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Traité de Petapan : « Québec attend qu’il y ait une crise »

Cinq hommes sont assis derrière une table.

Il y a peu, toutes les parties étaient assises à la même table pour négocier l'éventuel traité de Petapan. Aujourd'hui, Québec se fait attendre, malgré ses engagements.

Photo : Gracieuseté

Malgré les engagements du gouvernement Legault à signer une entente avec les Innus le 31 mars dernier et une semaine après la sortie publique effectuée conjointement par les chefs innus et Ottawa jeudi dernier, c'est toujours « le silence total du côté du Québec ». « Et là, on est en train de perdre patience », exprime Gilbert Dominique, le chef de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

L'entente en négociation depuis 40 ans est censée mener au premier traité signé entre une nation autochtone et le gouvernement du Québec depuis la convention de la Baie-James en 1975.

Contrairement à celle-ci, la nouvelle entente ne supprimerait pas les droits des Innus sur leur territoire ancestral, le Nitassinan, mais les renforcerait en les clarifiant.

Elle contiendrait également d'importantes quittances pour dommages passés. Ces montants sont censés être assumés principalement par le gouvernement fédéral, avec une participation de Québec. Or, si le traité n'est pas signé, le poids de ces sommes pourrait retomber sur les entreprises.

Le chef Gilbert Dominique en face du lac Saint-Jean à Mashteuiatsh.

Le chef des Innus de Mashteuiatsh, Gilbert Dominique

Photo : Radio-Canada / Laurie Gobeil

Il n'est plus question de voir les ressources du Nitassinan être exploitées sans que nous ayons notre mot à dire, explique Gilbert Dominique, en entrevue avec Espaces autochtones.

On dirait que Québec a encore l'impression que, s'ils ne signent pas d'entente, on va laisser aller les choses sans rien faire. On n'en est plus là.

Une citation de Gilbert Dominique, chef des Innus de Mashteuiatsh

Le traité de Petapan en quelques points :

  • Le traité concerne les communautés innues de Mashteuiatsh, d'Essipit et de Nutashkuan;
  • Les chefs innus négocient depuis plus de 40 ans leur Paix des braves qui, contrairement aux autres traités signés à travers le Canada, légitimerait leurs droits ancestraux plutôt que de les éteindre;
  • D'importantes quittances financières pour dommages passés sont prévues, qui seront principalement versées par Ottawa.
  • Selon plusieurs acteurs concernés, un traité avec les trois communautés innues de Petapan clarifierait les rapports et faciliterait la collaboration avec les grandes entreprises des régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, où sont situés les territoires ancestraux innus.

Les bonnes relations avec les entreprises en péril?

Dans les dernières années, plusieurs partenariats ont été signés par la communauté innue de Mashteuiatsh, tant avec des entreprises de différents secteurs qu'avec des acteurs régionaux du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Essipit et Nutashkuan n'ont pas de partenariats aussi développés sur la Côte-Nord, pour l'instant.

On parle de très grandes entreprises qui sont dans la région, telles que Rio Tinto Alcan ou Produits forestiers Résolu avec qui nous entretenons de très bonnes relations présentement, explique Gilbert Dominique.

Ces ententes stipulent que les Innus auront droit à des redevances en contrepartie de l'exploitation des ressources se trouvant sur leurs territoires ancestraux, et qu'ils seront adéquatement consultés quant aux projets de développement. Toutefois, elles ne prévoient aucune quittance pour dommage passé.

Une coupe forestière sur le Nitassinan.

Des coupes forestières ont lieu depuis bien longtemps sur le Nitassinan de Mashteuiatsh. Bien que l'exploitation des forêts soit nécessaire, elle ne pourra plus s'effectuer sans consultation et sans redevances pour les Innus lorsqu'elle se fait sur leurs territoires ancestraux.

Photo : Gracieuseté d'Adèle Clapperton-Richard

Depuis des décennies, ces entreprises exploitent les ressources du Nitassinan, affectent le territoire et font des profits énormes. Les dommages passés ont été évalués à des centaines de millions, voire des milliards de dollars, indique le chef innu.

Si Québec ne signe pas le traité de Petapan, les Premières Nations pourraient être amenées à recourir aux tribunaux pour réclamer des dédommagements aux entreprises avec lesquelles elles entretiennent désormais des rapports apaisés, après des années de négociations. Avec ce qu'une telle action en justice pourrait avoir comme effets.

Si nous devons nous rendre devant les tribunaux contre des entreprises comme Résolu, Rio Tinto Alcan ou encore First Phosphate pour des montants allant jusqu'au milliard, les répercussions pour la région seront très grandes, tant économiquement que socialement, affirme Gilbert Dominique.

On dirait que c'est ce que le Québec attend pour réagir, qu'il y ait une véritable crise qui, peut-on se le dire, est parfaitement évitable s'il ne fait qu'agir honorablement et respecte ses engagements.

