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« La poésie a été mon sauveur », dit le poète autochtone Garry Gottfriedson

« À travers la poésie, j'ai commencé à parler de choses que j'avais trop peur de partager avec une autre personne. »

Garry Gottfriedson.

Le poète Garry Gottfriedson

Photo : UNBC

Radio-Canada

Guérir les maux par les mots : voici la thérapie qu’a suivie le poète Garry Gottfriedson, qui a passé cinq années dans un pensionnat pour Autochtones.

Le célèbre poète secwépemc recevra un doctorat honorifique en droit l'Université du nord de la Colombie-Britannique (UNBC) à Prince George le 26 mai.

Selon l'université, Garry Gottfriedson a été à l'avant-garde de la défense de l'autodétermination et des revendications identitaires autochtones pendant quatre décennies, en commençant dans les années 1970 par son enseignement basé sur le territoire à Mountain Cree Camp, une communauté éloignée en Alberta, également connue sous le nom de Smallboy Camp.

Garry Gottfriedson, 68 ans, est le plus jeune d'une fratrie de sept. Il est né dans une famille d'éleveurs près de Kamloops, en Colombie-Britannique, à environ 356 kilomètres au nord-est de Vancouver. Il a fréquenté le pensionnat pour Autochtones de Kamloops pendant cinq ans, avant que ses parents ne le transfèrent dans une école du système scolaire public.

Il a publié 11 recueils de poésie, dont Skin Like Mine en 2010, qui a été sélectionné pour le prix de poésie de l'Association des auteurs canadiens (Canadian Authors Association). Il a été intronisé à l'International Library of Poetry Hall of Fame en 1997.

Le recueil « Skin Like Mine ».
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« Skin Like Mine », publié en 2010, a été présélectionné pour le prix de poésie de l'Association des auteurs canadiens.

Photo : Ronsdale Press

Garry Gottfriedson a travaillé avec la professeure de l'UNBC Sarah de Leeuw, spécialisée dans les inégalités en matière de santé, de la lutte contre le racisme anti-Autochtones dans le système de santé du nord et du centre de la Colombie-Britannique. Il est actuellement conseiller culturel secwépemc pour l'Université Thompson Rivers à Kamloops.

Garry Gottfriedson a parlé à l'animatrice Margaret Gallagher à l'émission North by Northwest de CBC de sa carrière d'écrivain, de la revitalisation des cultures autochtones et de la décolonisation dans les universités canadiennes.

Vous êtes un poète, vous êtes un éducateur, vous êtes un leader communautaire, vous êtes aussi un éleveur. Comment toutes ces occupations sont-elles reliées pour vous?

J'ai grandi dans une famille d'éleveurs dans ma communauté et j'ai vu mes deux parents activement engagés dans la lutte pour l'éducation et les droits des Autochtones au fil des ans.

Ma mère s'investissait beaucoup dans la fermeture des pensionnats pour Autochtones. Elle nous a transféré dans le système scolaire public, ce qui a conduit au démantèlement du système des pensionnats par la suite.

Mon père a beaucoup travaillé avec le British-Columbia Native Brotherhood, qui a finalement abouti à ce qui est devenu l'Assemblée des Premières Nations.

J'ai donc grandi dans un milieu où je comprenais très bien la politique, mais surtout la lutte pour l'éducation des Autochtones dans ce pays.

La devanture de l'ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops.

L'ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops en Colombie-Britannique (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne

Comment êtes-vous devenu poète?

J'ai vécu en Alberta pendant un certain temps et j'y ai obtenu mon diplôme de premier cycle. J'enseignais là-bas. Je suis retourné en Colombie-Britannique et j'ai obtenu un poste d'enseignant au Centre En'owkin (à Penticton).

Au Centre En'owkin, Jeanette Armstrong avait l'habitude d'organiser des lectures de poésie chez elle tous les vendredis soirs, et elle m'a présenté une merveilleuse poétesse, la poétesse creek muscogee Joy Harjo, et elle m'a demandé de lire un de ses poèmes.

C'est à ce moment-là que je suis tombé amoureux de la poésie et que j'ai commencé à en écrire; les mots de Joy Harjo et sa façon d'écrire m'ont beaucoup inspiré.

La poétesse creek muscogee Joy Harjo.

La poétesse creek muscogee Joy Harjo

Photo : Matika Wilbur

Vous avez étudié avec Alan Ginsberg et Marianne Faithfull. Comment en êtes-vous arrivé là?

Mes amis ont rédigé un manuscrit et l'ont envoyé à l'Institut Naropa, qui s'appelle maintenant l'Université Naropa (à Boulder, au Colorado), où Alan Ginsberg avait fondé l'institut d'écriture créative, et j'ai obtenu des bourses pour y étudier l'écriture créative.

Il était mon professeur de poésie et Marianne Faithfull était ma professeure de composition musicale. J'ai vécu là-bas une expérience incroyable.

