Femmes autochtones d’influence en dix courts portraits

Une femme brandissant une plume d'aigle au passage d'un convoi de camionneurs, en soutien au peuple Tk'emlups te Secwepemc, après la découverte des restes d'enfants enterrés près de l'ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops, en Colombie-Britannique.
Photo : The Canadian Press / Darryl Dyck
Afin de souligner la Journée internationale des femmes, Espaces autochtones vous propose les portraits d’une dizaine de femmes autochtones qui se distinguent dans les milieux artistique, politique, syndical et universitaire. Un choix qui comporte nécessairement une part de subjectivité, mais qui illustre éloquemment l'influence grandissante des femmes autochtones au sein des sociétés québécoise et canadienne.
Cindy Blackstock
Membre de la nation gitxsan en Colombie-Britannique, Cindy Blackstock est directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, en plus d’être professeure à l'École de service social de l'Université McGill.
Depuis plus d’une décennie, Mme Blackstock mène un combat pour la reconnaissance et la réparation des torts vécus par les enfants autochtones au pays. Ce combat a permis d’aboutir à deux décisions du Tribunal canadien des droits de la personne, qui reconnaissait qu’Ottawa exerçait de la discrimination envers les enfants des Premières Nations.
À la suite de ces deux décisions, le fédéral a été sommé d'offrir une compensation aux enfants lésés.
Pour Cindy Blackstock, être une femme autochtone lui a donné accès à une manière de voir le monde qui lui a permis de travailler collectivement et avec intégrité afin de créer un monde meilleur pour les enfants autochtones.
Savoir que nos ancêtres seraient fiers de ce monde auquel on aspire est comme une lumière qui guide mon travail
, écrit-elle à Espaces autochtones.
Michèle Audette
La sénatrice Michèle Audette, une Innue de Uashat mak Mani-utenam, s’investit depuis les années 1990 à l’amélioration des relations entre Autochtones et non-Autochtones.
Elle a auparavant été commissaire à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA). Elle a également occupé les postes de présidente à Femmes autochtones du Québec (FAQ) et à l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC).
[Je m’identifie] à une femme, une femme innue, une nukum, qui a soif de justice et de justice sociale et qui croit profondément que cela passe en grande partie par l’éducation
, peut-on lire dans un message envoyé à Espaces autochtones.
C’est un mélange de résilience, de force, de courage, de volonté, de frustration, de désarroi, de compréhension, de douceur, d’ouverture, de patience qui m’habitent, m’animent et me nourrissent, ajoute-t-elle. C’est cet ancrage à mes racines profondes, l’authenticité, la transparence et la vérité qui contribuent à mes réalisations.
Sheila Watt-Cloutier
Originaire de Kuujjuaq, Sheila Watt-Cloutier est une femme politique et militante écologiste inuk. Mise en nomination pour le prix Nobel de la paix en 2007, elle a travaillé au sein de la Société Makivik et de la Conférence circumpolaire inuit, l'organisation internationale qui représente les Inuit du Canada, des États-Unis, du Groenland et de la Russie.
Pour Mme Watt-Cloutier, la protection de l'environnement est liée aux droits de la personne. Elle a d'ailleurs consacré un livre à ce sujet intitulé Le droit au froid, paru chez Écosociété en 2019.
Mon travail des 27 dernières années pour la lutte aux changements climatiques est enraciné dans mon héritage culturel
, explique Mme Watt-Cloutier dans une déclaration écrite qu'elle nous a fait parvenir.
Nous sommes tous interconnectés par les défis de l'Arctique, car ce qui se passe dans l'Arctique ne reste pas dans l'Arctique, poursuit-elle. Au fur et à mesure que la glace s'en va, la sagesse inuit s'en va et cela aura un impact sur tout le monde à plusieurs niveaux sur la planète.
Émilie et Caroline Monnet
Les sœurs Émilie et Caroline Monnet, Françaises par leur père et Anishinabeg de Kitigan Zibi par leur mère, sont des incontournables du monde artistique autochtone. Elles sont toutes les deux artistes multidisciplinaires.
C’est au théâtre et dans la performance que s’applique Émilie Monnet. Elle s’intéresse aux thèmes de la mémoire, de l’histoire et de la transformation.
Je dirai qu'à la base, c'est le fait d'être entourée de femmes autochtones qui me permet de me réaliser et de prendre davantage confiance en ma voix, écrit-elle. Ces liens forts m'apportent un ancrage précieux, autant personnellement qu'artistiquement, et me permettent de déployer mes projets.
Quant à Caroline Monnet, elle se sert de la vidéo, de la peinture et de la sculpture pour explorer l’identité et la vie biculturelle à travers l'examen des histoires culturelles
, apprend-on sur son site web.
Il me paraît impossible de dissocier mon identité de femme anishinaabe de ma pratique artistique, nous écrit Caroline Monnet. Elle nourrit ma détermination à faire bouger les choses, elle me donne de la force pour m’exprimer sans filtres, et elle m’ancre dans mes valeurs. C’est en m’affirmant comme Anishinaabe kwe que je peux repousser mes limites personnelles et professionnelles.
