Québec nomme un facilitateur dans le dossier de la foresterie chez les Atikamekw
Après Manawan, des familles ont établi des barrages à Wemotaci, ce qui a poussé Québec à agir.

Du bois coupé sur le Nitaskinan, le territoire ancestral atikamekw
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Québec a nommé vendredi un facilitateur afin de dénouer la situation de la foresterie en territoire atikamekw. Depuis plus de trois semaines, des familles de Wemotaci tiennent des barrages sur un chemin forestier à l’instar de celui qui a été établi à Manawan depuis plus d’un an.
La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, ne s'en cache pas. La tenue de nouveaux barrages à Wemotaci a poussé Québec à agir et à nommer Mario Gibeault comme facilitateur dans le dossier.
Il y a eu de nouveaux éléments, de nouvelles situations de blocages à Wemotaci et nous voulons faciliter les échanges... Parfois, il faut faire affaire à quelqu'un d'externe pour en arriver à une sortie de crise
, a-t-elle expliqué en entrevue.

La ministre Blanchette Vézina a indiqué vouloir que les choses bougent rapidement.
Photo : Radio-Canada / Jean-Luc Blanchet
Selon la ministre Maïté Blanchette Vézina, l'impact financier des barrages est important pour les communautés autour et les compagnies forestières
.
Il faut sortir le bois coupé au printemps, donc nous n'avons pas ménagé d'efforts pour sortir le bois, mais dans l'harmonie avec les communautés autochtones.
Elle a estimé que, par cette nomination, Québec veut montrer sa volonté de trouver des solutions pérennes et qui permettent de régler la situation
.
La veille de l’annonce du gouvernement, le grand chef de la nation atikamekw, Constant Awashish, indiquait déjà qu’il y avait une impasse
avec le gouvernement.
Mario Gibeault devra faire ses recommandations au gouvernement dans un mois. Il va, a précisé la ministre, rencontrer l'ensemble des personnes impliquées, faire un diagnostic, trouver des pistes de solutions permettant d'élaborer des scénarios de sorties de crise
.
La problématique est récurrente et généralisée. On a déjà proposé plusieurs solutions [...] mais c’est au point mort
, a soutenu le grand chef Constant Awashish.
Dans un gazouillis, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, a aussi mentionné que le facilitateur aura comme travail de rencontrer les conseils de bande, le Conseil de la Nation Atikamekw [CNA], les familles, alors les différents intervenants, pour trouver des solutions
.
Nonobstant qu'une entente existe dans ce dossier et que ce soit une période électorale, ma collègue @MaiteVezina et moi, avons nommé un facilitateur qui aura le mandat de trouver une solution. J'ai espoir que cela aidera à maintenir des relations harmonieuses entre les nations. pic.twitter.com/r7VVB7zaVQ
— Ian Lafrenière (@IanLafreniere) March 17, 2023
Selon le site du gouvernement, Mario Gibeault a notamment déjà été sous-ministre associé par intérim au ministère des Ressources naturelles, directeur général du Bureau de mise en marché des bois au ministère des Ressources naturelles et membre du Conseil Cris-Québec sur la foresterie. On y apprend également qu'il est membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec.
Zéro respect
Depuis des années, les Atikamekw ont fait part de leur mécontentement sur la gestion de la foresterie sur leur territoire ancestral et se sont plaints des coupes non autorisées, excessives, ayant fait l'objet de consultations inadéquates et d'un retour bien maigre pour les communautés et les chefs de territoire.
Les gouvernements ont l’obligation de consulter les communautés autochtones et, s’il y a lieu, de s'adapter à leurs besoins. Quatre rencontres par année sont généralement planifiées pour finaliser un chantier de coupes avec un chef de territoire qui a les droits sur un secteur précis.
Normalement le bureau de gestion territoriale du conseil de bande gère les demandes d’harmonisation, c'est-à-dire les endroits où il est possible de couper et les compensations prévues. Mais bien souvent, les entreprises contactent directement les familles.
C’est zéro respect, tout le temps
, résume le chef de territoire de Wemotaci, André Ambroise.
Ça fait longtemps que je ne demande plus de coupes, mais ils sont rentrés
, poursuit-il, découragé. Fin février, il a constaté que, dans un secteur où il avait autorisé les coupes, tout était dévasté
. Et dans un autre, où ce n’était pas autorisé, la compagnie avait procédé à des coupes. Il a néanmoins accepté qu'elle récolte le bois coupé, mais il veut un changement rapidement.

