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Les urbanistes du Québec veulent décoloniser leurs pratiques

Après plusieurs ordres professionnels du milieu de la santé qui ont décidé d’adopter des lignes de conduite spécifiques à l’égard des Autochtones, c’est au tour des urbanistes de se mettre à l'heure de la décolonisation.

Une maison dans une communauté et du linge étendu sur une corde à l'avant-plan.

Les communautés autochtones ont été dessinées en fonction d'un modèle occidental qui n'est pas forcément adapté aux Autochtones. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

L’Ordre des urbanistes du Québec a publié jeudi sa déclaration sur la contribution de l’urbanisme à une nouvelle relation avec les peuples autochtones. Ce document de huit pages détaille la vision et la volonté de l’Ordre en ce qui concerne ses interactions avec les Autochtones de la province.

Il s’agit là d’une prise de position officielle de l’Ordre, qui souhaite améliorer ses pratiques en matière d’aménagement du territoire afin que les peuples autochtones soient respectés et leurs aspirations prises en compte.

Sylvain Gariépy, le président de l’Ordre, indique en entrevue qu’une réflexion a été entamée dans le contexte de la réconciliation prônée par le gouvernement, notamment.

Il y a certains [sujets] qui sont passés sous le radar, notamment les relations entre les Autochtones et les municipalités, dit-il en précisant qu’il s'agit là de cohabitation et de partage du territoire.

Il souligne d’ailleurs le retard du Québec quant au processus de décolonisation.

Le document que présente l’Ordre des urbanistes du Québec se nourrit de plusieurs autres documents, dont la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), que le Canada a adoptée en 2021, ce que refuse encore de faire le Québec.

L'image d'un livret qui comprend la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Canada a adopté en 2021 la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). (Photo d'archives)

Photo : Onu

L’Ordre fait une liste de ce qu’il reconnaît en ce qui concerne les Autochtones, notamment leur lien fort avec le territoire, présenté comme étant au cœur de l’identité et des revendications des peuples autochtones, tout comme il est au cœur de l’urbanisme.

Ce document souligne également la présence autochtone millénaire. Chaque lieu au Québec fait partie du territoire traditionnel d’une ou de plusieurs nations autochtones, peut-on lire.

L’Ordre appuie aussi une plus grande ouverture d’esprit quant à la reconnaissance des savoirs autochtones ainsi qu'à leur valorisation. En tant qu’habitants millénaires du territoire, les peuples autochtones ont développé des connaissances et des savoirs à son sujet, tout comme des pratiques de gestion de ses ressources propres à eux. La société québécoise gagnerait à apprendre et à s’inspirer des principes de conservation et d’utilisation judicieuse des ressources ainsi que de cohabitation harmonieuse avec la nature, répandus dans les cultures autochtones.

Des garçons dans une salle de classe au pensionnat pour Autochtones de Sainte-Anne.

L'Ordre des urbanistes du Québec souligne la colonisation qu'ont subie les Autochtones. (Photo d'archives)

Photo : Université Algoma / Collection Edmund Metatawabin

Le lien entre l’héritage colonial canadien et l’urbanisme est clairement établi dans le document.

Les pratiques historiques des États canadien et québécois en lien avec la gestion du territoire ont été partie intégrante de cette dépossession.

Une citation de Extrait de la Déclaration sur la contribution de l’urbanisme à une nouvelle relation avec les peuples autochtones de l'Ordre des urbanistes du Québec

L’Ordre va même plus loin en reconnaissant qu’aucune amélioration n’a vraiment été apportée à ce chapitre et que la pratique moderne de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire au Québec n’a guère été plus sensible aux attentes des Autochtones.

Un bon début

Mona Belleau, directrice principale du soutien aux communautés et à la sécurisation culturelle autochtone pour la firme d'urbanisme BC2 et Inuk, estime que cette démarche constitue un bon début.

