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Itinérance et délinquance à Val-d’Or : le caquiste Pierre Dufour choque l’opposition

Le député caquiste d’Abitibi-Est s'en est pris à un reportage d'Enquête sur les abus policiers contre des femmes autochtones ainsi qu'à la commission Viens.

Pierre Dufour s'adresse aux citoyens de Val-d'Or pendant une séance du conseil municipal.

Le député d'Abitibi-Est, Pierre Dufour, s'est aussi adressé au conseil et aux citoyens de Val-d'Or présents lors de la séance du conseil municipal du 15 mai.

Photo : Radio-Canada / Marc-André Landry

Les partis d'opposition à Québec ont fermement condamné les propos tenus lundi par le député caquiste d’Abitibi Est, Pierre Dufour, à propos de la commission Viens au moment où il intervenait dans les dossiers de l’itinérance et de la délinquance au conseil municipal de Val-d'Or. Le Parti libéral et Québec solidaire réclament des excuses.

Le porte-parole de l’opposition officielle pour les relations avec les Premières Nations et les Inuit, André A. Morin, estime que les propos de M. Dufour sont non seulement inacceptables mais aussi condamnables sans la moindre réserve.

Les déclarations du député visant à contester des conclusions de faits retenus par la commission Viens sont irresponsables et représentent un affront à la vérité et à la justice, a lancé André A. Morin.

La co-porte-parole de Québec solidaire Manon Massé se dit choquée et demande elle aussi à M. Dufour de retirer ses propos.

En tant que député d’Abitibi-Est, M. Dufour doit représenter tous les citoyens et citoyennes de la région. Qu’il le veuille ou non, ça inclut les Autochtones, les femmes victimes de violence et les itinérants, a déclaré Manon Massé.

Avoir autant de mépris pour certains groupes de citoyens, c’est indigne de sa fonction.

Une citation de Manon Massé, co-porte-parole de Québec solidaire

Sécurité et itinérance à Val-d'Or

Consulter le dossier complet

Un policier intervient auprès d'une dame dans un parc du centre-ville de Val-d'Or.

Les itinérants, ce ne sont pas des criminels, c’est des gens qui ont besoin d’aide. Les personnes autochtones ont des défis particuliers parce qu’elles ont été discriminées pendant des décennies. Je vous dirais qu’il faut s’assurer que les criminels – parce que oui, il y en a, des criminels –, que ces gens-là soient arrêtés mais qu’on ne se mette pas à sortir les gros bâtons et la grosse police [contre] l’ensemble des itinérants, parce que l’itinérance, ce n’est pas un crime, a ajouté Mme Massé.

De son côté, la porte-parole nationale du Parti québécois, Méganne Perry Mélançon, estime que remettre en question l’importance et le sérieux de la commission Viens ainsi que le travail journalistique de l’émission Enquête n’aide en rien la situation actuelle.

Selon elle, Pierre Dufour devrait plutôt collaborer avec sérieux avec la municipalité et, surtout, reconnaître la part de responsabilité importante du gouvernement du Québec dans ce dossier.

Le reportage d'Enquêtebourré de menteries

Lors de la dernière séance du conseil municipal de Val-d’Or, lundi, Pierre Dufour s’est attaqué à l’émission Enquête de Radio-Canada, qui avait présenté un reportage-choc en 2015 dans lequel des femmes autochtones dénonçaient des abus qui auraient été commis à leur endroit par des policiers de la Sûreté du Québec à Val-d'Or.

S'adressant au conseil municipal, Pierre Dufour a lancé : Vous avez travaillé, depuis votre arrivée en poste, avec un tas de merde qui a été créé particulièrement depuis 2015 lorsqu’il y a eu l’émission Enquête, une émission bourrée de menteries, qui a attaqué des policiers très honnêtes. Je ne dis pas qu'il n'y avait peut-être pas eu quelques policiers véreux une trentaine d'années auparavant. Ils ont été attaqués. Ce reportage-là a gagné des prix, mais de l’autre côté, il a fait une scission entre le corps policier et la Municipalité, qui n'a pas protégé ces policiers-là par la suite.

Il s'en est ensuite pris à la commission Viens, la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec, créée en 2016 dans la foulée des allégations rapportées par l'émission Enquête.

Dans son rapport, le commissaire Jacques Viens avait indiqué que les Autochtones du Québec sont victimes de discrimination systémique. Treize des 142 appels à l'action concernent les services de police.

Selon le député Pierre Dufour, la commission Viens a dit que les policiers de Val-d'Or racisaient les Autochtones en donnant plus de tickets aux itinérants.

