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De Mashteuiatsh à Saint-Jean-sur-Richelieu, un pont pour la réconciliation

Quatre femmes rassemblées dans un parc ou sont accrochées des robes rouges.

Des robes rouges confectionnées par un groupe de femmes de Saint-Jean-sur-Richelieu en soutien aux femmes autochtones sont exposées du 5 au 15 mai au parc Christophe-Colomb.

Photo : Gracieuseté : Marie Soleil Chrétien - CFHR

Julie Roy

Un lien unique et pour le moins improbable s’est développé ces derniers mois entre le Centre de femmes du Haut-Richelieu et Puakuteu, le comité de femmes de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean. Réunies au départ autour d'un projet de correspondance, des femmes autochtones et allochtones ont choisi de s’engager ensemble dans une démarche plus grande visant à construire des ponts et à guérir des blessures. Et elles y travaillent avec une volonté exemplaire.

Tout a commencé en mars 2022, lorsque Diane Labelle a été invitée au Centre de femmes du Haut-Richelieu (CFHR) pour donner une séance de sensibilisation à la réalité des Autochtones. L’intervenante aux origines mohawks a su piquer la curiosité de son auditoire.

Elle devait venir juste une fois, mais on a trouvé ça tellement intéressant qu’on a voulu la ravoir, explique Sophie Bouchard, une participante. Personnellement, je n’avais jamais rencontré de femme autochtone. Diane a parlé de sa réalité, dans le concret, dans le quotidien. Ça m'a beaucoup interpellée.

Pendant un an, une vingtaine de femmes du CFHR ont assisté à une série d’ateliers développée pour elles par Mme Labelle. Les séances touchaient divers aspects de la vie des Autochtones. La question de la violence faite aux femmes ainsi que celle des femmes disparues et assassinées ont été abordées.

Deux femmes dans un parc où des robes rouges sont accrochées aux arbres. L'une parle dans un micro, l'autre écoute. Il y a des voitures en arrière-plan.

Diane Labelle (à gauche) en compagnie de Carolle Mathieu, directrice du Centre de femmes du Haut-Richelieu, lors de la Journée nationale de la robe rouge.

Photo : Gracieuseté : Marie Soleil Chrétien - CFHR

Elles trouvaient vraiment dommage que la population québécoise n’ait pas eu accès à toutes ces informations-là, et que les Autochtones aient à travailler si fort pour défaire les mythes les concernant, raconte Diane Labelle. Elles étaient aussi très sensibles à la question de Joyce Echaquan. Elles ont voulu en apprendre plus et s’embarquer dans un projet de réconciliation.

L’idée de correspondre avec un groupe de femmes autochtones a émergé en cours de route. Sophie Bouchard y a vu l’occasion d’établir un lien privilégié qui lui permettrait de mieux comprendre leur culture.

Au départ, cette éducatrice spécialisée à la retraite ne mesurait pas bien la portée du projet avec le centre Puakuteu. C’est au fil des échanges qu’elle en a réalisé toute l’importance. Une séance Zoom avec les femmes de Mashteuiatsh est venue confirmer certaines choses, et a beaucoup touché les membres de son groupe.

À travers les témoignages de ces femmes et de Diane, j’ai compris que c’est un peuple qui a beaucoup souffert à cause de nous, les Blancs, dit-elle. Le Zoom, ça m’a vraiment fait réaliser la profondeur de leur souffrance.

« J’ai compris que ce n’est pas juste une démarche de réconciliation, mais aussi de guérison. C’est là que j’ai décidé d’embarquer à fond dans le projet. Ces femmes doivent guérir de tout ça. »

— Une citation de  Sophie Bouchard, participante du Centre de femmes du Haut-Richelieu

Un intérêt réciproque

À Mashteuiatsh, les femmes de Puakuteu n’ont pas hésité un instant lorsqu’elles ont été contactées par la directrice du CFHR pour participer à un projet de réconciliation.

On était vraiment contentes et on a accepté tout de suite. On trouvait que c’était un beau geste de réconciliation, explique Pamela Duciaume, responsable du comité. On recherche toujours des alliés contre le racisme, des gens qui veulent soutenir nos causes.

Une dizaine de femmes de Puakuteu ont participé à la correspondance. La rencontre Zoom a été pour elles un moment très important.

