Un pharmacien autochtone qui fait changer les choses

Jaris Swidrovich a créé la première association canadienne de pharmaciens autochtones l'an dernier.
Photo : Gracieuseté : Jaris Swidrovich
La création récente d’une association canadienne de pharmaciens autochtones reflète bien le désir des professionnels issus des Premières Nations de prendre leur place dans le système de santé et d’ouvrir la voie à leurs confrères. Son fondateur explique la nécessité d’avoir mis sur pied une telle organisation.
Quand il a entrepris ses études en pharmacie, en 2006, Jaris Swidrovich était le seul Autochtone du programme.
En fait, je n’avais aucun modèle dans cette profession. Je ne me souviens pas d’avoir vu de pharmacien autochtone ou de professeur de pharmacie autochtone
, a-t-il expliqué en entrevue à l’émission radiophonique Unreserved, à CBC.
Je ne me souviens d’aucun texte ou matériel d’apprentissage pour les étudiants en pharmacie produit par un Autochtone.
À cette époque, il n’y avait pas d’association de pharmaciens autochtones au Canada. Jaris Swidrovich a donc décidé d’en créer une.
À l’initiative de ce membre de la Première Nation Yellow Quill, qui est maintenant pharmacien et professeur adjoint à l’Université de Toronto, l’Association des professionnels et professionnelles autochtones de la pharmacie du Canada (IPPC) a vu le jour l’an dernier.
Cette organisation met en contact les pharmaciens autochtones du pays et fournit du soutien et des informations aux Autochtones au sujet des médicaments.
Reconnue par l’Association des pharmaciens du Canada, l’IPPC compte maintenant près de 40 pharmaciens autochtones. En mars, elle a annoncé la création de sa première bourse pour les étudiants autochtones en pharmacie. Des compagnies telles Shoppers Drug Mart et Johnson & Johnson ont contribué au financement de ces bourses.
On veut que les étudiants et ceux qui envisagent d'étudier en pharmacie, peu importe leur âge, puissent voir leur reflet dans cette discipline
, explique M. Swidrovich.
Propulsé par le réseau
De plus en plus d’Autochtones prennent leur place dans le système de santé canadien à divers échelons. Certains souhaitent en profiter pour combattre le racisme systémique qui persiste dans ce domaine.

Le Dr Alika Lafontaine, président de l’Association médicale canadienne
Photo : Submitted by Canadian Medical Association
On commence à prendre notre place, non seulement à l’intérieur de nos communautés mais aussi dans les institutions qui travaillent avec nos communautés
, indique le Dr Alika Lafontaine, président de l’Association médicale canadienne (AMC). Il est également le premier dirigeant autochtone de cette organisation.
Le Dr Lafontaine est un anesthésiste à Grande Prairie, en Alberta. Il est originaire du Treaty 4 Territory, dans le sud de la Saskatchewan, et a des origines cries, anishnabeg et métisses.
Il sait à quel point une organisation qui permet de réseauter des professionnels autochtones sur le terrain, comme le propose l’IPPC, est importante.
D’ailleurs, il affirme que des enseignants, des experts et des mentors l’ont beaucoup aidé à se rendre là où il est aujourd’hui. Sans eux, il croit qu’il aurait peut-être abandonné en cours de route.
Avec le soutien des gens dans nos vies, on peut réussir à accomplir quelque chose de spécial
, dit-il.
Briser l’isolement
Jaris Swidrovich croit que l’IPPC aidera à briser l’isolement des étudiants autochtones dans le domaine de la pharmacie.
Parfois, certains ne se sentent pas à l’aise à l'idée de dévoiler leurs origines, surtout ceux dont les traits autochtones ne sont pas prononcés.
Je ne voulais pas trop que ça se sache, parce que parfois, ça invite au racisme. Par exemple, [certains peuvent dire] : "Ah oui, nous avons des places pour favoriser l’équité au collège. C’est probablement pour cette raison que tu as été admis"
, explique M. Swidrovich en évoquant une de ses propres expériences.
La création de l’IPPC contribue aussi à l’apport des Autochtones au système de santé canadien et, en ce sens, représente une avancée considérable.
Toutefois, le Dr Lafontaine croit qu’il y a encore beaucoup de travail à faire.
Les choses changent, mais probablement pas assez vite pour ceux qui n’ont pas accès aux soins, pour ceux qui ont été blessés et qui continuent d’être racisés. Mais les choses progressent, j’en suis sûr.
Avec les informations de Jonathan Ore, CBC News