Ça aussi, encore une fois, la Municipalité n’a pas défendu le corps policier dans cette action-là. [...] Il y a le titre de policier, mais ce sont des humains, et quand ils ne se sentent pas backés, ils font leur job au strict minimum, a avancé Pierre Dufour.

Dans son rapport-synthèse, le juge Viens avait écrit ceci : Indépendamment des défis auxquels sont confrontées les organisations policières, la preuve recueillie au cours des travaux de la Commission a mis en relief un certain nombre de comportements et de pratiques non adaptés de la part d’agents et d’officiers en fonction. La surarrestation figure au nombre des problèmes largement évoqués. Si le cas de la Ville de Val-d’Or est apparu emblématique à ce niveau, les chiffres obtenus permettent de conclure que d’autres villes québécoises font face aux mêmes enjeux.

Le porte-parole de l'opposition officielle, André A. Morin, estime que toute tentative de dénigrer ou de minimiser des enquêtes d'intérêt public visant à faire la lumière sur des questions cruciales telles que les abus ou les inégalités est profondément troublante de la part d'un élu. Les propos de M. Dufour sapent la confiance du public envers les institutions démocratiques et l'intégrité des processus d'enquête indépendants.

Manon Massé, tout en indiquant que la CAQ aime se vanter de ses efforts de réconciliation avec les peuples autochtones, se demande ce que le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, [Ian] Lafrenière, et le reste du caucus pensent des propos de leur collègue sur les femmes autochtones et la commission Viens.

Aucune accusation n'avait été portée dans ce dossier par le Directeur des poursuites criminelles et pénales, estimant qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes pour porter des accusations de sévices sexuels, d'intimidation et d'abus de pouvoir contre les six patrouilleurs de la Sûreté du Québec (SQ) suspendus dans la foulée du reportage d'Enquête. Une observatrice indépendante avait conclu à une enquête impartiale mais insuffisante.

Ne pas ouvrir la boîte de Pandore

Lorsque Pierre Dufour a commencé à parler au micro lundi, la mairesse de Val-d'Or, Céline Brindamour, s'est demandé ce qui se passait.

Je me suis dit : "Il n'est pas en train d'ouvrir cette boîte de Pandore?" En 2015, ça avait affecté le tissu social de la ville. Ce n'était pas de beaux moments. Je n'ai pas aimé ses propos. Je trouve cela bien dommage.

Une citation de Céline Brindamour, mairesse de Val-d'Or

Le reportage de l'émission Enquête sur les agressions alléguées d'agents de la SQ contre des femmes autochtones avait provoqué des bouleversements à Val-d'Or.

La mairesse a trouvé aberrant que M. Dufour tienne ces propos en tant que député et a précisé qu'il n'a pas parlé au nom de la communauté de Val-d'Or.

Sur le réseau social Facebook, Pierre Dufour a publié une courte déclaration, indiquant s'être exprimé sous l'émotion.

Certains mots ont dépassé ma pensée, a-t-il précisé en parlant d'un dossier sensible et complexe.

Il dit être en communication avec la mairesse et la Sécurité publique et travailler ensemble avec comme objectif commun la sécurité des citoyens et citoyennes de Val-d'Or, sans exception.

La mairesse Brindamour affirme lui avoir parlé lundi après le conseil et veut collaborer le plus tôt possible pour aller de l'avant.

Dans un message publié sur Twitter, l’Union des municipalités du Québec dit appuyer la mairesse de Val-d’Or qui est à la recherche de solutions dans le dossier de l’itinérance malgré le désengagement de l’État dans ce dossier prioritaire. L’UMQ dénonce aussi l’attitude provocatrice du député Pierre Dufour lors du conseil de lundi.

La séance du conseil municipal de Val-d’Or de lundi a été houleuse. Près de 80 citoyens avaient fait le déplacement. Au micro, avant l'intervention de Pierre Dufour, plusieurs habitants ont exprimé leur colère au conseil face à l'augmentation de la violence et de la délinquance au centre-ville, exigeant des mesures rapides.

Plusieurs ont verbalement montré du doigt les Autochtones, évoquant des Indiens qui sont là, des zombies, et des agressions toutes faites par des Autochtones.

La Municipalité a demandé l'aide du gouvernement du Québec dans ce dossier jeudi dernier. Une manifestation contre la violence à Val-d'Or a d'ailleurs eu lieu vendredi soir dernier, tandis que l'administration municipale tente de ranimer son centre-ville.

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