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Walgwan veut s’adapter aux besoins changeants des jeunes Autochtones toxicomanes

Le portail d'entrée du Centre Walgwan, en Gaspésie.

Le portail d'entrée du Centre Walgwan, en Gaspésie.

Photo : Centre Walgwan

Le Centre Walgwan, qui propose des programmes de thérapie aux jeunes Autochtones aux prises avec des dépendances, s'est lancé dans une restructuration de ses services en raison de changements notables remarqués depuis la pandémie.

Pour la première fois en 10 ans et afin de s'assurer d'être à jour par rapport aux nouvelles réalités vécues par la jeunesse autochtone, Walgwan a entrepris, en décembre, une grande tournée des communautés qu'il dessert.

Le but? Donner la parole aux jeunes, et se [re]connecter aux communautés pour construire ensemble un meilleur avenir. En entrevue avec Espaces autochtones, la directrice du centre, Pamela Charlong, explique avoir remarqué dans la tournée des communautés que les jeunes ont tendance à être de plus en plus reclus et qu'il y a eu augmentation de la consommation de certaines drogues.

Elle constate également qu'une diversification des services serait de mise, pour accompagner les jeunes plus longtemps et venir en aide à ceux à qui la formule actuelle de thérapie ne convient pas.

Ouvert depuis 1996 à Gesgapegiag, dans la baie des Chaleurs, le Centre Walgwan est le seul organisme de l'Est du Canada à proposer des services de thérapie spécialement réservés aux Autochtones de 12 à 17 ans qui sont aux prises avec des dépendances, ce qui représente un défi en soi.

Tendre l'oreille

Depuis la pandémie, c’est plate, il n’y a plus personne dehors, lance un jeune lors d’une session d’écoute organisée dans la communauté huronne-wendat de Wendake par Jonathan Mercier, un intervenant du Centre Walgwan.

Que les communautés soient urbaines ou éloignées, on entend ce même genre de choses, mais la manière de répondre aux besoins de la jeunesse autochtone est souvent bien différente, selon leurs milieux, explique sur place M. Mercier, en entrevue avec Espaces autochtones.

Selon lui, la légalisation du cannabis en 2018 semble aussi avoir mené à sa banalisation, entraînant une augmentation de la consommation dans les communautés, chez une clientèle de plus en plus jeune.

Jonathan Mercier pose près d'une voiture représentant le logo du Centre Walgwan.

Jonathan Mercier effectue depuis quelques mois des visites dans les communautés autochtones de l'Est du Canada. Il était de passage à Wendake, à côté de Québec, pour rencontrer les responsables des services sociaux et participer à une session d'écoute auprès de jeunes Wendat.

Photo : Radio-Canada / Jérôme Gill-Couture

Nous souhaitons vraiment tendre l'oreille pour entendre ce que les jeunes ont à dire, parce que ce sont eux qui connaissent les réalités actuelles, pas les intervenants qui ont le double de leur âge comme moi, explique-t-il.

La direction de Walgwan, comme les intervenants, constate aussi une moins grande aptitude sociale chez les jeunes, caractéristique de l'isolement qu'ils ont vécu durant la pandémie.

Au cours des dernières années, les Québécois ont été confrontés à des périodes successives de confinement, mais ils pouvaient habituellement se déplacer, aller dans les commerces, etc. Dans certaines communautés éloignées, on ne pouvait plus entrer ou sortir, c'était l'isolement complet, et ça a sûrement contribué à ce que l'on observe chez les jeunes, affirme M. Mercier.

Une barrière routière érigée sur la rue Arnaud entre Uashat et Sept-Îles.

Comme plusieurs autres communautés, celle des Innus de Uashat a choisi de restreindre l'accès à son territoire pour éviter la propagation de la COVID-19, n'autorisant ses membres qu'à aller faire des achats essentiels. Selon les intervenants de Walgwan, ces mesures, bien qu'efficaces, auraient contribué à la réclusion de la jeunesse autochtone.

Photo : Radio-Canada / Marie Kirouac

Combattre le problème à sa source

Le centre tire son origine de la crise des solvants. C'est l'expression utilisée par l'organisme pour faire référence à une épidémie de problèmes d'inhalation de solvants tels que l'essence qui est survenue chez les jeunes de communautés éloignées dans les années 1990.

Dès les débuts, les fondateurs de Walgwan, qui signifie arc-en-ciel en langue mi'kmaw pour représenter la diversité des jeunes accueillis et des cultures dont ils sont issus, ont eu à cœur d'aider les jeunes Autochtones en tentant d'identifier la source de leurs difficultés.

Plusieurs vivent une perte de sens. Il y a les traumatismes intergénérationnels des pensionnats, mais aussi le bouleversement total du mode de vie traditionnel qui est en cause, explique Mme Charlong.

