Trois femmes autochtones s’inspirent de la vérité et de la réconciliation, au MBAM

La poète innue Maya Cousineau Mollen, la compositrice anishinabe Barbara Assiginaak et la soprano innue Elisabeth St-Gelais
Photo : MBAM / Festival international de la littérature
Juste en aval du mont Royal, où se déroulera une grande marche à l'occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, le Musée des beaux-arts de Montréal présente le samedi 30 septembre un concert/performance inédit conçu par trois femmes autochtones à partir d'une sculpture et d'un texte de la poète innue Maya Cousineau Mollen.
Intitulée Rien ne tuera ma lumière, comme un fier appel à la résistance poétique, la performance fait partie du Festival international de littérature (FIL). Cette création originale interprétée a cappella par la soprano innue Elisabeth St-Gelais, lauréate du Prix d'Europe 2023 et Révélation Radio-Canada 2023, repose entièrement sur une chanson
composée pour l'occasion par l'Anishinaabe Barbara Assiginaak et écrite par Mme Cousineau Mollen. Il s'agit d'une commande conjointe du FIL et de la Salle Bourgie.
Quand l'organisation a approché l'autrice innue en lui proposant de s'inspirer d'une œuvre du MBAM pour écrire, elle a jeté son dévolu sur une sculpture non pas autochtone, mais du peintre et sculpteur américain George Segal, Femme assise sur un lit (1993).
Ce qui m'a frappée, c'est la solitude qui émanait de cette œuvre grandeur nature
, présente Maya Cousineau Mollen. Le sentiment est largement répandu dans nos sociétés, observe-t-elle, surtout depuis la pandémie. Et il résonne particulièrement dans son enfance. Autochtone adoptée, elle éprouve des difficultés à se faire accepter dans sa communauté, mais aussi auprès de ses camarades allochtones.
La solitude lui offre un terreau fertile pour l'écriture.

George Segal (1924 – 2000), Femme assise sur un lit, 1993, MBAM, achat, legs Horsley et Annie Townsend
Photo : The George and Helen Segal Foundation / sous licence de VAGA at Artists Rights Society (ARS), NY / CARCC Ottawa 2023
L'œuvre monochrome de George Segal lui inspire ces premiers mots que l'on retrouvera dans la chanson/poème : On dit que la solitude sans visage [...]
, et ces derniers : ... au prix de nos vies
.
Au spectateur d'en découvrir la suite.
C'est un poème qui décrit le trauma intergénérationnel des Autochtones se retrouvant en milieu urbain
, complète à son tour la soprano Elisabeth St-Gelais. Pour moi, ça dénonce l'état des Autochtones qui arrivent en ville.
La démarche artistique est différente par le bagage derrière le poème. C'est très particulier, il faut le faire avec cérémonie, il y a quelque chose de sacré derrière.
La création est innervée de toute la charge émotionnelle suscitée par la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, une journée-hommage aux enfants des pensionnats pour Autochtones qui n’ont jamais pu retourner chez eux et aux survivants, ainsi qu’à leurs familles et leurs communautés.
C'est une journée importante pour moi, pour le vivre-ensemble entre Autochtones et Allochtones
, ajoute Mme St-Gelais.
Se réapproprier la langue par l'art
Toutes deux innues, l'interprète et l'auteure viennent de deux communautés différentes, la première de Pessamit, la seconde d’Ekuanitshit. Elles ne parlent pas innu-aimun, mais tentent de renouer avec la langue de leurs ancêtres. Les paroles comprennent d'ailleurs quelques termes traduits par la professeure Yvette Mollen, cousine de Maya.
Autre défi : réapprendre à écrire selon des rimes et un rythme propices au chant. Quand j'ai commencé la poésie, les rimes n'étaient plus à la mode et j'ai changé mon style
, raconte Maya Cousineau Mollen, plutôt habile dans l'exercice puisqu'elle a reçu le Prix du Gouverneur général du Canada 2022 en poésie de langue française avec son recueil Enfants du lichen (Éditions Hannenorak).
Pour se plier à l'art délicat du parolier, elle a suivi les conseils d'un mentor également source d'inspiration
: Richard Séguin.
Les prestations se dérouleront au premier niveau du Pavillon pour la Paix, accessible par l'entrée principale du Musée, samedi à 11 h, 12 h 30 et 14 h. L'événement sera gratuit.