Jody Wilson-Raybould critique l’engagement d’Ottawa envers les Autochtones
En 2021, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) visant l'implantation de cette charte onusienne dans toutes les sphères du contexte juridique canadien a reçu la sanction royale. Deux ans plus tard, un plan d'action détaillé réalisé en collaboration avec les Premières Nations a été dévoilé pour sa mise en œuvre.

L’ancienne ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould
Photo : Radio-Canada / Ben Nelms
« Le plan d'action, ce sont 72 pages de belles paroles et de démonstrations d'ouverture. Mais le tout est également élaboré pour fournir plusieurs portes de sortie pour Ottawa, et aucun engagement concret n'est pris pour l'instant qui apportera des changements tangibles au sein des communautés ».
C'est ainsi que la première personne autochtone à occuper le poste de ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, décrit la vision du gouvernement Trudeau, duquel elle s'est fait expulser en avril 2019 dans la foulée de l'affaire SNC-Lavalin.
Selon Mme Wilson-Raybould, le document produit par le cabinet de son successeur à la Justice, David Lametti, est typique des manières de procéder du Canada lorsque vient le temps de collaborer et d'améliorer la condition des Premières Nations au pays.

Lors de son allocution, Jody Wilson-Raybould a voulu vulgariser le langage juridique complexe de l'entente pour mettre en garde les chefs contre les stratégies d'Ottawa.
Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture
Je le voyais bien lorsque j'étais au conseil des ministres. Le fédéral prône l'utilisation d'un vocabulaire qui semble montrer une grande ouverture, mais qui laisse place à l'interprétation et qui permet aux négociateurs de faire traîner les procédures. Il n'y a rien de concret, pas de dates butoirs. C'est subtil, ce qu'ils font
, a-t-elle expliqué à l'occasion de la dernière journée de l'assemblée générale annuelle de l'Assemblée des Premières Nations (APN), principalement consacrée à la question de l'avancement de la loi sur la DNUDPA.
Il y a quelques mois, l'APN avait formulé des critiques envers la direction que prenait le plan d'action. Celles-ci semblaient, pour la plupart, avoir été prises en compte. La Loi sur la DNUDPA a le potentiel de changer complètement le contexte juridique canadien en ce qui concerne les Autochtones.
Nous avons travaillé en consultation avec les Premières Nations et les Inuit dans l'élaboration de ce plan, dont la portée revêt une importance capitale
, s'est défendu David Lametti lors de sa présentation à Halifax.
Le processus entamé est immense; nous devons modifier ou remplacer toutes les lois fédérales qui pourraient toucher de près ou de loin aux Premières Nations. Quiconque prétend que ce sera facile ou rapide n'est pas réaliste.

Le ministre Lametti a expliqué le processus de mise en œuvre de son plan d'action de la DNUDPA. Il a dû répondre aux critiques formulées par sa prédécesseure au conseil des ministres, Jody Wilson-Raybould.
Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture
Pour Jody Wilson-Reynould, l'implantation de la DNUDPA ne doit être vue que comme une première étape qui permettra aux Premières Nations d'avoir accès à un minimum de droits et de dignité.
Même si on parvient à l'implanter correctement et à faire respecter ses principes au Canada, ce n'est pas une finalité. Les Premières Nations doivent être placées dans une situation qui leur permet de s'épanouir, elles, leurs langues et leurs cultures
, explique-t-elle.
Durant l'assemblée générale annuelle de l'APN, les chefs ont l'occasion après chaque présentation d'avoir un temps de parole pour commenter le dossier à l'étude. Plusieurs en ont profité pour souligner l'analyse de Mme Wilson-Raybould ainsi que l'apport important qu'elle pouvait avoir dans les discussions entre les Premières Nations et le fédéral.
L'APN n'a pas de chef élu depuis la destitution de RoseAnne Archibald le 28 juin. Or, plusieurs voient en Jody Wilson-Raybould le potentiel d'une cheffe nationale qui connaîtrait et comprendrait autant le milieu politique fédéral qu'autochtone. C'est sans compter le fait qu'elle a été cheffe régionale de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique de 2009 à 2015.
Le parcours en politique fédérale de Jody Wilson-Raybould s'est terminé dans la controverse à la suite de l'affaire SNC-Lavalin, durant laquelle elle a affirmé avoir subi des pressions – notamment de la part du bureau du premier ministre – pour abandonner une poursuite pénale contre la firme d'ingénierie.
Rien n'est joué cependant, et aucune annonce n'a été faite pour l'instant concernant un potentiel intérêt de Mme Wilson-Raybould pour le poste. L'APN a annoncé que la prochaine élection aurait lieu en décembre.
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