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La Fédération métisse du Manitoba en route vers un traité

L'organisation reconnue comme le gouvernement des Métis du Manitoba négocie avec Ottawa un traité et un règlement de ses revendications territoriales. Elle espère aussi recevoir du financement pour offrir des services en français.

Un panneau sur lequel se trouve le logo de la Fédération métisse du Manitoba et le slogan « Bienvenue dans le coeur de la patrie des Métis de la rivière Rouge ».

À l'aéroport de Winnipeg, un panneau informe les voyageurs qu'on se trouve au cœur de la patrie des Métis de la rivière Rouge.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Montpetit

Partout au Manitoba, des Métis participent depuis quelques semaines à des rencontres de consultation organisées par la Fédération métisse du Manitoba (FMM) en vue de la conclusion d’un traité avec Ottawa.

Le président de la FMM, David Chartrand, s’attend à ce que le traité soit adopté à la Chambre des Communes d’ici l’automne.

Je pense que le gouvernement actuel croit fermement à la réconciliation et qu’il veut que nous parvenions à conclure un traité pour les Métis afin qu’ils soient protégés par la loi et par la Constitution de ce pays, dit-il dans une entrevue en anglais avec Espaces autochtones.

La FMM est déjà reconnue par Ottawa comme le gouvernement de la communauté métisse du Manitoba. Dans une entente sur l’autonomie gouvernementale signée avec la FMM en 2021, le gouvernement fédéral a aussi reconnu le droit des Métis à l’autodétermination et à se gouverner eux-mêmes.

Selon l’entente, qui pave la voie à la conclusion du traité, la FMM peut légiférer sur des questions de gouvernance comme le mode de sélection des représentants métis, l’attribution de la citoyenneté métisse, la gestion financière, la reddition de comptes, etc., ainsi que sur les services à l’enfance et à la famille.

L'entente prévoit aussi des discussions sur le financement de la FMM, notamment sur la façon dont les paiements de transfert du Canada à la FMM seront calculés et effectués. En 2022, l'organisation a reçu plus de 100 millions de dollars de revenus provenant du gouvernement fédéral, selon les états financiers disponibles sur son site Internet.

La citoyenneté métisse

Qui sont les Métis dont la FMM est le gouvernement?

D’entrée de jeu, en français, le nom métis peut prêter à confusion. Avec un m minuscule, il désigne une personne issue de l’union de deux parents d’origines ethniques différentes. Toutefois, au Canada, les Métis (avec une majuscule) constituent un peuple autochtone qui détient des droits reconnus par la Constitution de 1982, au même titre que les Premières Nations et les Inuit.

David Chartrand parle au micro.

Le président de la Fédération métisse du Manitoba, David Chartrand. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Travis Golby

Pour détenir des droits constitutionnels en tant que Métis, il ne suffit pas d'avoir une ascendance mixte autochtone et européenne. Il faut aussi un lien ancestral avec une communauté métisse historique, a déterminé la Cour suprême du Canada en 2003.

Selon la FMM, la communauté métisse historique, c’est celle de la rivière Rouge, au Manitoba. Celle dont faisait partie Louis Riel, qui a notamment négocié l’entrée de cette province dans la Confédération canadienne. Celle qui a aussi rayonné ailleurs sur le continent.

Notre patrie est le Centre-Ouest de l’Amérique du Nord, ce qui inclut le Nord-Ouest historique et une partie de la Terre de Rupert qui sont entrés dans la Confédération sous le leadership de Louis Riel et d’autres, peut-on lire dans un document en anglais de la FMM qui présente le contexte de la négociation du traité.

Carte du Canada sur laquelle figure le territoire de la patrie des Métis selon la FMM, soit le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et des parties de l'Ontario, de la Colombie-Britannique, des Territoires du Nord-Ouest et des États-Unis.

Pour la Fédération métisse du Manitoba, la patrie des Métis comprend tout le « Centre-Ouest de l'Amérique du Nord ».

Photo : Fédération métisse du Manitoba

Louis Riel a été très clair sur le fait qu’il représentait les Métis de la rivière Rouge du Nord-Ouest. Pas seulement le Manitoba, le Nord-Ouest, affirme à plusieurs reprises durant l'entrevue David Chartrand, qui préside la FMM depuis 26 ans. 

C'est pourquoi la FMM accorde sa citoyenneté à toutes les personnes qui peuvent démontrer un lien ancestral avec la communauté de la rivière Rouge, qu’elles vivent au Manitoba, ailleurs au Canada ou même dans d'autres pays. Et malgré le fait qu’Ottawa a aussi signé des ententes sur l’autonomie gouvernementale avec les organisations métisses de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’Ontario.

Dans les documents déposés en marge de son budget 2023, le gouvernement fédéral indique d'ailleurs qu'il souhaite conclure des traités avec tous ces gouvernements métis.

Nous sommes différents des autres organisations métisses, soutient David Chartrand. Elles se sont placées à l’intérieur des frontières provinciales. […] Notre position est que nous faisons partie de tout le Nord-Ouest. Dans tous les documents juridiques que nous signons, nous disons clairement que c’est aux citoyens de décider qui les représente.

Je veux trouver une façon de servir tous les citoyens de la rivière Rouge, qu’ils soient à Vancouver, en Alberta, en Saskatchewan ou à Toronto, affirme aussi le président.

Servir les Métis francophones

Louis Riel entouré de 13 hommes.

Louis Riel, ici entouré des membres du gouvernement provisoire de la rivière Rouge en 1869, a défendu les droits des Métis et a lutté pour que la langue française soit reconnue lors de la création de la province du Manitoba.

