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Autochtones et SOPFEU, un mariage essentiel à la protection du territoire

Les flammes continuent de dévorer des hectares de forêts au Québec, où la saison des feux connaît un début infernal. Pendant que pompiers, combattants auxiliaires et gestionnaires s’évertuent à maîtriser les incendies, des centaines de volontaires sont formés à la hâte par la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Parmi eux, de nombreux Autochtones que nous avons rencontrés.

Beaucoup de personnes marchent sur un chemin de gravier.

Plus de cinquante volontaires suivent en même temps la formation accélérée de 2 jours et demi à Duchesnay pour aller prêter main-forte aux pompiers déployés sur les lieux des feux de forêt. 21 Atikamekw de Manawan sont du lot.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

L'ambiance est fébrile à l'école de foresterie de Duchesnay, près de Québec, où une soixantaine de personnes suivent une formation accélérée de combattants auxiliaires de la SOPFEU, dans le but d'aller prêter main-forte à ceux qui tentent de maîtriser les feux de forêt. Parmi ceux-ci, 21 Atikamekw de Manawan qui n'ont pas hésité à tout laisser derrière afin de se porter à la défense du territoire.

Au début de la saison, avant que tous les feux ne se déclarent, nous avions fait un partenariat avec la SOPFEU pour que plusieurs de mes travailleurs forestiers soient formés pour être combattants auxiliaires sur les feux de forêt, au cas où, explique Jean-Roch Ottawa, directeur général des Services forestiers et territoriaux de Manawan.

Depuis quelques années déjà, la SOPFEU et plusieurs communautés autochtones étaient en communication pour créer des partenariats afin de contribuer à la défense du territoire. Des partenariats essentiels, selon la coordonnatrice à la formation, Ysabelle Fiset.

Sur le terrain, ça nous fait plus de bras, ce qui est toujours bien, mais au-delà de ça, on souhaite tisser des liens pour profiter de leur expérience et de leurs connaissances des territoires, qui sont incroyables.

À travers les discussions que j'ai eues, j'ai bien vu que les populations autochtones n'ont pas le même rapport avec la forêt, avec le feu. On a tellement à apprendre d'eux, mais avec tout ce qui s'est passé, on doit s'assurer de le faire à leur rythme.

Une citation de Ysabelle Fiset, coordonnatrice à la formation de la SOPFEU
Plusieurs personnes dans un autobus posent.

La coordonnatrice Ysabelle Fiset avec le groupe venant de Manawan.

Photo : Ysabelle Fiset

Les communautés autochtones face aux feux de forêt

Consulter le dossier complet

Feu de forêt avec fumée et flammes, près d'une rivière, le 15 mai 2023, à Hay River, aux Territoires du Nord-Ouest.

Actuellement, la collaboration avec Manawan s'avère bien utile, car une quinzaine de combattants formés ce printemps sont déjà sur le terrain pour combattre les feux. Mais devant le caractère exceptionnel de la situation, les besoins ont rapidement crû.

J'ai lancé un appel de mobilisation sur Facebook pour voir s'il y avait des volontaires à Manawan, et j'ai rapidement eu des dizaines de réponses, explique Jean-Roch Ottawa. Il a même fallu faire un peu de sélection, parce que la SOPFEU n'avait pas les moyens de former autant de monde en même temps.

Le parcours ayant mené les 21 personnes vers cette formation varie, mais tous ont à cœur de contribuer à l'amélioration de la situation. À ce stade-ci, dans plusieurs régions, plus du quart des combattants auxiliaires sont issus des communautés autochtones, alors qu'ils représentent un peu moins de 3 % de la population du Québec.

Il y a un peu plus d'une semaine, Tobie Petiquay a fait partie d'un petit groupe de Manawan qui est allé aider des pompiers de la SOPFEU à combattre les flammes à environ 30 km de la communauté.

Tobie Petiquay sur un terrain.

Tobie Petiquay a déjà une petite expérience de combattant auxiliaire, mais la formation permettra de consolider ses connaissances et de le rendre plus efficace.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

C'était impressionnant de voir les flammes, le sol était chaud et la forêt, dévastée. C'est vraiment important de limiter les dégâts, parce que, dans une forêt brûlée, il y a beaucoup moins d'animaux et de variété de plantes et d'arbres...

