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Pêche commerciale à Listuguj : célébrer le mode de vie des Mi’kmaw

Parfois décrite comme "illégale", longtemps encadrée de manière stricte, la pêche a néanmoins toujours fait partie de la vie des Mi'kwaw. À Listuguj, on remet de plus en plus de l'avant le lien spirituel qui associe la Nation à la ressource, une relation mise à mal par la colonisation.

Des pêcheurs de la communauté sont sur une scène.

La cérémonie du lancement de la saison a été faite le 31 avril. On souhaite bonne saison aux pêcheurs et on remercie la mer et les ressources qu'elle fournit aux Mi'kmaw

Photo : Gracieuseté : Felix Atencio-Gonzales

Le lancement de la saison de la pêche commerciale est arrivé, et la communauté mi'kmaw de Listuguj commencera, pour une deuxième année consécutive, par une cérémonie de remerciement pour les prises éventuelles.

Fondamentale pour la communauté depuis des millénaires, la pêche a également, depuis l'arrêt Marshall de 1999, permis à la communauté de diminuer sa dépendance financière auprès de l'État et d'améliorer les conditions de vie des membres.

T’an Telmi’watmg Gowei T’an, "remercier" est un des sept principes mi'kmaw que nous apprenons à nos enfants. Cette cérémonie nous reconnecte avec nos traditions et donne une opportunité à nos enfants d'en être témoins, a exprimé dans son discours le chef de Listuguj, Scott Martin.

Cet exemple que la communauté souhaite donner à la prochaine génération est au cœur du processus de guérison et de reconnexion collective avec la culture qui a été malmenée pendant des années.

En entrevue avec Espaces autochtones, le directeur des ressources naturelles et des pêcheries de Listuguj, Denny Isaac explique : je fais partie de la première génération qui n'a pas eu à fréquenter l'école de jour de la communauté qui a tenté de briser durant des générations notre culture et le lien qui nous unissait à la terre.

Ces externats, créés dans le même but que les pensionnats pour Autochtones, ont, comme ceux-ci, été le théâtre de multiples atteintes à l'intégrité physique, psychologique et culturelle des premiers peuples.

Plusieurs membres de la communauté ont toujours continué à effectuer ces cérémonies traditionnelles de pêche, mais nous voulons maintenant en revaloriser la pratique, pour l'ensemble de la communauté, ajoute-t-il.

Listuguj, propriétaire

Contrairement à la plupart des capitaines de bateau de pêche de la région, ceux de Listuguj ne sont pas propriétaires des navires qu'ils dirigent. Ces bateaux appartiennent à la communauté qui possèdent aussi les permis de pêche.

Les permis sont normalement gérés par le département des ressources naturelles, et certains sont loués à des membres de la communauté. Comme ça, les profits peuvent être utilisés pour financer différents programmes ou projets d'avenir au sein de la communauté. C'est la plus grande source de revenus de Listuguj, selon Denny Isaac.

Aujourd'hui, la communauté pêche la crevette, le crabe de roche, différents poissons de fond, le homard et, surtout, le crabe des neiges.

Selon nos estimations, Listuguj pêche environ 20% de la quantité totale de crabes des neiges pêchés au Québec, explique M. Isaac.

Il ajoute que plus d'une centaine de personnes travaillent dans l'industrie de la pêche au sein de la communauté. Nous avons des rangers, des scientifiques, des gens qui travaillent dans l'administration, etc. Tout est très régulé et nous appliquons les normes émises par le ministère des Pêches et des Océans du Canada.

5 pêcheurs posent sur leur bateau de pêche de crabe des neiges.

La pêche au crabe des neiges s'effectue avec ce genre de casiers. Le nombre de pièges que la communauté peut utiliser est déterminé selon les permis.

Photo : Gracieuseté de Listuguj

Nous avons maintenant une magnifique flotte de bateaux, avec nos capitaines et nos équipages. Ça aurait été impensable il y a 25 ans, mais les choses changent et nous célébrons aujourd'hui le lancement d'une nouvelle saison de pêche commerciale, a souligné le chef Scott Martin.

