Les feux de forêt peuvent être « une expérience traumatisante » pour les Autochtones

Un feu de forêt en Saskatchewan en mai 2023.
Photo : Saskatchewan Public Safety Agency
Les feux de forêt qui continuent de faire rage dans le nord de la Saskatchewan, en Alberta, au Québec et en Ontario ont des impacts conséquents sur de nombreuses communautés autochtones, dont les membres peuvent éprouver une certaine détresse psychologique.
Pour le vice-chef du Conseil tribal de Meadow Lake, en Saskatchewan, Richard Derocher, les évacuations liées aux feux sont particulièrement difficiles à vivre.
Imaginez, vous êtes évacué de votre maison et devez laisser son sort entre les mains de dame nature. Je pense que c'est le gros problème concernant l’état mental des gens, c’est qu’ils n'ont aucun contrôle
, estime M. Derocher.
Ce qui est le plus blessant, poursuit-il, c’est de voir comment les aînés sont bouleversés lorsqu’ils sont forcés de partir. Certains s’effondrent et pleurent. Ça fait mal.
Richard Derocher compare l’impact sur la santé mentale des feux de forêt à celui de la pandémie.
Nous avons eu beaucoup de crises pendant la COVID, comme l’augmentation de l'activité criminelle et de l'alcoolisme. Donc, je pense que ça va avoir le même effet maintenant. Nous allons devoir à nouveau apporter le soutien psychologique dont nos peuples ont besoin
, dit-il.
Tara McGee, professeure au Département des sciences de la terre et de l'atmosphère de l'Université de l'Alberta, mène des recherches sur l’impact psychologique de telles évacuations en milieux autochtones.
Après l'évacuation, le deuil
Même plusieurs années après une évacuation due à un feu, les gens sont encore émotifs parce que c’est une expérience tellement traumatisante
, explique-t-elle.
Une fois que les gens reviennent dans la communauté, ce n'est pas la fin du stress qu'ils ressentent. Ils doivent encore passer par un processus de deuil potentiel en fonction de ce qui a été perdu
, constate Mme McGee.
De plus, les personnes évacuées des communautés éloignées peuvent faire face à des barrières linguistiques, à des problèmes de circulation et à d'autres différences entre leur communauté d'origine et leur communauté d'accueil, précise-t-elle.
McGee a déclaré qu'il y avait des points positifs selon ses recherches : Dans une communauté de l'Alberta en particulier, on a pu voir comment les habitants se sont adaptés, comment ils ont procédé à des évacuations en raison de leurs expériences antérieures. Le fait de passer par une évacuation permet donc d'en tirer des enseignements.
Elle a indiqué que son équipe avait mené des entretiens avec des personnes qui étaient encore aux prises avec des émotions même des années après une évacuation.
Les douloureux souvenirs des pensionnats
James Waldram, qui est quant à lui professeur d'anthropologie à l'Université de la Saskatchewan, souligne que le processus d'évacuation peut réveiller certains souvenirs douloureux chez des survivants des pensionnats.
Quand vous regardez les caractéristiques d’une évacuation d’une communauté, comme l'implication de la police, être logé dans des chambres de style dortoir dans un endroit inconnu, être séparé de sa famille, c’est très similaire à l’expérience des pensionnats
, explique-t-il.
En ce sens, M. Waldram croit que toutes les communautés devraient être impliquées dans la décision du processus d'évacuation afin que les gens aient le sentiment de contrôler la situation.
Si nous appliquons des façons de faire non autochtones et urbaines à ces milieux-là, il y a le potentiel de créer des problèmes, puisque ça ne tient pas compte de l’importance de la structure familiale dans les communautés autochtones.
Il faudrait également s’assurer que les familles restent ensemble, ajoute-t-il. À l'heure actuelle, la plupart des évacuations sont effectuées en utilisant des catégories basées sur les conditions de santé, ce qui peut entraîner la séparation des personnes de leur famille.
D'après un texte de Aishwarya Dudha, de CBC News.