Après trois tentatives, un Abénakis obtient l’autorisation de reprendre son nom ancestral

Henri O’Bomsawin
Photo : Gracieuseté
Jamais deux sans trois. Le Directeur de l'état civil du Québec a récemment accepté la demande d’Henri O’Bomsawin (anciennement Henri Grenier) pour qu’il reprenne son nom ancestral abénakis. « Un aboutissement après tant d'années à porter un nom qui n'avait pas de sens pour moi et qui ne reflétait pas mon héritage », souligne le principal intéressé dans un communiqué.
M. O’Bomsawin, maintenant âgé de 83 ans, avait déposé deux demandes de changement de nom en 1996, lesquelles avaient été rejetées selon le principe de stabilité et de continuité
. Sa troisième tentative, qui s'est conclue positivement, a toutefois pris près de deux ans
avant d’aboutir, raconte son avocat, Alexis Wawanoloath. L'avocat dénonce un processus long, complexe et parfois déroutant
.
M. Wawanoloath explique en entrevue avoir dû envoyer plusieurs documents aux autorités, comme une résolution d'appui du Conseil des Abénakis d’Odanak, une lettre du chef en faveur du changement de nom, ainsi qu'une déclaration de l'ancienne registraire de la communauté.
On parle d’une preuve quand même assez exhaustive pour quelque chose qui, selon nous, devrait être assez simple. On parle de quelqu'un qui veut retrouver son nom ancestral.
Au cours du dernier siècle, plusieurs Autochtones ont vu leurs noms de famille remplacés après avoir été placés dans un pensionnat ou en adoption. D’autres ont volontairement modifié leur patronyme pour ne plus subir de racisme ou de discrimination
, précise l'avocat.

L'avocat et ancien député à l'Assemblée nationale, Me Alexis Wawanoloath. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Mélanie Picard
Dans un communiqué, M. O’Bomsawin considère ce changement de nom comme une reconnaissance de notre héritage culturel ancestral et un pas important pour la valorisation de notre identité abénakise pour les générations futures
.
Il s'agit d'une sorte de résistance contre l'assimilation et l'effacement culturels. Mon client voit aussi cela comme une guérison intergénérationnelle, ainsi que la création d'un meilleur sentiment d'appartenance à sa communauté
, soutient M. Wawanoloath.
Pas considéré comme un motif sérieux
Selon l'état civil, un motif sérieux doit justifier une demande de changement de nom. Par exemple, le nom de la personne doit lui porter préjudice. Un nom d'origine étrangère trop difficile à prononcer ou à écrire dans sa forme originale peut également compter comme motif.
Le désir de reprendre son nom autochtone ancestral devrait être considéré comme un motif sérieux au sens de la loi. [...] Notamment dans le contexte actuel où le gouvernement du Québec affirme s'engager sur la voie de la réconciliation avec les peuples autochtones.
Depuis 2022, le Directeur de l’état civil permet aux Autochtones dont le nom a été changé dans le cadre de leur passage dans un pensionnat une exemption des frais s'ils en font la demande. Toutefois, M. Wawanoloath précise que cela ne les exempte pas de devoir aussi prouver un motif sérieux selon le Code civil.
Il avait peur de mourir sans avoir eu son vrai nom
Cette grosse victoire
encourage également les trois filles de M. O’Bomsawin à faire de même.
On attendait que notre père ait eu son changement de nom avant de faire la demande. On le sait depuis notre enfance que ce n'est pas notre vrai nom de famille et on a hâte [de le changer].
La femme de 58 ans ajoute que son paternel est très heureux
de la décision et qu'il avait peur de mourir sans avoir eu son vrai nom
.
Par le biais d'une lettre, la famille de M. O’Bomsawin a d'ailleurs interpellé le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, ainsi que le ministre de la Justice du Québec et les partis d'opposition, pour demander à ce que le souhait de reprendre son nom ancestral soit considéré comme un motif sérieux en vertu de la loi.