Prendre sa place dans l'économie régionale

Cette place que prend maintenant la communauté de Listuguj dans l'économie de la pêche commerciale aurait été impossible avant la décision Marshall de 1999.

À l'époque, cette décision avait reconnu, sur la base de traités de paix et d'amitié signés au 18e siècle, le droit aux Mi'kmaw de faire le commerce du produit de leurs chasses et de leurs pêches.

Depuis cette décision, nous avons pu nous organiser et nous développer pour devenir des acteurs économiques de la région. Nous n'avons plus à nous cacher pour vendre certains produits de notre pêche, ça a amélioré la situation globale de notre communauté, indique M. Isaac.

Il explique que dans la plupart des secteurs de leurs activités, les relations avec les non-autochtones ont été très bonnes depuis l'arrêt Marshall. Pour la pêche au crabe des neiges surtout, ça peut être très difficile, et nous ne pouvions pas vraiment en faire avant, alors les pêcheurs allochtones nous ont beaucoup aidés, et nous ont fait profiter de leurs expériences.

Pour la pêche au homard, cependant, c'est parfois plus difficile. Nous avons tous entendu parler de ce qui s'est déroulé en Nouvelle-Écosse, et même si c'est mieux ici, certaines tensions demeurent, admet-il.

Décombres de l'incendie.

Décombres de l'incendie d'un bâtiment servant à entreposer du homard, le 17 octobre 2020 à Pubnico-Ouest-le-Centre, en Nouvelle-Écosse.

Photo : Radio-Canada / Héloïse Rodriguez-Qizilbash

C'est notamment le cas pour les pêches d'automne qui, bien qu'elles soient beaucoup moins importantes que celles du printemps et que les scientifiques s'entendent sur le fait qu'elles n'affectent pas les stocks de homards, sont fortement critiquées par certains pêcheurs allochtones.

Lors de la décision Marshall, il n'y a pas de nouveaux permis qui ont été délivrés, ça crée une situation délicate avec les pêcheurs de la région puisque le nombre de permis total est limité. Mais avec les années, nous avons réussi a acquérir plusieurs de ces permis et nous ne faisons que prendre une place légitime dans l'économie, explique Denny Isacc.

Remercier la mer, ses produits ainsi que les ancêtres

Lorsque nos ancêtres ont signé les traités [de paix et d'amitié], ils pensaient à nous, ils voulaient protéger nos droits de chasse et pêche. Cette protection a porté fruit lors de la décision Marshall, et ce, même si nos droits n'ont pas été respectés pendant longtemps, exprime le chef Martin.

« Aujourd'hui, nous devons les honorer en prenant sérieusement la responsabilité qu'ils nous ont laissée, soit celle de protéger et de respecter la vie sauvage pour nos prochaines générations. »

— Une citation de  Scott Martin, chef de Listuguj

Selon Denny Isaac, les mesures utilisées actuellement par les gouvernements pour assurer la pérennité de la ressource fonctionnent bien, mais elles ne sont motivées que par des intérêts économiques.

Bien sûr nous utilisons et respectons la science, mais il y a aussi pour nous une question de ressenti, d'intuition qui est difficile à expliquer aux non-autochtones, exprime-t-il.

Ce lien avec notre environnement doit être entretenu, et c'est la raison pour laquelle nous tenons des cérémonies comme aujourd'hui, fait-il valoir.

Comme le veut la tradition mi'kmaw, des offrandes de tabac ont été effectuées, et une certaine quantité sera apportée par les pêcheurs pour être offerte en haute mer.

Les pêcheurs sont les ambassadeurs de notre peuple en dehors de Listuguj, ils peuvent partager notre culture et nos histoires à nos voisins. On leur souhaite bonne saison qu'ils puissent honorer nos familles, notre peuple et les espèces marines qui assurent notre subsistance, déclare le chef Scott Martin.

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