sur une longue période, dans un lieu intérieur confiné.
La Dre Caroline Quach croit qu’il faut limiter les attroupements, « surtout autour d’une table, surtout dans une maison privée », où le risque de contamination est le plus élevé.
La distance de confort avec nos proches et avec les étrangers n’est pas la même non plus. Pourtant, ils représentent un danger égal, confirme l’épidémiologiste. « Il y a une inconscience avec nos amis, nos proches et nos collègues de travail », constate-t-elle.
« Le risque le plus grand est là. On baisse la garde, parce qu’on a envie de baisser la garde, parce qu'on a envie de les voir, d’être proche, de faire comme avant la pandémie. »
- Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
Il est malgré tout possible de socialiser en toute sécurité à la maison, selon elle : avec un masque ou bien distancé lorsqu’on veut le retirer.
C’est la solution pour pouvoir jouer à un jeu de société en toute tranquillité d’esprit, surtout quand celui-ci peut s'étaler sur plusieurs heures et vous exposer au virus. L’autre solution est de réduire le nombre de joueurs et la durée de la joute.
La ventilation dans une résidence est limitée et ouvrir les fenêtres n’est pas toujours une solution envisageable pour aérer une pièce en plein hiver. Les joueurs doivent également respecter les règles d’hygiène de base et l’étiquette respiratoire et éviter de porter leurs mains à leur visage.
Une séance d’entraînement au gym
Niveau de risque
« Je vais aller courir dehors cet hiver », lance d’entrée de jeu Caroline Quach.
Malgré les mesures sanitaires mises en place dans les centres d’entraînement, la majorité des experts sont d’avis qu’il vaudrait mieux les éviter.






La circulation est courante et augmente en période achalandée.
Certaines surfaces sont touchées fréquemment par différents abonnés
L’effort physique intense contribue à l'expulsion plus forte de gouttelettes et le masque est retiré pour s'entraîner.
L'exposition est prolongée au-delà de 15 minutes, dans un lieu à l’aération limitée.
La projection de gouttelettes respiratoires est un problème spécifique aux gyms.
« C'est sûr qu’on expulse beaucoup plus d'air parce qu’on est essoufflé. On fait du sport. On en met plein dans l’air », illustre Roxane Borgès Da Silva.
Anne Gatignol croit d’ailleurs que la distanciation physique devrait être relevée à au moins 5 mètres dans les gyms, voire même 10 mètres si le masque n’est pas obligatoire en tout temps, étant donné que les gouttelettes sont aussi projetées plus loin avec l’effort physique.
Le port du masque n’est obligatoire que pour circuler, pas pour s’entraîner.
Les experts mettent aussi en garde contre le manque d’aération dans les gyms, où les mesures de ventilation ne sont pas connues et sans doute très variables d'un endroit à l’autre.
D’un point de vue scientifique et objectif, avance Dre Caroline Quach, une personne infectée dans un gym en contaminerait inévitablement d’autres autour d’elle.
« La minute où il y a une personne moindrement contagieuse, dans un contexte d’entraînement, sans masque et avec une ventilation potentiellement déficiente, le risque existe et il est grand. »
- Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
« Mais si on était capable de bien identifier le risque individuel avant de permettre aux gens d’entrer, que ce soit par des tests rapides ou par la chaîne de contact, celui-ci serait alors beaucoup moins grand », précise-t-elle.
Or, ni le système de traçage ni des tests rapides ne permettent en ce moment d’identifier efficacement des personnes contaminées, ou exposées au virus, qui pourraient continuer à circuler librement dans des lieux publics sans se méfier, déplorent les experts.
Aller au cinéma
Niveau de risque
Si vous n’habitez pas à la même adresse, vous devrez suivre les règles de distanciation physique recommandées au cinéma, et laisser un banc de libre entre vous.






On juge que cette distance est suffisante au cinéma (et au théâtre).
Un nombre important de ménages se côtoient à l’intérieur d’une même salle.
Cette exposition est prolongée et s’étend sur la durée de la représentation.
L’espace est fermé et ne permet pas nécessairement une aération optimale.
« Plus il y a de gens dans une salle, plus on augmente la concentration de gouttelettes dans l’air, même si elles n’y restent pas longtemps », rappelle Caroline Quach.
Malgré tout, une sortie au cinéma ou au théâtre n’est pas plus risquée qu’un repas au restaurant, selon elle. « Le restaurant, c’est pire. On parle, on est un en face de l’autre et on se mêle à d’autres convives », explique la microbiologiste infectiologue.
D’autant plus que le nombre de personnes admises au cinéma a été limité lors du déconfinement, de 50 à 250, contrairement aux restaurants, qui pouvaient accueillir autant de clients que leur permettait une distanciation physique de 2 mètres entre les tables.