Édouard Chilton et son garçon Steven montent la garde à l'un des barrages tenus près de la route entre La Tuque et Wemotaci.
Photo : Gracieuseté : Dave Petiquay
Après des constats similaires, la famille Petiquay a fait part de son mécontentement en installant trois structures de tipis sur la route 25 entre La Tuque et Wemotaci. Les familles Chilton et Niquay se sont jointes au mouvement, selon le porte-parole de la famille Petiquay, Dave Petiquay.
Les barrages ont été installés aux kilomètres 110, 113 et 126.
Beaucoup de familles se sont plaintes que des chantiers avaient été autorisés sans que les consultations soient terminées. Dans des documents, la madame pour le ministère signait aussi pour la partie autochtone. Il y a même des endroits où il est écrit que la famille renonce à ses droits
, explique Dave Petiquay.
Selon lui, le Groupe Remabec est venu dans la semaine pour tenter de passer. Le groupe Remabec, un des acteurs principaux du territoire, a indiqué au journal Le Nouvelliste que la situation mettait en péril 250 emplois et il pressait les partis à s’entendre. La compagnie n’a pas rappelé Espaces autochtones.
On n’en veut plus, des directives du gouvernement. On est une génération qui comprend mieux les documents administratifs, le système et qui se lève. C’est fini l’Indien qui ferme les yeux et qui laisse quelqu’un d’autre signer pour lui
, précise Dave Petiquay. On demande le respect!
Une entente de principe proposée
Mercredi, une entente de principe pour une nouvelle relation entre le Conseil des Atikamekw de Wemotaci et le gouvernement du Québec a été présentée aux chefs de territoire.
Sans en préciser les détails, le chef du conseil, François Néashit, se dit satisfait du libellé, car cela va dans le sens des objectifs de Wemotaci
. Selon lui, on se dirige vers une entente de principe qui va satisfaire les parties en cause
.
Il y a un an, le Conseil des Atikamekw de Wemotaci avait mis en demeure Québec dans le dossier de la foresterie.
On a quand même des résultats tangibles, concrets. Avant la mise en demeure, on avait des discussions stériles, qui n’avançaient pas
, poursuit-il.

Le chef du Conseil des Atikamekw de Wemotaci, François Néashit, dit ne pas vouloir seulement une entente mais des mesures concrètes immédiates.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Les chefs de territoire ont accueilli
le projet d’entente, mais n’ont pas encore décidé de la suite. Selon plusieurs sources, le projet mentionne notamment la création d’un comité mixte un peu à l’image de celui créé par Manawan et qui a déjà rendu ses recommandations l’an dernier. Des zones où il n’y aurait pas de coupes ni de baux de villégiatures accordés sont aussi proposées.
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André Ambroise ne sait pas encore s’il va la signer, il doit consulter sa famille. Au moins, on a quelque chose sur le papier qu’on peut discuter
, lance-t-il. Un autre chef de territoire dit avoir encore beaucoup de questionnements.

André Ambroise ne tient pas de barrages mais ne veut plus de coupes sur son territoire. Il souhaite du respect de la part des compagnies.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Dave Petiquay attend les autres rencontres, mais pour le moment, ce n’est pas satisfaisant
. Il pense que plusieurs Kanikannihetik (chefs de territoire) ne signeront pas. En attendant, les barrages restent maintenus.
La voie qu’on a toujours privilégiée, ce sont les rencontres, la négociation
, précise le chef Néashit. Néanmoins, il reconnaît que ceux qui tiennent les barrages défendent la même chose, les mêmes objectifs que [le conseil] mais ils le font autrement
.
Malgré la proposition d'entente, Québec a décidé de nommer un facilitateur. On ne se rejoignait pas avec la communauté
, a indiqué la ministre.
De son côté, le Conseil de la Nation Atikamekw a convoqué les chefs de territoire le 8 mars afin de les entendre.
Selon le grand chef, Constant Awashish, 43 chefs de territoire essentiellement de Manawan et de Wemotaci étaient présents. Ils ont, a indiqué le grand chef, confirmé leur volonté d’être regroupés : Un territoire, une nation, car pour mieux avancer, il vaut mieux travailler ensemble
. Ils ont aussi rappelé que tous partagent le problème des coupes forestières.
Selon le CNA, la balle est dans le camp
du gouvernement. Il a demandé une rencontre avec les décideurs et les ministres concernés. Il estime que c’est une approche complémentaire et nécessaire avec les chefs de bande
.
Dave Petiquay était présent et affirme que plusieurs chefs sont pour l’unité de la nation avec les trois communautés atikamekw.

Depuis un an, aucun équipement forestier ni abatteuse n’a accès au chemin de traverse qui part du kilomètre 60 et qui entre dans le Nitaskinan en direction de La Tuque, un chemin régulièrement emprunté près de Manawan.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Le chef du conseil de Manawan a aussi assisté à la rencontre. Depuis six mois, Manawan et le gouvernement québécois travaillent à mettre en place des recommandations visant à améliorer la gestion et l’aménagement forestier sur le territoire traditionnel atikamekw, dans Lanaudière au Québec. Sur le terrain, la pression se poursuit avec un moratoire sur la coupe forestière et la tenue d'un barrage routier depuis un an.