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Plusieurs obstacles à l’avortement pour les Autochtones, selon une étude canadienne

Une personne est assise sur une civière.

Dans le cadre du Projet Fireweed, des chercheuses ont voulu savoir ce qui façonne les expériences des personnes autochtones relativement à l'accès à l’avortement au Canada.

Photo : getty images/istockphoto / romankosolapov

Isolement géographique, stigmatisation à l’extérieur et à l’intérieur de leur communauté, mauvais traitements par les prestataires de soins et perte des savoirs traditionnels en matière d’interruption de grossesse… Les Autochtones rencontrent plusieurs obstacles dans l'accès à l'avortement et ceux-ci sont étroitement liés au colonialisme, constatent des chercheuses de l’Université de Victoria.

Pour cette étude préliminaire publiée en avril, 15 personnes autochtones provenant de neuf provinces et territoires, membres de sept Premières Nations et ayant eu recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG) ont accepté de se confier.

Dans le cadre de leur Projet Fireweed, les chercheuses ont voulu savoir ce qui façonne les expériences des Autochtones relativement à l'accès à l’avortement au Canada.

Leur premier constat : elles font face à des barrières géographiques et financières.

Environ 60 % des Autochtones au Canada vivent dans des milieux ruraux. Une des personnes participantes à l'étude, qui habite à Terre-Neuve, raconte que la seule clinique se trouvait à huit heures en voiture de chez elle et qu'elle n'avait pas l'argent pour s'y rendre.

Une autre personne interrogée, qui réside dans le nord du Manitoba, déplore qu'aucune clinique d'avortement ne se trouve dans sa région. Il faut aller dans le sud de la province, prendre un autobus de nuit, et c'est terrible. Je ne le recommanderais pas aux femmes qui viennent d'avoir ce type de soin.

Outre cet isolement géographique, les Autochtones qui ont recours à l'IVG font face au racisme et aux stéréotypes, tant par la société que par les prestataires de soins.

Il y a des préjugés selon lesquels les jeunes femmes autochtones sont plus sexuellement actives et irresponsables. [...] Il y a un stress additionnel. Elles demeurent hyper vigilantes, car elles savent comment elles sont représentées.

Une citation de Willow Paul, coordonnatrice à la recherche au Projet Fireweed

Ces stéréotypes se traduisent parfois par de mauvais traitements. La codirectrice du projet, Astrid V. Pérez Piñán, relate l’histoire d’une des personnes interviewées qui s'est fait poser un stérilet pendant son avortement, et ce, sans son consentement.

D'autres pensent que le fait que leur apparence physique évoque celle des Occidentaux (white-passing) les a protégées du racisme et de la discrimination.

Deux personnes se tiennent debout.

Les codirectrices du Projet Fireweed, Renée Monchalin (à droite) et Astrid V. Pérez Piñán

Photo : UVIC PHOTO SERVICES

Quelques personnes ont dit qu'elles se seraient senties plus à l'aise si le processus avait été réalisé par quelqu'un issu des Premières Nations, mais d'autres ont estimé que cela n'aurait pas fait une grande différence, puisque certains prestataires de soins auraient internalisé les croyances religieuses et coloniales autour de l'avortement, explique Renée Monchalin, la codirectrice du Projet Fireweed.

Le colonialisme et la religion catholique ont créé beaucoup de honte et de stigmatisation autour du sujet de l’avortement. [...] Mais les Autochtones ont toujours géré leur santé reproductive, et ce, sans l'aide des Européens.

Une citation de Renée Monchalin, codirectrice du Projet Fireweed

Savoir traditionnel perdu

Les histoires orales et les archives révèlent que les contraceptifs et les abortifs étaient autrefois courants au sein des communautés autochtones, ont appris les chercheuses. Une des personnes participantes leur a d'ailleurs mentionné une plante abortive (fire weed) qui était traditionnellement utilisée par les soignants.

Cette médecine traditionnelle était pourtant méconnue de la plupart des personnes interrogées. C’était la première fois qu’elles en entendaient parler. Mais elles ont toutes dit qu’elles auraient préféré le savoir, car elles se seraient senties beaucoup plus en paix avec leur décision, relate Willow Paul, une chercheuse qui a contribué à l'étude.

C’est intéressant, mais aussi triste de voir que la colonisation a déterminé quelles étaient les valeurs traditionnelles et celles qui ne l’étaient pas, affirme de son côté Astrid V. Pérez Piñán. Elle évoque l’histoire d’une personne interviewée dont la famille lui a inculqué que le rôle des femmes est d’élever les enfants. Pourtant, ce n'est pas une façon traditionnelle de voir les choses. [Ces mentalités] ont été imposées par la colonisation, soutient la chercheuse.

Une personne participante se désole que l'avortement soit devenu tabou chez les peuples autochtones.

Malheureusement, dans ma culture, on entend beaucoup que "les avortements ne se sont jamais produits, nous n'avons pas fait d'avortements, les avortements sont un péché"... je pense que cela vient vraiment des idéologies coloniales chrétiennes catholiques, des colons.

Une citation de Une personne participante à l'étude

Cinq autres ont d’ailleurs recommandé que ces savoirs, pratiques et enseignements traditionnels (plantes médicinales, rituels de naissance, guérisseurs) soient intégrés dans l'expérience de soins d'avortement.

Avec le Projet Fireweed, Renée Monchalin espère améliorer l'écart d'accès à l'avortement au Canada et sensibiliser la population [aux obstacles que rencontrent les Autochtones].

Même si l'avortement est légal au Canada, les gens assument que c’est accessible à tout le monde, ajoute-t-elle.

Pour compléter cette étude préliminaire, les chercheuses ont récemment mené 40 autres entrevues et prévoient s’entretenir avec des prestataires de services. Elles comptent soumettre à l'hiver une nouvelle publication avec l'analyse de leurs données.

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