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Un appart pour une vie

C’est parfois l’attente de ce qui peut sembler celle d’une vie. Passer de l’itinérance à un toit au-dessus de la tête. Et surtout, un toit à soi. À Val-d’Or, 41 personnes sont à quelques semaines à peine d’obtenir un logement social au Château Marie-Ève. Parmi elles, Joyce et Sonny. Rencontres.

Une femme assise regarde à travers la fenêtre.

Joyce a hâte de pouvoir emménager dans son nouvel appartement.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Assise dans la grande salle de La Piaule, un organisme communautaire, Joyce prend soin d’ôter les raisins secs de son pain doré qui dégouline de sirop d’érable. Ses yeux sont rivés sur une vidéo qu’elle regarde : ce sont des chants autochtones.

Joyce vit ici, en plein cœur de Val-d’Or, depuis plusieurs années. Comme d’autres, elle dispose d’une petite chambre. Mais rien n’est à elle ici, à part son linge et quelques effets personnels. À sa fenêtre, elle a accroché une plume.

Elle fait partie des chanceux, car elle dort seule dans sa petite chambre. Ce n’est pas le cas de Sonny, qui partage quelques mètres carrés avec un colocataire, un étage au-dessus.

Joyce et Sonny sont deux Anishnabeg. Même si elle est née à Maniwaki, Joyce se présente comme rattachée à la communauté de Kitcisakik, située au sud de Val-d’Or. Sonny, lui, vient de Pikogan, au nord.

Un homme assis sur un lit dans une chambre.

Sonny vit pour le moment dans une chambre avec un colocataire.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

D’ici quelques semaines, ils vont emménager dans un logement rien qu’à eux.

Cela fait 10 ans que La Piaule travaille sur ce projet de logements à prix modique destinés à des personnes à risque de se retrouver en situation d’itinérance. Proche de l’épicerie du centre-ville, les travaux du Château Marie-Ève vont bon train pour que les 41 logements (des 2 ½) soient terminés d’ici mai.

Nous avons reçu une cinquantaine de candidatures. La moitié étaient des Autochtones, précise Isabelle Boucher, la directrice générale de l’organisme.

Les critères de sélection étaient les suivants : les postulants devaient accepter d’avoir un suivi et de faire des démarches pour arrêter leur consommation, notamment. Les loyers s’élèveront à 25 % de leur revenu.

Une femme dans l'ouverture d'une porte.

Isabelle Boucher indique que 41 logements seront disponibles pour 50 candidatures. Les choix seront difficiles.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Et c’est la job de nos intervenants de s’assurer que les locataires aient justement un emploi pour pouvoir payer leur loyer, précise encore Mme Boucher.

Joyce a appris en janvier qu’elle aurait un appartement. Savoir ça, ça m’a libérée, j’ai vraiment hâte, parce que je suis tannée d’être ici, je me sens comme prisonnière, lance-t-elle en balayant du regard la pièce dans laquelle elle se trouve.

Joyce estime qu’avoir un logement à elle va la rendre plus responsable, notamment prendre ses pilules toute seule.

L’Anishnabe de 45 ans souffre de cirrhose et ses reins ne fonctionnent plus bien. À La Piaule, elle doit signer une feuille de suivi dès qu’elle prend ses médicaments.

Une femme assise à une table, une fourchette en main, en train de manger.

Joyce vit à La Piaule depuis plusieurs années et on lui sert un repas tous les midis.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Joyce, as-tu pris tes médicaments aujourd’hui? demande une intervenante. Joyce hoche la tête. Elle se fait tendre une feuille de papier sur lequel elle doit apposer sa signature, preuve qu’elle a bien pris son traitement.

Joyce veut reprendre le contrôle sur sa vie, inviter ses amis, sa famille, dans autre chose qu’une petite chambre où il n’y a de la place que pour un lit. Mais elle sait aussi qu’elle aura encore besoin d’aide.

Gros plan sur une main qui tient une canne.

Joyce souffre de nombreuses maladies qui limitent sa mobilité. Elle utilise une canne pour marcher.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Sonny aussi a hâte. Depuis 2016, il partage sa chambre avec un colocataire au premier étage de La Piaule. Il assure être sobre depuis 2004. Sa principale difficulté, c’est de devoir se rendre à l’hôpital trois fois par semaine, pour sa dialyse.

Ici, à La Piaule, on ne peut pas faire grand-chose. On doit se lever à 8 h, se coucher à 23 h. Le week-end, c’est un peu plus tard. Je manque un peu de liberté. Je veux pouvoir manger ce que je veux, regarder ce que je veux à la télé, concède l’homme de 49 ans.

Sonny a encore du mal à imaginer à quoi va ressembler son appartement. L’essentiel est qu’il s’y sente bien.

Des vies chaotiques

Joyce et Sonny ont plus grandi sur les routes abitibiennes que posé l’ancre. Sonny a été placé en famille d’accueil à Senneterre, dans une famille non autochtone, sa mère de 14 ans étant trop jeune pour prendre soin de lui. Joyce, quant à elle, a grandi deux ans à Lac-Barrière, puis Louvicourt, Kitcisakik, Lac-Simon, Val-dOr…

La cuisine d'un logis du Château de Marie-Ève.

L'intérieur d'un appartement du Château de Marie-Ève. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Marc-André Landry

Nomades des temps modernes malgré eux, ils n’ont pas eu un parcours de vie facile.

Ma mère a quitté mon père à cause de la violence. J’ai fait trois familles d’accueil jusqu’à ce que j’aie ma fille, à 16 ans, raconte Joyce.

La quarantenaire revit le schéma maternel. Violence conjugale. Violence psychologique.

Joyce parle même d’esclavage. Ballottage entre différents endroits. Un nouveau partenaire et quatre enfants de plus lui donnent l’espoir d’une meilleure vie.

Mais non.

J’ai essayé de me reprendre en main, car je vivais d’alcool, de drogue… à cause de tout le mal que j’ai vécu avec les hommes violents. Mes enfants ont été placés, raconte-t-elle calmement, la voix cassée. Elle avoue même avoir dû se prostituer pour vivre.

Un homme effectue des travaux devant une bâtisse.

Si tout se passe bien, les locataires devraient pouvoir emménager durant le mois de mai.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

Sonny est plus discret sur son passé. Il se contente de dire qu’il ne pouvait plus vivre chez ses parents, qu’il a coupé les liens avec eux, puis que sa famille d'accueil l’a rejeté, du moins son demi-frère. Il lui a payé un billet pour partir à Val-d'Or.

Les deux enchaînent des petits boulots : concierge, plongeur, coupe de bois et débroussaillage…

La prochaine étape pour les nouveaux locataires sera de s’équiper. Mme Boucher indique que son organisme a fait appel à des dons et les meubles seront vendus à un prix dérisoire aux bénéficiaires.

C’est pour qu’ils se disent que c’est vraiment à eux. Et ils vont aussi pouvoir les choisir, ajoute-t-elle.

Un petit pas de plus vers la liberté et l’indépendance.

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