Magali Picard
Membre de la nation huronne-wendat de Wendake, Magali Picard est la présidente de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ) depuis janvier 2023.
Mme Picard œuvrait auparavant à l'Alliance de la Fonction publique du Canada. Elle a occupé le poste de vice-présidente directrice nationale et a mené la longue bataille pour faire indemniser les victimes du système de paie Phénix.
Tout part du fait que je suis une femme autochtone et ce qui fait que la femme que je suis aujourd’hui vient de mes racines, nous écrit-elle. Cette résistance et cette conviction, c’est pour me sentir libre, me sentir pleine et entière dans ma vie.
Pour Magali Picard, voir les femmes de sa famille, dès son jeune âge, lutter contre les injustices causées par la Loi sur les Indiens a été inspirant.
Cela a façonné la femme que je suis aujourd’hui, à savoir la femme qui ne reste jamais silencieuse devant une injustice et qui se lève debout et milite pour dénoncer!
, écrit-elle aussi.
Alanis Obomsawin
La cinéaste abénakise Alanis Obomsawin, originaire d’Odanak, a voué sa longue carrière à témoigner des réalités des Premières Nations. Sa collaboration avec l’Office national du film (ONF) a débuté en 1967.
Ses documentaires sur la crise d’Oka de 1990 et sur la guerre du saumon en 1981 sont reconnus internationalement.
C’est important que les gens de tous les âges apprennent notre histoire et qu'ils voient vraiment ce qui s’est passé et combien nous avons travaillé fort pour faire avancer les choses. Beaucoup de gens n’ont peut-être pas vu ces films-là et ne sont pas au courant de l'histoire de nos nations
, disait-elle lors d’une entrevue à Espaces autochtones en 2021.
En plus du cinéma, elle a touché à la chanson avec l'album Bush Lady, paru en 1988. Mme Obomsawin s’est également consacrée à l’art de la gravure entre 1960 et 2000. Son imposante collection a fait l’objet d’une exposition du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), il y a quelques années.
Nakuset
Nakuset, une Crie de Lac la Ronge en Saskatchewan, est la directrice du Foyer pour femmes autochtones et elle est la cofondatrice de Résilience Montréal. Elle est une figure active de la lutte contre l’itinérance autochtone dans la métropole québécoise.
Survivante de la rafle des années 60, elle a été adoptée, enfant, par une famille juive de Westmount.
En grandissant, j’ai toujours été curieuse, voire un peu désespérée, d’en apprendre sur ma culture, mais ce désir a été réprimé par ma famille adoptive
, confiait-elle en 2021, lors d’une entrevue à Espaces autochtones.
Également chroniqueuse dans divers médias, elle a été nommée Femme de l’année en 2014 par le Conseil des femmes de Montréal.
Leah Gazan
La députée néo-démocrate Leah Gazan est née d’une mère lakota et d’un père Juif des Pays-Bas. Elle a été élue dans la circonscription de Winnipeg-Centre pour la première fois en 2019.
Pour Leah Gazan, sa mère est une inspiration de tous les instants.
Je suis la fière descendante d'une matriarche Lakota forte, gentille, douce, brillante et aimante [...] qui a traversé une grande adversité pour devenir une infirmière psychiatrique et une travailleuse sociale primée. Elle a passé sa vie à se battre pour les droits humains des femmes, des personnes aux prises avec leur santé mentale et des enfants
, raconte-t-elle dans un message envoyé à Espaces autochtones.
Bien qu'elle ne soit plus avec moi dans le monde physique, je porte ses sages enseignements dans mon cœur
, souligne-t-elle.
À la Chambre des communes, Mme Gazan travaille notamment à l’avancement des questions concernant les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Elle plaide entre autres pour la création d’une alerte robe rouge, à l’image de l’alerte Amber, qui serait déployée lors de la disparition d’une femme autochtone.
En 2022, elle a participé aux travaux d’un comité parlementaire concernant les violences subies par les femmes autochtones aux mains de travailleurs non autochtones, dont l’étendue a été révélée dans un rapport.
Cassidy Caron
Cassidy Caron est la présidente du Ralliement national des Métis. Élue en 2021, elle œuvrait auparavant à la nation métisse de la Colombie-Britannique.
En 2022, Mme Caron faisait partie de la délégation autochtone qui s'est rendue au Vatican et a rencontré le pape François. Elle a également suivi sa visite au Canada qu'elle a jugée décevante
, puisque le souverain pontife n'a pas réitéré ses excuses devant les survivants des pensionnats métis au lac Sainte-Anne, en Alberta.
Mon cœur se brise [pour ces survivants]. J’espère que les excuses au Vatican et à Maskwacis leur apporteront quand même un peu de réconfort dans leur chemin de guérison
, disait-elle à Radio-Canada en juillet 2022.
Cassidy Caron souhaite maintenant que la couronne britannique reconnaisse son rôle dans le système des pensionnats et présente des excuses. Elle a d'ailleurs soumis cette demande au roi Charles III lors de sa dernière visite au Canada.