Une citation de Tobie Petiquay

Comme plusieurs de ses compagnons, c'est un mélange d'excitation et d'appréhension qui l'anime, alors qu'il se retrouvera vite à nouveau devant les flammes.

Matna Ottawa-Dubé, lui, était déjà pompier volontaire aux services d'incendie de la communauté, en plus de travailler à l'école secondaire de Manawan, mais il voulait en faire plus.

Puisqu'on approche de la fin de l'année scolaire, avec les examens, j'avais un peu plus de temps, alors je voulais venir aider. J'ai de l'expérience pour combattre des incendies de maisons, mais dans la forêt, c'est différent! C'est intéressant d'apprendre avec la SOPFEU comment il faut s'y prendre.

C'est super d'être nombreux de la communauté à avoir répondu à l'appel, mais c'est aussi bien de constater que la collaboration avec tout le monde se passe bien.

Une citation de Matna Ottawa-Dubé, pompier volontaire dans la communauté de Manawan

Une formation accélérée

En temps normal, la SOPFEU offre des formations pour devenir combattant auxiliaire d'une durée de 4 jours à des groupes d'environ 25 personnes.

La cohorte actuelle est composée de près de 60 personnes qui devront suivre le même contenu en seulement 2 jours et demi.

Il a fallu allonger les journées de cours, mais nous y arrivons. Ils devraient tous avoir les acquis nécessaires pour être déployés sur le terrain, à l'exception des manœuvres liées au transport en hélicoptère, qu'ils apprendront lors de leur premier déploiement, explique Ysabelle Fiset.

Selon la structure de la SOPFEU, un pompier formé comme chef d'équipe doit être disponible pour encadrer trois ou quatre combattants auxiliaires. L'organisation compte actuellement 250 pompiers capables de le faire.

Au début de la saison, il nous manquait environ 200 combattants auxiliaires, entre autres en raison de la pénurie de main-d'œuvre, explique Mme Fiset. La saison dernière nous a également joué un tour, parce qu'il n'y a pratiquement pas eu de feux.

Plus de 350 personnes ont été formées en une semaine au Québec, chose qui aura nécessité une organisation assez incroyable.

Des cohortes de 60 personnes, on n'a jamais vu ça. C'est tellement beaucoup de logistique, il faut qu'ils sachent comment rester en sécurité, il faut les nourrir, leur fournir du matériel, c'est tout un branle-bas de combat, explique la coordonnatrice.

Il faut se souvenir que, derrière les feux de forêt, ce sont les humains qui importent le plus, les évacués, les combattants, tous ceux qui font des sacrifices. La plupart de ceux qui sont ici risquent de passer la majeure partie de leur été dans des camps forestiers à travailler plus de 10 heures par jour, ajoute-t-elle.

L'expérience varie parmi ceux qui suivent la formation et, dans un contexte accéléré, les plus habitués constituent une aide précieuse.

Dans le groupe venant de Manawan, on compte William Ottawa, qui a déjà travaillé comme combattant auxiliaire de 2010 à 2015. Il peut aider ses compagnons dans la formation et, au besoin, clarifier certaines directives en atikamekw.

7 personnes installent une motopompe près d'une petite rivière.

William Ottawa, au centre gauche, a déjà travaillé plusieurs années sur les feux et agit donc un peu comme un mentor du groupe de Manawan. Ici, il donne des directives sur l'utilisation de la motopompe.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

Je suis bien content à l'idée d'être de retour sur les feux, la situation est tellement grave cette année, et pour plusieurs membres de la communauté, la forêt est carrément le garde-manger, explique-t-il.

Dès vendredi, la plupart prendront la route de Roberval, d'où ils seront ensuite dépêchés vers les différents incendies, selon les besoins.

Une perspective à la fois palpitante et stressante, selon Dalya-Kate Moar-Stubbert, l'une des trois femmes de Manawan qui iront sur le terrain. Celle qui risque de passer l'été dans le bois à combattre des feux avec tout l'inconfort qui en résulte prend les choses avec philosophie : elle considère cette éventualité beaucoup moins anxiogène que l'idée de rester à l'intérieur.

Dalya-Kate Moar-Stubbert avec une lance d'incendie.

Dalya-Kate Moar-Stubbert à l'entraînement, lors de la formation à Duchesnay.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

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