Une citation de Gilbert Dominique, chef de Mashteuiatsh

Personne n'est gagnant si Québec continue ainsi, soutient-il.

Louis Bouchard.

Louis Bouchard, directeur des affaires publiques et des relations gouvernementales chez Produits forestiers Résolu.

Photo : Produits forestiers Résolu

Même son de cloche de la part du directeur des affaires publiques et relations gouvernementales de Produits forestiers Résolu, Louis Bouchard.

Les relations sont très bonnes avec la communauté de Mashteuiatsh, et nous avons travaillé fort dans les dernières années pour bâtir cette relation. Je comprends le chef Dominique d'être agacé par rapport à la situation.

Nous croyons que la collaboration est essentielle avec les communautés autochtones et il serait extrêmement dommage que tout soit jeté en l'air. Je ne veux pas m'immiscer dans des négociations qui se déroulent de nation à nation entre Québec et les Innus, mais j'espère fortement qu'ils arrivent à s'entendre.

Une citation de Louis Bouchard, directeur des affaires publiques et relations gouvernementales de Produits forestiers Résolu

Le directeur exécutif des opérations atlantiques de Rio Tinto Aluminium, Sébastien Ross, qui se trouvait à l'extérieur du pays, a réagi par courriel en répétant que Rio Tinto demeure engagé dans la démarche commune avec la première nation des Pekuakamiulnuatsh. La collaboration avec la communauté reste une priorité pour l'entreprise.

Il a également expliqué que, malgré les retards, il demeure flexible par rapport à l’avancée de l’entente de partenariat à long terme entre Rio Tinto et la première nation des Pekuakamiulnuatsh.

L'aluminerie d'Alma de Rio Tinto.

L'aluminerie d'Alma de Rio Tinto

Photo : Radio-Canada

Un silence surprenant et inquiétant

Selon le président du Conseil du patronat, Karl Blackburn, le silence radio du Québec depuis un mois et demi est à la fois surprenant et inquiétant.

On avait vraiment l'impression que la date butoir du 31 mars allait être respectée, surtout que M. Legault lui-même en avait parlé, explique-t-il lors d'une entrevue effectuée virtuellement.

Comme le chef de Mashteuiatsh, M. Blackburn est d'avis que le traité de Petapan est essentiel pour assurer un développement économique qui respecte les droits des Premières Nations.

Pour l'instant, je garde espoir, car Petapan est une bonne solution; elle permettrait d'avoir une stabilité et une prévisibilité dans les rapports entre les entreprises autochtones et allochtones, souligne-t-il.

L'homme d'affaires est également bien au courant des ententes de collaboration qui existent entre Mashteuiatsh et certaines entreprises du Saguenay Lac-Saint-Jean.

Karl Blackburn.

Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec

Photo : Radio-Canada

En tant que président du Conseil du patronat, nous sommes absolument convaincus qu’il est extrêmement important de bâtir des liens solides entre les entreprises autochtones et allochtones, parce qu’il en va de la prospérité économique du Québec.

Une citation de Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec

Nous croyons tellement dans le bien-fondé de ce genre d'ententes que le Conseil du patronat va même produire un guide pour faciliter les collaborations entre les entreprises autochtones et allochtones, dit-il.

Selon lui, ces exemples de collaboration montrent au gouvernement du Québec que les entreprises sont rendues là. Les rapports entre les Autochtones et les allochtones dans les régions n'ont rien à voir avec ce à quoi nous pouvions assister il y a 40, 30 voire même 20 ans; ça devrait les inspirer.

Lors du point de presse donné à Ottawa la semaine dernière, le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, avait évoqué la possibilité que ce soit des réticences personnelles de la part de ministres provinciaux qui bloqueraient l'avancement des négociations.

La conjoncture est tellement favorable à ce que se bâtissent des bases solides de collaboration, ça va être essentiel avec les besoins énergétiques qui ne cessent d'augmenter, explique Karl Blackburn.

J'ai espoir que les ministres pourront s'élever au-delà de potentiels enjeux personnels pour que le bien-être de la collectivité soit mis en priorité.

Une citation de Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec

Il faut passer à autre chose

Dans les prochaines semaines, nous allons contacter les acteurs politiques régionaux et les entreprises avec lesquels nous avons des ententes pour [nous] assurer que tous comprennent bien la situation et se mobilisent pour envoyer un message clair au gouvernement, explique le chef Gilbert Dominique.

Si la situation perdure, les répercussions socioéconomiques dans nos régions seront inévitables, et le seul qui aura à se regarder dans le miroir comme responsable sera le gouvernement du Québec.

Une citation de Gilbert Dominique, chef de Mashteuiatsh

Invité à s’exprimer sur le sujet, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, n'était pas disponible pour une entrevue au moment de publier cet article.

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