J’avais hâte de les connaître, lance Germaine Dubé, une participante de Mashteuiatsh. On s’est présentées chacune notre tour. On s’est dit ce qu’on fait ici [au comité], c’est quoi nos talents, nos passions et nos cheminements de vie [...] Elles avaient plein de questions pour nous.

Pour plusieurs, l’exercice représentait tout de même un défi. On essaie d’avoir plus de confiance en nous en tant que femmes des Premières Nations. On est des personnes un peu timides et quelques-unes étaient gênées de se présenter, poursuit Mme Dubé. Mais on se sentait écoutées par ces femmes-là. Elles nous encourageaient à continuer vers la guérison.

Des femmes autochtones participent à une cérémonie dans le bois.

Des femmes du centre Puakuteu, à Mashteuiatsh, lors d'une cérémonie à la mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées

Photo : Gracieuseté : Puakuteu

Ce projet avec le CFHR contribue à la réalisation de grands objectifs de Puakuteu, qui a entre autres pour mission d’aider les femmes autochtones à prendre confiance en elles, à s’affirmer et à poursuivre leur chemin vers la guérison.

S’ouvrir à une amitié avec des femmes non autochtones qu’elles connaissent encore peu n’est pas facile pour les participantes de Mashteuiatsh. Mais elles font preuve de détermination pour surmonter leurs craintes et s’engager dans cette relation nouvelle.

C’est la première fois que des gens s’intéressent un peu à leurs histoires personnelles, qu’elles se présentent et parlent de leur vie à des personnes qu’elles n’ont jamais rencontrées, indique Pamela Duciaume.

« Il y a toujours une petite méfiance de parler à des allochtones. On est un peuple qui a vécu beaucoup de racisme. Mais il faut prendre confiance et aller de l’avant pour se découvrir en tant que peuples. Dans l’objectif de réconciliation, les femmes sont très contentes de développer des amitiés. »

— Une citation de  Pamela Duciaume, responsable du comité de femmes de Mashteuiatsh

Germaine Dubé, qui est une ancienne pensionnaire, croit que ce projet avec le CFHR l’aidera à franchir les dernières étapes de son processus de guérison. Je prends confiance en moi et dans les autres. Ça m'aide à avancer encore plus, à aller plus loin.

Une journée importante

Le 5 mai dernier, les femmes de Puakuteu et du CFHR ont voulu souligner la Journée de la robe rouge avec des activités synchronisées. À 14 h précise, à des centaines de kilomètres de distance, elles ont honoré la mémoire des femmes autochtones disparues et assassinées. Les deux groupes ont filmé leur cérémonie pour pouvoir partager entre elles ce moment précieux.

Elles ont fait une journée de guérison et nous, une journée de sensibilisation, explique Sophie Bouchard. On le vit différemment, mais il y a une connexion qui se fait entre nous qui est belle.

À Saint-Jean-sur-Richelieu, des robes rouges confectionnées par les femmes du CFHR ont été accrochées aux arbres du parc Christophe-Colomb. Elles y seront exposées jusqu’au 15 mai.

Des femmes confectionnent des robes rouges autour d'une grande table.

Des femmes du Centre de femmes du Haut-Richelieu confectionnent des robes rouges en prévision de la journée du 5 mai.

Photo : Gracieuseté : Marie Soleil Chrétien - CFHR

Déjà, les deux groupes de femmes pensent aux prochaines étapes et activités pour développer leur lien. De part et d’autre, le désir de se visiter et de se réunir pour quelques jours est très présent. Elles espèrent pouvoir enfin se rencontrer en personne à l’automne.

On les a invitées pour la Journée nationale de réconciliation, qui est le 30 septembre. On trouvait que c’était une belle date pour qu’elles viennent nous rencontrer ici, dans la communauté. Et on aimerait aussi aller les voir à Saint-Jean-sur-Richelieu, indique Pamela Duciaume.

Pour Sophie Bouchard, pas question de rater le voyage à Mashteuiatsh et la rencontre avec les femmes de Puakuteu. J’ai mis ça dans mon agenda.

Témoin de la première heure de cette nouvelle amitié, Diane Labelle est touchée par le désir des deux groupes de poursuivre leur démarche de réconciliation. C’est très émouvant de voir le contact et l’ouverture de ces femmes.

D’autres centres de femmes de la Montérégie ont manifesté le désir de participer à un projet semblable. Face à la demande, un deuxième groupe sera formé au CFHR. Le projet fait boule de neige, se réjouit Mme Labelle.

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