Une Innue face aux sénateurs : « qu’on nous raconte la vraie histoire »
Une jeune femme de Pessamit est allée se faire le porte-voix des jeunes Autochtones au sujet de l'éducation.

La jeune femme de 34 ans tient aussi un blogue dans lequel elle confie ses états d'âme.
Photo : Gracieuseté : Audrey-Lise Rock-Hervieux
C’est en innu-aimun qu’Audrey-Lise Rock-Hervieux a commencé à s’adresser aux sénateurs à Ottawa. La jeune femme originaire de Pessamit (Côte-Nord) faisait partie des huit jeunes venus dans la capitale pour faire entendre leurs voix devant le comité sénatorial permanent des peuples autochtones.
Audrey-Lise se rendait pour la première fois à Ottawa. Dans le train, elle a pris le temps de repenser à son discours, à bien l’articuler, pour faire passer son message.
Le sujet abordé lors de cette rencontre était l’éducation.
Quand j’ai vu l’annonce et surtout le thème, je me suis dit que ce serait une opportunité pour parler de mon point de vue, mais aussi de celui des jeunes en général
, a raconté la jeune femme quelques heures avant son passage devant une dizaine de sénateurs.

Audrey-Lise Rock-Hervieux a décidé d'ouvrir son discours en innu-aimun.
Photo : Gracieuseté : Audrey-Lise Rock-Hervieux
Audrey-Lise a ainsi pris les devants et elle est allée à la rencontre de jeunes Autochtones pour leur demander leur avis, leurs aspirations, leurs commentaires. Elle allait se faire le porte-voix de sa génération.
La jeune femme considère que les cours d’histoire du Canada et du Québec sont clairement incomplets.
En 2023, il faudrait que les mentalités changent. Qu’on nous raconte la vraie histoire des Premières Nations. Qu’on ne soit pas considérés comme les méchants et qu’on montre plutôt la beauté de notre culture.
Plus question de se faire imposer un quelconque programme scolaire non plus. Ces programmes que les Autochtones n’ont jamais demandés
, croit Audrey-Lise.
D’ailleurs, en tant qu’étudiante en gouvernance autochtone et pour devenir gardienne du territoire, l’Innue a pu expérimenter de suivre des cours en forêt, dans le territoire traditionnel de Pessamit.

Plusieurs jeunes sont venus de tout le Canada pour exprimer leurs revendications.
Photo : Gracieuseté : Audrey-Lise Rock-Hervieux
J’ai pris conscience de la nécessité d’avoir une éducation ancrée dans notre territoire et nos valeurs ancestrales
, a-t-elle dit devant les sénateurs avant de plaider pour une université autochtone, en territoire. Ce serait mon plus grand rêve
, a-t-elle confié à Espaces autochtones.
Elle a aussi ajouté, devant le comité sénatorial, l’impératif pour le gouvernement de décoloniser l’éducation en étant notamment à l’écoute de [nos] réels besoins. Commençons à travailler ensemble!
À la fin de sa première journée au Sénat, et la veille de vider son cœur, Audrey-Lise avait eu l’occasion de visiter la résidence de la gouverneure générale et de penser un peu à son lendemain.
Je me sens bien, c’est un bon stress. Peut-être que mon message ne sera pas entendu par tout le monde, mais si je peux rejoindre au moins une personne, ce sera un grand pas
, a-t-elle confié.
Espace autochtones a pu s’entretenir avec Audrey-Lise jeudi, au lendemain de son intervention avec les sept autres Autochtones invités au Sénat.

La sénatrice Michèle Audette était présente dans ce comité sénatorial des peuples autochtones.
Photo : Radio-Canada / Alexandre Milette-Gagnon
Ça s’est super bien passé. J’étais très nerveuse, mais j’ai livré un discours de façon efficace
, dit-elle.
Elle explique aussi pourquoi elle a voulu commencer son allocution en innu-aimun. C’est important de mettre en avant les langues autochtones. On parle souvent du français qui doit être protégé, mais on oublie que les langues autochtones doivent aussi l’être
, relève-t-elle.
Elle a d’ailleurs mentionné le lien qui existe, selon elle, entre l’éducation et la langue devant les sénateurs.
La jeune femme confie aussi avoir été stressée par les questions des sénateurs et sénatrices qui ont suivi son intervention.
Le lendemain de son passage au Sénat, elle se sent fatiguée et a hâte à une seule chose : revoir ses enfants.