Pour mener une vie équilibrée dans leurs milieux souvent éloignés, les jeunes ont besoin de pratiquer leur culture qui est intrinsèquement liée aux territoires qui les entourent, poursuit-elle. Sinon, plusieurs ne font que se dire qu'ils vivent loin de tout et qu'ils n'ont rien à faire.

Depuis la sédentarisation forcée des peuples autochtones et les sévices subis dans les pensionnats, la transmission de la culture peut difficilement s'effectuer comme avant, et les jeunes en ressentent les effets.

Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, ces chamboulements sont, dans plusieurs cas, bien récents. Rappelons que le dernier pensionnat pour Autochtones au Québec a fermé ses portes en 1991 et que la sédentarisation forcée s'est prolongée jusque dans les années 1970.

Un canot est arrêté sur la berge d'une rivière.

Symbole culturel des Premières Nations, le canot a été utilisé durant des millénaires par celles-ci pour se déplacer sur le territoire. Les jeunes qui fréquentent Walgwan ont l'occasion d'en faire sur la baie des Chaleurs ainsi que sur les cours d'eau situés près du centre.

Photo : Centre Walgwan

« La sécurisation culturelle est la clé, selon nous, et notre tournée nous permet de voir que la culture est toujours importante dans l'esprit des jeunes. C'est pourquoi, au centre, nous faisons des cérémonies de purification tous les matins, nous faisons des sorties en territoire, des tentes de sudation toutes les semaines, etc. [...] Les jeunes ne sont pas forcés, mais participent parce qu'ils en ont envie.  »

— Une citation de  Pamela Charlong, directrice du Centre Walgwan

Adapter les services

Ce n'est pas la première restructuration qu'effectue le centre depuis sa création. Au départ, les jeunes étaient accueillis sur une base volontaire pour un programme thérapeutique qui durait jusqu'à six mois.

En 2013, devant les besoins grandissants, le centre avait réduit la durée des séjours offerts à 14 semaines, pour pouvoir accueillir plus de jeunes durant l'année.

Dix ans plus tard, tout semble aller plus vite, et les jeunes ont tendance à atteindre un plateau plus tôt dans leur cheminement, aux alentours de la dixième semaine, explique M. Mercier. 

Si les jeunes effectuent des progrès rapides au centre, il demeure toutefois difficile de les accompagner quand ils retournent dans leurs familles, qui sont parfois dysfonctionnelles.

La restructuration devrait nous permettre d'effectuer un meilleur suivi et d'être capables de venir en aide aux jeunes même lorsqu'ils quittent le Walgwan, indique Pamela Charlong.

Nous évaluons également la possibilité de fournir des services de thérapie familiale, pour s'assurer qu'à leur retour, les jeunes auront la possibilité de vivre dans un milieu sain, ajoute-t-elle.

Pour celle qui travaille au centre depuis 1997, l'évolution des technologies depuis cette époque a apporté de nouvelles possibilités qui permettent de mieux garder contact avec les jeunes après leur retour dans leurs communautés.

« La thérapie, ça ne convient pas à tout le monde, alors nous pourrions créer un nouveau programme d'aide qui s'effectue à distance ou en formule hybride. »

— Une citation de  Pamela Charlong, directrice du Centre Walgwan

Un regard vers l'avenir

De nombreux questionnements animent les discussions sur la meilleure manière d'orienter les services offerts par le centre dans le futur.

Il y a 11 nations autochtones au Québec et dans les provinces de l'Est. Chacune a ses particularités culturelles. Lors de nos visites, nous avons vu que certaines d'entre elles créent des endroits qui aident leurs membres à s'engager dans des processus de guérison localement, basés sur leur propre culture, explique la directrice.

Une personne joue du tambour assise dans la forêt.

Le tambour est un instrument qui revêt un caractère sacré pour plusieurs nations autochtones qui l'emploient lors de différentes cérémonies, dont celles de guérison. Le Centre Walgwan les utilise pour différentes activités.

Photo : Centre Walgwan

Puisqu'on ne peut répondre à tous les besoins, et que la sécurisation culturelle est fondamentale, nous ne pouvons qu'appuyer ces initiatives locales des communautés, exprime-t-elle.

Éventuellement, Mme Charlong aimerait voir apparaître, au sein des nations où c'est possible, un endroit où jeunes et moins jeunes peuvent se rendre pour entrer en contact avec leur culture et leur territoire, et pour favoriser leur bien-être.

Et pour les nations qui n'ont pas les moyens de créer ce genre d'endroit, Walgwan sera toujours là pour accueillir ceux qui le désirent, dit-elle. [...] Malgré la complexité de la situation, et l'étendue des besoins, nous continuerons d'adapter notre approche et de nous questionner pour tenter d'offrir des services qui correspondent à la réalité et aux aspirations de la jeunesse des premiers peuples.

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