Photo : Archives nationales du Canada / William James Topley

Bon nombre de Métis parlent français ou sont issus de familles où on parlait français. Pourtant, la FMM fonctionne largement en anglais.

Nous avons une forte population métisse qui parle français au Manitoba. Il y a plusieurs villages métis où la langue principale est le français, admet David Chartrand.

Louis Riel était partisan de la protection de la langue française. Un citoyen métis [Georges Forest] a contesté une contravention jusqu’en Cour suprême pour défendre les droits des francophones, indique-t-il aussi.

La faible place du français s’explique, selon lui, par le fait que la FMM était jusqu’à récemment un organisme à but non lucratif qui n’avait pas accès aux subventions pour offrir des services en français. Lorsque nous avons fait des demandes [de financement à tous les gouvernements] pour des ressources en français, nous n’en avons pas eu, dit-il. L'argent a été donné à des organisations non métisses, mais pas à nous.

S'il obtient du financement, il souhaite entre autres que le site Internet de la FMM soit disponible en français, en anglais et en mitchif, langue ancestrale des Métis qui combine des caractéristiques du cri et du français.

Paulette Duguay devant une sculpture représentant Louis Riel.

Paulette Duguay, présidente de l'Union métisse Saint-Joseph du Manitoba, vient d'une famille engagée en politique métisse.

Photo : Radio-Canada / Isabelle Montpetit

Indépendamment de la FMM, il existe au Manitoba un organisme métis qui offre des services en français : l’Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba (UNMSJM).

Fondée par Louis Riel en 1885 à Batoche, en Saskatchewan, sous le nom d’Association nationale métisse, l’organisation est devenue clandestine après la pendaison de son fondateur la même année, raconte sa présidente, Paulette Duguay. Elle a repris vie en 1887 dans le village de Saint-Vital, qui fait aujourd’hui partie de la ville de Winnipeg.

La mission de l’Union est de protéger, promouvoir, préserver la culture métisse, les intérêts des Métis francophones en particulier. On travaille uniquement en français, explique Paulette Duguay. Il est important pour l’UNMSJM que l’histoire nationale métisse soit racontée comme il se doit, avec notre point de vue français, ajoute-t-elle.

Elle affirme que l'attachement à la langue française demeure très fort pour de nombreux Métis qui se sont assimilés à la société dominante pour échapper à la discrimination.

On reçoit des appels de Métis. Ils ont tous des noms français. Ils disent : "Je parlais un peu français quand j’étais jeune. On a déménagé et ma mère ne voulait pas qu’on parle français. […] Aujourd’hui, j’aimerais reprendre le français. Est-ce que vous offrez des cours?"

Paulette Duguay s’attriste de devoir répondre non, faute de moyens.

Nous, on a un petit budget. Ça ne fait que quatre ans qu’on reçoit un budget de Patrimoine Canada de 125 000 $. C’est incroyable ce qu’on fait avec ça! On a seulement une employée, les autres sont bénévoles, indique la présidente.

Elle aimerait que des cours de français soient donnés par des Métis pour des Métis.

Ce serait une façon de renforcer l’identité métisse francophone de la rivière Rouge, indique-t-elle.

Revendications territoriales

Certificat émis par le ministère de l'Intérieur du Dominion du Canada.

Après la fondation de la province du Manitoba, des Métis ont reçu des certificats (aussi appelés « scrips ») comme celui-ci, qui devaient leur permettre d'obtenir des terres fédérales.

Photo :  Bibliothèque et Archives Canada

Un autre dossier qui traîne depuis longtemps est celui des revendications territoriales de la FMM. La loi fédérale qui a créé la province du Manitoba, en 1870, prévoyait que les Métis allaient recevoir 1,4 million d’acres (5565 kilomètres carrés) de terres afin de leur permettre de s’établir avant l’arrivée massive de colons.

Après une bataille judiciaire qui a duré 32 ans, la Cour suprême du Canada a statué en 2013 que le Canada n’avait pas agi avec diligence pour mettre en œuvre les dispositions de cette loi. La Cour n’a pas imposé de réparation, mais depuis le jugement, Ottawa et la FMM ont entrepris des négociations pour corriger cette iniquité.

Selon David Chartrand, il n’existe plus vraiment de terres publiques au Manitoba qui pourraient être redonnées aux Métis. La discussion avec Ottawa porte plutôt sur un dédommagement financier qui serait placé dans un fonds pour l’essor des générations futures. Beaucoup de nos gens sont pauvres, fait remarquer le président. Plusieurs ont du mal à joindre les deux bouts, à subvenir aux besoins de leur famille. Ils ont des rêves pour leurs enfants, mais n’ont pas les moyens de les envoyer à l’université.

Le président souligne aussi qu’il est important pour la FMM de discuter avec les Premières Nations sur les façons d’utiliser le territoire. Nous explorons la possibilité d’avoir un protocole d’entente avec les Premières Nations sur la façon dont nous cohabitons sur les mêmes terres et sur les terres de la Couronne. Nous pourrions aussi nous entendre avec elles pour des activités de récolte sur leurs territoires, indique-t-il.

Entre-temps, les consultations régionales sur la négociation du traité avec Ottawa se poursuivent. Elles se termineront le 28 mai par une rencontre avec les aînés et les vétérans.

Le traité devra être ratifié lors d’une assemblée générale extraordinaire de la FMM avant d’être adopté par le Parlement du Canada.

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