Les autotests de dépistage, une solution pour prévenir le cancer chez les Autochtones
Des médecins plaident pour un meilleur accès à des services de médecine préventive afin de combattre les iniquités qui perdurent au pays en matière de santé.

Des chercheurs veulent améliorer l'accès aux soins préventifs pour les personnes victimes de discrimination.
Photo : Shutterstock / Archives
Pour une personne autochtone qui habite loin des grands centres, obtenir des services de santé spécialisés représente tout un défi. Des chercheurs croient qu'on peut combattre ce problème en dotant ces communautés éloignées de certains outils relativement simples de détection et de prévention des maladies.
Parmi les 16 recommandations qui apparaissent dans un guide publié lundi dans le Journal de l'Association médicale canadienne, une équipe de spécialistes met l'accent sur les autotests pour dépister certains cancers.
Selon le Dr Nav Persaud, un des chercheurs qui ont chapeauté cette étude, les autotests pour le cancer colorectal et pour le cancer du col de l'utérus sont recommandés dans le cas des populations désavantagées, notamment les Autochtones qui habitent dans des régions isolées ou qui ont déjà subi de la discrimination au sein du système de santé
.
L'approche actuelle exige que les personnes prennent rendez-vous pour subir un examen pelvien et un frottis. Mais si une personne a été victime de discrimination en matière de soins de santé, il est peu probable qu'elle soit encline à prendre un rendez-vous. L'autotest du VPH pourrait être un moyen de contourner ce problème.
Dans leur étude, les experts se sont penchés sur les disparités d'accès aux soins préventifs de plusieurs maladies, soit différents types de cancer, des maladies cardiovasculaires, la dépression et les maladies infectieuses.
Le Dr Persaud tient toutefois à préciser que le guide concerne non seulement les peuples autochtones mais aussi toutes les tranches de la population qui sont défavorisées en matière d'accès à des soins préventifs en raison du racisme, du sexisme et de la discrimination.
Par exemple, on y trouve les personnes racisées, les personnes qui se désignent comme 2SLGBTQI+ (bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer ou en questionnement et intersexuées), les personnes en situation de handicap et celles à faible revenu.
Ce qui nous a motivés à rédiger ces recommandations, c'est que nous savons qu'il existe des inégalités lorsque nous parlons de santé. Notre système peut être plus réactif envers les personnes aux prises avec ces désavantages
, affirme M. Persaud, qui est également professeur adjoint à la faculté de médecine familiale de l'Université de Toronto.
Il se dit également bien au fait des preuves
qui existent en matière de pratiques discriminatoires envers les Autochtones au sein du système de santé.
On ne parle pas de soins de luxe mais bien de soins de base dont les gens ont besoin. C'est une simple question de droits de la personne.
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Tuberculose : une visite au lieu de deux
L'étude souligne également que les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuit sont plus susceptibles d'être infectés par la tuberculose, un fléau dans certaines communautés autochtones.
Cette maladie est d’ailleurs un exemple typique d’un problème de santé lié aux circonstances sociales, selon les signataires du texte paru dans le Journal de l'Association médicale canadienne.
Faire partie d’une population avec une incidence élevée de tuberculose est le principal facteur de risque d’infection tuberculeuse latente.
En plus de rendre les tests de dépistage plus accessibles, le Dr Persaud recommande également le dépistage par une prise de sang plutôt qu'avec un test cutané. Cette dernière option requiert deux visites chez le médecin et est moins précise qu'une analyse sanguine qui, elle, ne requiert qu'une rencontre avec un professionnel. Cela contribuerait à diminuer le nombre de visites chez le médecin, souligne le Dr Persaud.
Les chercheurs soulignent aussi que la mortalité et la morbidité liées à la tuberculose sont plus élevées parmi certains groupes défavorisés, notamment les personnes incarcérées ou sans domicile fixe, deux catégories sociales où les peuples autochtones sont surreprésentés.
Au Québec, selon le dernier dénombrement effectué en 2022, les Autochtones représentaient 13 % des sans-abris, soit cinq fois plus que leur proportion dans l’ensemble de la population. Au Canada, ils demeurent surreprésentés dans la population carcérale. Par exemple, en Saskatchewan, le taux d’incarcération des Autochtones est le plus élevé, soit 17,7 fois plus que le reste de la population.
L'étude s'est également penchée sur les inégalités en matière d'accès aux soins dentaires. Par exemple, 21 % des Autochtones sont moins susceptibles d'être allés chez le dentiste au cours de la dernière année, comparativement aux non-Autochtones.
Le groupe à l'origine de cette étude a toutefois tenu à souligner que la santé des Autochtones pourrait être spécifiquement abordée dans le cadre d’un processus dirigé par les Autochtones et axé sur les soins préventifs pour les peuples autochtones, ce qui n’était pas le cas du nôtre, même si nos recommandations pourraient profiter à de nombreux groupes défavorisés
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