La compilation de vos écrits est très intéressante. Vous parlez d'amour et d'identité, de masculinité, de colonialisme et de changement climatique. Comment votre travail a-t-il évolué au fil du temps?

Ma voix est devenue plus douce avec l'âge.

Mes premiers écrits laissaient entrevoir que j'étais toujours en colère à propos de ce qui s'est passé au pensionnat et fermement opposé à l'Église.

Maintenant, le ton de ma poésie n'est plus le même - c'est une voix un peu plus calme qui s'exprime. Il y a toujours cette teinte plus difficile. Il y a aussi une grande force et un sentiment de colère justifiable dans certaines de mes œuvres.

Comment la poésie vous aide-t-elle à donner un sens au monde?

La poésie a été mon sauveur, car ma propre écriture est devenue mon thérapeute. À travers la poésie, j'ai commencé à parler de choses que j'avais trop peur de partager avec une autre personne, mais que je pouvais pourtant écrire sur papier.

C'était une libération, et chaque fois que j'écrivais de la poésie, j'ai commencé à mieux traverser la vie. Ce que la poésie peut faire pour les gens, c'est qu'elle leur offre un lieu de réconfort où nous ne pouvons parfois pas nous rendre avec une autre personne.

Vous écrivez seul, sur la base de vos propres expériences, mais vous vous connectez toujours aux gens qui lisent votre travail. C'est un moyen très fort pour entrer en relation.

Absolument, et je vais vous raconter une histoire qui m'est arrivée un jour alors que je lisais à Regina.

Avant d'aller sur scène pour une lecture, je suis allé voir un match de crosse, et il y avait ce gars autochtone qui n'arrêtait pas d'aller et venir et qui n'arrêtait pas de me regarder.

Puis finalement, après le match, il est venu et il m'a dit : Je sais qui tu es. J'ai dit : Vraiment? Qui es-tu? Il m'a dit son nom, et il a dit : Je veux te dire que j'ai lu ta poésie.

J'ai réussi à m'y connecter et cela m'a mené dans un lieu différent, où je pouvais m'exprimer à travers ce jeu de crosse. J'ai fini par écrire un poème sur cette expérience.

Deux joueurs de crosse courent sur le terrain, bâton à la main.

La crosse (Photo d'archives)

Photo : La Presse canadienne / © PC / Andy Colwell

Vous parlez trois langues. Quel rôle la langue joue-t-elle dans votre vie?

J'ai la chance d'être exposé au secwepemctsin, qui est la première langue que m'ont apprise ma mère et ma grand-mère. J'ai appris le cri en enseignant dans une école d'immersion totale il y a de nombreuses années. Je parle espagnol et un tout petit peu syilx, qui est la langue de mon père.

La langue est une très belle chose, et nos langues sont poétiques de toute manière. J'aime les mots et j'aime jouer avec les mots. La langue a un rôle si important dans la créativité et dans l'expression.

À quel point a-t-il été difficile de préserver les langues autochtones?

Pour ce qui est de ma nation, la langue est presque éteinte. Même actuellement, on compte probablement moins de  2 % de locuteurs fluides pour toute la nation secwépemc.

Mais ce qui se passe, c'est qu'il y a un vaste mouvement pour revitaliser notre langue et lui redonner vie dans de nombreuses communautés, y compris ma propre communauté, ici au Tk'emlúps te Secwépemc.

C'est certain que les langues autochtones à travers le pays ont subi un coup très dur en raison du colonialisme et en particulier des pensionnats pour Autochtones. Le processus pour réapprendre nos langues est lent, mais nous y arrivons et je vois beaucoup d'initiatives en ce sens.

Des danseurs en tenue traditionnelle (regalia) au pow-wow de Kamloops en C.-B., en 2013.

Des danseurs en tenue traditionnelle (regalia) au pow-wow de Kamloops en C.-B., en 2013. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

Comment souhaiteriez-vous que les établissements d'enseignement supérieur se décolonisent?

Il y a trois choses à prendre en compte lorsque nous voulons décoloniser. Premièrement, les universités doivent vraiment comprendre ce qu'est la colonisation. Lorsqu'elles comprennent ce dont il s'agit, elles peuvent commencer à défaire le colonialisme.

L'autochtonisation est la troisième phase, mais avant d'en arriver là, nous devons penser et réfléchir au colonialisme et à la décolonisation.

À l'heure actuelle, je dirais que toutes les universités en sont aux premières étapes de ce processus. Ces établissements ont encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir comprendre ce qu'est l'autochtonisation.

Il y a une résistance au sein des universités à décoloniser et à autochtoniser, mais lentement nous y arrivons. Nous n'avons pas assez d'Autochtones travaillant dans les universités pour accélérer ce processus.

Campus de l'Université du nord de la Colombie-Britannique.

L'Université du nord de la Colombie-Britannique est située à Prince George. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Andrew Kurjata

Cette entrevue a été éditée à des fins de clarté et de concision.

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