« Le problème, au cinéma, c’est qu’on n'exige pas le port du masque en tout temps. »
- Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
Les clients d’un cinéma sont tous assis dans la même direction, ne parlent pas et se déplacent très peu. Malgré tout, Dre Quach estime que le port du masque obligatoire pendant toute la durée de la projection réduirait les risques.
« On est quand même stationnaire pendant deux heures. Si la personne à côté de moi est malade, qu’elle rit à gorge déployée, ça fait deux heures que je respire ses gouttelettes… »
« Et si on ne veut pas mettre de masque, on serait mieux de fixer la distanciation physique à 2 mètres plutôt qu’à 1,5 mètre », comme c’est le cas présentement, souligne Dre Quach. D’autant plus qu’on ignore les mesures de ventilation mises en place dans les cinémas.
Avec ou sans masque, elle s’abstiendrait également de manger du pop-corn, pour éviter de porter constamment ses mains à son visage.
Manger au restaurant
Niveau de risque
Quitte à paraître rabat-joie, une sortie au restaurant devrait se limiter aux membres d’un même foyer pour réduire au minimum les risques de contamination.
« On n’a pas le choix, tranche Caroline Quach. Il n’y a pas de solution facile. »






Il est impossible sinon de distancer de 2 mètres les ménages.
On interagit avec les autres convives ainsi qu’avec le serveur, et on se déplace à l’intérieur du restaurant.
L’espace clos, et ventilé, est partagé avec les autres clients, qui socialisent eux aussi
La durée d’exposition s’étend généralement sur une à deux heures.
La distanciation de 2 mètres au restaurant ne s'applique pas seulement entre les tables, mais aussi aux gens assis à la même table et qui n’habitent pas sous le même toit.
« Le fait d'être assis, à table, de façon prolongée, à manger, sans masque, avec des vas-et-vient et des courants d'air… personnellement, j’ai encore une petite réserve », révèle Dre Quach à propos d’une éventuelle sortie au restaurant.
Pour elle, la donne a changé avec la fermeture des terrasses et l’arrivée de l’hiver.
Tous les experts citent un cas bien documenté de transmission dans un restaurant de Guangzhou, en Chine, où une personne asymptomatique a contaminé des clients situés à plus de 2 mètres qui se trouvaient dans le même corridor de circulation d’air.
Impossible non plus de garder le masque à table alors qu’il faut manger. Il n’est obligatoire que pour le serveur et les autres employés et pour se déplacer à l'intérieur du restaurant.
Pour les experts, un repas au restaurant demeure malgré tout moins risqué qu’une sortie dans un bar, qui implique de l'alcool et qui peut durer plus longtemps. La mobilité des personnes augmente dans ce contexte de socialisation et celles-ci ont davantage tendance à mettre de côté les mesures sanitaires et à se rapprocher.
Un après-midi au musée
Niveau de risque
En l’absence de touristes, qui prennent souvent d'assaut les musées, le champ est libre pour admirer des oeuvres d’art sans s’agglutiner dans des salles d'expositions bondées et se piler sur les pieds. D’autant plus que les experts y voient un risque très minime.




Plusieurs ménages se côtoient, bien que brièvement, en se croisant dans les salles.
Il s’agit d’un lieu intérieur, où la durée d’exposition et l’aération varient.
« Je n’ai aucun problème avec les musées », affirme Caroline Quach. L'achalandage est contrôlé, les gens se déplacent d’une salle à l’autre et portent le masque en tout temps.
« Il y a moins de risques dans un musée que dans un commerce, où les gens touchent à tout, appuie la professeure Anne Gatignol. Les gens n’y vont pas pour courir. Et, en général, ils ne parlent pas non plus. »
D'autant plus que les musées sont l’un des rares lieux publics intérieurs, à l'exception des hôpitaux, où la ventilation n’est vraiment pas un enjeu, selon Caroline Quach.
« La qualité de l’air est super bonne dans les musées (pour des soucis de préservation des œuvres d’arts, notamment) et la plupart des musées sont des bâtiments relativement neufs », explique l’épidémiologiste.
Autant Caroline Quach qu’Anne Gatignol s'interrogent sur les raisons qui ont mené à la fermeture des musées, deux fois plutôt qu’une au Québec (en zone rouge), alors que le risque est limité.
Alors pourquoi fermer?
« Je pense que les autorités ont quand même la tâche difficile de décider ce qui peut être ouvert et ce qui doit être fermé », concède Anne Gatignol.
Un point de vue que partage aussi Roxane Borgès Da Silva. « C’est une question d’arbitrage : économie versus risque, santé mentale versus risque, pauvreté versus risque. »
« On ne veut pas fermer les commerces, parce qu’on ne veut pas plonger un maximum de personnes au chômage et se retrouver à augmenter la vulnérabilité et la pauvreté chez les gens », enchaîne la professeure à l’Université de Montréal.