Les intentions sont là, c'est bien formulé, les termes utilisés sont d'actualité, le vocabulaire est bien choisi. Mais je me demande comment ça peut se traduire concrètement.

Une citation de Mona Belleau
Mona Belleau tout sourire, dehors.

Mona Belleau croit que les Autochtones doivent véritablement participer à l'élaboration des plans d'urbanisme de leurs communautés. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Le texte a été en grande partie rédigé par le conseiller en communication de l’Ordre, qui explique qu’il s’agissait dans un premier temps de prendre position. Il concède que le document n’a pas été cocréé avec les Autochtones mais que des membres qui ont notamment travaillé avec des Autochtones ont été impliqués.

Le document a aussi été transmis à l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. L’APNQL a émis des commentaires de bonification et de choix de vocabulaire, indique David Alfaro Clark, l’auteur de la Déclaration.

Mona Belleau souligne par exemple que lorsque l'Ordre des infirmières et infirmiers a élaboré sa feuille de route pour décoloniser ses pratiques, il a créé un comité d'experts qui incluait plusieurs Autochtones.

Le fait que les communautés soient régies par le gouvernement fédéral et que les lois québécoises en matière d'urbanisme n'y soient pas appliquées est un gros frein à la mise en œuvre concrète de la Déclaration de l'Ordre, selon elle.

Les urbanistes ont-ils un poids suffisant pour mener un travail de lobbyisme auprès du gouvernement?

Lors de la rédaction du projet de loi  16 [qui porte sur la réforme de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme], on a rappelé au gouvernement d’inclure les Autochtones, [parce] qu’il avait des obligations minimales. On a rappelé ça en commission parlementaire, mais nous n’avons pas été écoutés. On est un petit ordre [professionnel], alors on a une importance relative, se désole le président Sylvain Gariépy.

Des croquis et des photos montrent un projet de centre culturel.

La culture autochtone est de plus en plus prise en compte dans l'élaboration de plans d'urbanisme. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

M. Gariépy estime d’ailleurs que la Déclaration est certes ambitieuse, mais il faut préciser qu’il n’aime pas placer la barre bas pour la sauter sans effort. Il faut se mettre au défi, croit-il.

On a des bases ambitieuses, mais je pense qu’il faut l’être un peu. Ça nous tient à cœur et on veut que la Déclaration mène à des actions. Si aucune action n’est [entreprise], ce sera un échec.

Une citation de Sylvain Gariépy, président de l'Ordre des urbanistes du Québec

Concrètement, ce document oblige le conseil d’administration de l’Ordre à faire avancer les choses. La première consiste à reconnaître l’histoire et la réalité des Autochtones, selon l’Ordre.

Sylvain Gariépy sourit.

Sylvain Gariépy est le président de l'Ordre des urbanistes du Québec.

Photo : Gracieuseté : Ordre des urbanistes du Québec

Une formation de sensibilisation d’une journée a également été créée pour les membres avec la présence notamment d’Édith Bélanger, une Malécite diplômée de philosophie de l’Université Laval et de l’ENAP en administration publique en contexte autochtone.

Selon Alfaro Clark, les membres ont globalement bien accueilli le document. Certains ont exprimé des réticences en disant que c’était trop politique et trop militant, d’autres auraient aimé qu’on aille plus loin, explique-t-il.

Un des gros freins à la décolonisation de l'urbanisme, selon Mme Belleau, est l'examen de l'Ordre, qui ne peut être passé qu'en français. Or, 50 % des Autochtones au Québec sont anglophones. Nous avons une collègue mohawk qui a essayé de s’inscrire comme stagiaire et elle s’est fait refuser, car elle est anglophone, dit-elle.

Selon elle, un bon geste concret consisterait à revoir cette politique pour inclure davantage d'Autochtones, donc à leur donner le droit de passer l'examen en anglais. Un rêve en couleur pour Mona Belleau : qu'il soit possible de passer cet examen en innu, en abénakis, en cri...

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