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« Notre territoire ne doit pas devenir un dépotoir radioactif »

Imaginez qu'un projet de dépotoir de déchets radioactifs soit sur les rails à moins d'un kilomètre de chez vous. C'est ce qui arrive aux Anishnabeg, qui s'opposent fortement à la démarche. Et ils sont prêts à aller jusqu’au bout.

Affiche avec un symbole de radioactivité. Il est écrit « Zone surveillée. Accès réglementé ».

Cela fait six ans que le projet de stockage est sur les rails. (Photo d'archives)

Photo : Reuters / Benoit Tessier

« Notre territoire ne doit pas devenir un dépotoir radioactif. » La détermination de Lance Haymond, chef de la communauté de Kebaowek, à près de 400 kilomètres au nord-ouest d’Ottawa, est éloquente.

Il n’est pas question que le gouvernement du Canada autorise l’installation d’un site de déchets radioactifs à moins d’un kilomètre de la rivière Kichi Sibi (rivière des Outaouais en anishnabemowin), soutient le chef, qui dit avoir l'appui de l’ensemble de la communauté.

Une route et une grande affiche vues au travers d'une clôture métallique.

Des non-Autochtones soutiennent les Anishnabeg dans ce combat. (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Selon lui, beaucoup de gens ne comprennent pas l’opposition de sa communauté à ce projet qui doit se tenir à Chalk River, 200 kilomètres au sud. Mais le territoire des Anishnabeg ne se résume pas à la réserve.

Kebaowek partage d’ailleurs ces lieux avec la communauté de Kitigan Zibi.

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un tapis fait tomber des roches sur un tas dans une mine

Comme un rappel entre les lignes de cette sédentarisation forcée des Autochtones de tout le pays qui se sont retrouvés dépourvus de leur grand territoire, le chef rappelle que son peuple nomade ne se cantonnait pas à une petite parcelle de terre avant la colonisation.

Une animation montrant des panaches radioactifs sur le site de Chalk River.

Le site de Chalk River comprend déjà plusieurs fosses où sont entreposés des déchets radioactifs. Des panaches de strontium 90 (en mauve) et de tritium (en vert) s’échappent de celles-ci. (Animation d'archives)

Photo : Radio-Canada / Christian Goupil

Nous sommes toujours des chasseurs, des pêcheurs, des trappeurs et des cueilleurs de baies, ajoute le chef, qui explique que les membres de la communauté parcourent encore le territoire pour leurs activités traditionnelles.

Je me demande ce que le premier ministre dirait si on projetait de construire, à un kilomètre de sa maison, un site de gestion des déchets.

Une citation de Le chef Lance Haymond

Le projet ne date pas d’hier. Il y a six ans, les Laboratoires nucléaires canadiens ont approché la Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) pour la construction d’un site pouvant stocker un million de mètres cubes de déchets faiblement radioactifs.

Une animation du dépotoir nucléaire proposé à Chalk River.

L’installation proposée – de 18 mètres de haut et d’une superficie de 16 hectares – comprendra dix cellules pouvant accueillir jusqu’à un million de déchets faiblement radioactifs. Une fois rempli, le monticule sera recouvert d’une géomembrane. (Animation d'archives)

Photo : Radio-Canada / Christian Goupil

Les Laboratoires nucléaires canadiens sont gérés depuis 2016 par SNC-Lavalin et quatre multinationales anglo-américaines. Le projet prévoit la construction d’un monticule de déchets radioactifs qui ne seraient pas enfouis profondément sous terre, mais plutôt déposés sur les flancs d’une colline dans une installation d’une superficie de 16 hectares.

L’installation doit rester étanche pendant les 500 prochaines années, le temps, dit la Commission, que la majorité des déchets à l’intérieur du site perdent leur radioactivité.

Mais les opposants s'inquiètent surtout de la petite quantité d’isotopes de longue vie à l’intérieur du monticule. Le plutonium 239, par exemple, demeure radioactif pendant des dizaines de milliers d’années.

Le chef Haymond raconte qu’il recevait des lettres l’informant du projet et de son évolution. Il répondait vouloir une vraie négociation. L’an dernier, il a appris que la CCSN allait donner l’autorisation de construction du site à Chalk River.

La rivière des Outaouais est bordée d'arbres.

La rivière des Outaouais est appelée Kichi Sibi par les Anishnabeg. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Pier Gagné

Nous avons présenté des preuves comme quoi ils avaient échoué dans leurs obligations de consultation et nous avons eu un délai supplémentaire pour présenter nos arguments, dit-il.

Durant ces quelques mois, la communauté a envoyé des équipes pour évaluer le territoire qui serait potentiellement touché. Cette analyse sera présentée le 10 août prochain à la CCSN.

Le document, dont Espaces autochtones a pu consulter le résumé de 19 pages, présente tous les impacts que le projet risque d’avoir sur le territoire des Anishnabeg. Il fait état de la présence d’une riche faune (ours, chevreuils, poissons, loups) et d’une flore importante. M. Haymond explique que ces études ont été faites en collaboration avec des scientifiques nucléaires, entre autres.

En rouge, le site prévu pour le dépotoir nucléaire de Chalk River, qui est situé à quelques centaines de mètres de la rivière des Outaouais.

En rouge, le site prévu pour le dépotoir nucléaire de Chalk River, qui est situé à quelques centaines de mètres de la rivière des Outaouais. (Photo d'archives)

Photo : Rapport de Laboratoires nucléaires canadiens

Le chef déplore que le nucléaire apparaisse comme une solution pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre alors que les déchets que ce système de production d’énergie produit sont néfastes pour l’environnement, et ce, pour des dizaines de générations.

On fait croire aux gens que le nucléaire est bon, mais c’est faux. On reste pris avec les déchets radioactifs. On a besoin de plus d’éoliennes et de panneaux solaires, par exemple.

Une citation de Le chef Lance Haymond

Il aurait souhaité que la CCSN voie si d’autres options de localisation seraient plus appropriées. On est opposés au fait que le gouvernement canadien, par l'intermédaire de cette agence, mette en péril les communautés autochtones, sans compter les municipalités et les villes qui sont aussi concernées, ajoute encore le chef Haymond.

Le chef souligne également que la situation actuelle va à l’encontre de l’article 29 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui stipule que les États prennent des mesures efficaces pour veiller à ce qu’aucun stockage ou traitement de matières dangereuses n’ait lieu sur les terres ou territoires des peuples autochtones sans leur consentement libre, préalable et éclairé.

Le chef se demande comment le gouvernement du Canada va implanter cet article.

Le dossier de l’évaluation environnementale et de l’autorisation d’une installation de gestion des déchets près de la surface [à] Chalk River est assujetti au processus d’audience publique de la Commission, un tribunal quasi judiciaire, répond la CCSN qui ajoute que ses pratiques en matière de consultation sont conformes aux pratiques exemplaires du gouvernement fédéral.

On va continuer de s’opposer à ce projet et, s’il se concrétise, on va étudier nos options légales. Poursuivre le gouvernement pour mauvaises consultations, par exemple, indique le chef, qui se dit aussi prêt à manifester sur le terrain. Nous sommes sérieux à propos de notre opposition à ce projet, prévient-il.

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