Expédition P.N. : la joie de revoir les siens, la tristesse de quitter sa nouvelle famille

Carol Dubé avait du mal à se frayer un chemin parmi la foule venue le saluer.
Photo : Gracieuseté : Audrey Mc Mahon
Des centaines de personnes étaient réunies pour accueillir chaleureusement les participants de la première édition de l’expédition des Premières Nations à leur arrivée à Uashat Mak Mani-utenam. Pour les motoneigistes dont l'endurance a été mise à rude épreuve, l’émotion était double : la joie de revoir leurs proches, mais aussi la tristesse de laisser une nouvelle famille.
Selon l’organisation, les participants ont parcouru 4275 kilomètres en 17 jours, avec des conditions souvent difficiles : froid, terrain compliqué, bris mécaniques, engelures…
Le long de la route menant au site de l’ancien pensionnat pour Autochtones de Mani-utenam (désormais le site du festival Innu Nikamu), les gens étaient massés, portant des chandails et des banderoles symbolisant les trois causes soutenues par l’expédition : les femmes assassinées et disparues, les enfants des pensionnats et feue Joyce Echaquan.
Entre les applaudissements, les cris, les klaxons et les mains tendues pour les accueillir, les participants ne savaient plus où donner de la tête.
« Ça fait chaud au cœur. Je suis fatigué, mais j’aime ça. L’accueil est vraiment beau, incroyable! »
Quelques secondes plus tard, sa famille lui saute littéralement au cou. On est fiers de toi! Bravo!
Une scène qui se répétait à chaque motoneige.
Les participants avaient du mal à avancer. Il faut dire qu’à l’avant du cortège, une personne était particulièrement saluée par la population : Carol Dubé, le conjoint de Joyce Echaquan, morte de façon tragique à l'hôpital de Joliette deux ans plus tôt.
Peu avant l’arrivée dans Mani-utenam, la communauté innue près de Sept-Îles, les motoneigistes avaient fait un arrêt pour que Carol Dubé et les neuf femmes participant à l'expédition se placent en tête du cortège.
Le conjoint de Joyce Echaquan gardera de très bons souvenirs de ce grand défi, lui qui n’avait pas prévu de faire l’expédition au complet.
« Tout ce que j’ai vécu, je l’amène avec moi, la résilience surtout. J’arrive peut-être au chemin du pardon. J’y ai beaucoup pensé. Je sais que ça ne va pas effacer ce qu’on a vécu, ce que tous ont vécu, mais ça va guérir. »

La délégation de l'expédition des Premières Nations a conclu son périple dans la communauté de Uashat mak Mani-utenam, samedi soir. Des centaines y étaient rassemblées pour accueillir les motoneigistes qui ont parcouru près de 4000 km en l'espace de 18 jours.
Photo : Radio-Canada / Catherine Paquette
Les femmes avaient aussi un rôle important à jouer lors de l'expédition. Peggie Jérôme, une Anishinabe de Lac-Simon, faisait partie des gardiennes du feu sacré.
On a eu le feu sacré dans chaque communauté. On a fait beaucoup de cérémonies pour ramener la réconciliation. La place des femmes et des enfants dans les communautés, leur disparition, ça touche beaucoup les communautés
, explique Peggie Jérôme.
Alors un tel accueil, accompagné aussi de chants et de tambours, c’est époustouflant
, lance-t-elle.
« On ne s’en rend pas compte, car on est sur les machines. On roule toute la journée, mais on arrive et on touche beaucoup de cœurs. C’est émouvant de voir ça. »
Germaine Dubé, en larmes, porte son panneau de félicitations. Elle est venue accueillir ses deux petits frères, Aurèle et Florian Dubé.
Ils m’ont manqué et je trouve qu’ils sont des ambassadeurs pour la paix, pour la résilience et contre le racisme. C’est un beau geste qu’ils ont fait, toute l’équipe
, dit-elle.
Germaine Dubé est persuadée qu’une telle expédition peut changer les choses. Elle l’a d’ailleurs déjà remarqué pendant le long trajet qui l’a menée sur la Côte-Nord. J’entendais les gens en parler, ils viennent nous en parler plus qu’avant. J’ai espoir, il ne faut pas lâcher!
En descendant de leurs motoneiges, les participants se félicitent, s’enlacent. On y est arrivés!
Un mot revient à chaque conversation : la fierté. Les gens sont fiers des derniers jours. Ils sont fiers d’être passés au travers d’une aventure comme celle-ci. La plupart parlent de leurs frères et de leurs sœurs en faisant référence aux autres participants, qu'ils ne connaissaient pourtant pas avant le 16 février, date du départ.
C’est incroyable, c’est vraiment spécial. Je suis très ému
, raconte le Naskapi Derek Jeremy Einish.
« Chaque jour, on est devenus plus forts. Comme groupe, on a réussi. Je ne les appelle plus mes amis, mais mes frères et mes sœurs. »
En regardant le feu d’artifice offert en leur honneur, Marcellin Michel de Uashat Mak Mani-utenam est très touché, ému
. Le participant qui a guidé l’équipe sur ses terres lors des dernières étapes ne s’attendait pas à autant.
C’est une belle aventure qui va rester gravée dans mon cœur. On voit le lien quand les nations se tiennent ensemble avec les non-Autochtones, on va loin.
« On a vu des participants qui étaient très résilients. Des vrais guerriers de la réconciliation. »
Quand vient le temps de parler des moments vécus dans les communautés parcourues, l’émotion se fait sentir. Il est également reconnaissant de l’appui de tous les supporters. La source de motivation était de franchir la dernière étape, chose qui a été accomplie à 19 h 30.
Quand on est arrivés ici, on a pris une petite pause de 15-20 minutes, le temps de décompresser et de revenir à la réalité
, poursuit-il.
Le voyage aura été éprouvant par moment pour plusieurs. Quant à la question d’une possible deuxième édition, Christian Flamand dit avoir besoin de temps pour réfléchir, mais il ne ferme pas la porte complètement.
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