Et les musées auraient écopé par souci « d’équité », suggèrent les experts, étant donné que les salles de spectacles, les théâtres et les cinémas ont dû fermer. Les restaurants et les bars aussi, parce que ces lieux de réunion accueillent des clients aux comportements parfois imprévisibles.
« C’était une espèce de confinement déguisé », croit Caroline Quach.
« Au lieu de dire à tout le monde : “restez chez vous et ne bougez pas”, on a juste annulé le plus possible d’activités pour n’avoir rien d’autre à faire que de rester chez nous. »
- Caroline Quach, microbiologiste infectiologue au CHU Sainte-Justine
« On n’a jamais dit non plus que la décision gouvernementale de tout fermer était nécessairement basée sur la science », indique cette dernière.
Janusz Kaczorowski voudrait d’ailleurs voir les chiffres qui justifient ces fermetures.
« Si on a vraiment des données probantes indiquant que les infections sont liées aux restaurants et aux bars, et selon moi ce n’est pas le cas, cette décision serait acceptable dans ces circonstances. » Mais les preuves manquent, d’après lui. « Ce n'est pas nécessairement relié aux vrais cas d'infections », suggère-t-il.
Plus de cas, plus de risque
Les experts s’entendent toutefois sur une chose : le virus rôde encore et le risque de contracter la COVID-19 est aussi élevé qu’au printemps.
« Je dirais qu’il est même pire, indique Roxane Borgès Da Silva. Au printemps, on n’avait pas autant de transmission dans la communauté, probablement en raison du confinement précoce. »
La prévalence du virus et le nombre élevé de cas sont donc d’autres arguments qui jouent en faveur d’une limitation plus serrée des contacts sociaux.
« Quand on n’a pas beaucoup de cas, c’est beaucoup plus facile de ne pas avoir de transmission, explique Caroline Quach. Mais quand la densité de cas augmente, c’est sûr que ça reprend de plus belle. »
« Et pour être en mesure de rouvrir de façon relativement sécuritaire, répète-t-elle, il faut avoir des tests ou une possibilité de faire un traçage de contacts super efficace. Ça permettrait un déconfinement qui serait moins à risque » d’aggraver la deuxième vague ou de nous replonger dans une troisième.
À distance, masqués et les mains propres
L’autre argument en faveur du « confinement » : la difficulté qu’ont les gens à respecter les mesures de base, comme la limitation des contacts sociaux, la distanciation physique et le port du masque.
« Je pense qu’il y a un certain nombre de gens qui refusent de les suivre, déplore Anne Gatignol. Et si l’un d’eux est contaminé, il peut en contaminer une centaine d’autres. » C’est ce que veulent éviter les autorités en réduisant les possibilités de rencontres sociales.
Les mesures sanitaires fonctionnent pourtant bien et si tout le monde les suivait à la lettre, il serait possible de laisser l’économie rouler sans voir une hausse exponentielle des cas.
« L’idée, c’est d’essayer de toujours rester à 2 mètres et de porter un masque à l'intérieur, réitère Caroline Quach. Puis, quand on est malade, on ne sort pas et quand on pense avoir été en contact avec un cas de COVID-19, on ne prend pas de chances non plus. »
« À ce moment-là, on est capable de continuer à vivre », assure-t-elle.
C’est non seulement la solution pour éviter d’être infecté, mais aussi pour ralentir la pandémie et retrouver un semblant de vie « normale » jusqu'à l'approbation d’un vaccin, la découverte d’un traitement efficace ou encore la disparition tant espérée du virus.
Nous avons demandé à six experts en épidémiologie, en santé publique et en médecine d’urgence d’évaluer le risque associé à chacune des mises en situation, en gardant en tête la difficulté pour eux de se prononcer étant donné la complexité de la situation.
Le risque varie en effet selon plusieurs facteurs, à commencer par la présence ou non d’une personne infectée. Le nombre de personnes, la proximité entre elles et l’endroit où elles sont rassemblées a aussi une influence, tout comme les mesures sanitaires mises en place et leur respect ou non par la population. Chacune des situations a été évaluée individuellement, et non en comparaison avec les autres.
Leurs réponses ont été comparées à des évaluations de risque similaires faites aux États-Unis, notamment par la Texas Medical Association et par un collectif de professeurs des universités de Pennsylvanie, d’Arizona et George Washington.
Les experts de l'Institut national de santé publique du Québec n’ont pas voulu se prêter à ce genre d’exercice, craignant que celui-ci n’« entraîne une baisse de la vigilance de la population lors de la pratique d’activités dont les risques seraient plus faibles, mais tout de même présents ».
Les illustrations, notamment celles montrant des gouttelettes respiratoires et les grilles d’aération, ne se veulent pas une représentation scientifique de la réalité, mais plutôt une évocation des éléments à prendre en considération dans l'évaluation du risque.
Daniel Blanchette Pelletier journaliste, Charlie Debons illustratrice, Melanie Julien chef de pupitre, Francis Lamontagne designer, André Guimaraes développeur, Martine Roy coordonnatrice