Retour de la « Journée carrières » à Manawan
La pandémie avait mis sur pause cette journée où il est question d'avenir, d'études et de recrutement.
Le directeur de l'école secondaire Otapi, Sakay Ottawa, a invité de nombreux établissements d'enseignement et entreprises à participer à l'événement.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Après deux ans d’absence, centres de formation, cégeps ou encore employeurs sont venus présenter leurs offres et services à plus de 200 élèves de l’école secondaire Otapi de la communauté atikamekw de Manawan, au Québec.
Une occasion pour les jeunes de découvrir des métiers, pour les collèges d’attirer de futurs élèves, et pour les entreprises de tenter de recruter dans le futur pour contrer la pénurie d’employés.
En tout, 26 exposants sont venus se présenter : établissements scolaires, organismes comme le centre d’amitié de Trois-Rivières, entreprises privées comme la scierie St-Michel, ou encore les Forces armées canadiennes et la Caisse Desjardins.
C’était un moment attendu
, explique le directeur de l’école, Sakay Ottawa. La pandémie avait mis sur pause cette journée qui s’adresse principalement aux élèves, mais où les décrocheurs et les adultes à la recherche d’un emploi ou d’une reconversion sont aussi invités à venir faire un tour.
Les gens de la communauté nous la demandaient. Il y a un engouement pour cette journée importante pour l’école et la communauté
, poursuit Sakay Ottawa.
La Journée carrières
est organisée depuis 15 ans. Chaque fois, on essaie de varier les domaines d’études et les exposants. Dans les dernières années, on a beaucoup invité les domaines d’études professionnelles. Par exemple, les secteurs de la machinerie lourde, de la foresterie, de l'environnement ou encore de la santé
, précise le directeur de l’école Otapi.
Devant le kiosque Ressources territoriales, Thomas Elie-Quitich, 16 ans, boit les paroles de Casimir Boivin, technicien de la faune pour le Conseil des Atikamekw de Manawan. Ce jeune de 4e secondaire réfléchit à ce qu’il veut faire.
Il avait déjà croisé les techniciens de la faune à Manawan, mais ne leur avait jamais posé de questions. Thomas savait qu’il voulait passer toute la journée dans le bois
, mais en discutant avec Casimir Boivin, il a eu un déclic.
La journée a été utile. Il m’a dit qu’il n’y avait pas de biologiste autochtone, donc je vais aller demander au kiosque des cégeps quel est le parcours à faire après le secondaire
, raconte le jeune Atikamekw.
Chaque année, environ 12 élèves de Manawan, sur environ 15 qui finissent le secondaire, poursuivent leurs études au niveau collégial, un chiffre qui a presque doublé en quelques années. Selon le recensement de Statistique Canada de 2016, 17 % des 25 ans et plus ont un niveau collégial, et 4 %, un niveau universitaire, à Manawan.
La réussite éducative est la préoccupation numéro un qui est ressortie d’un sondage mené par le Conseil de la Nation Atikamekw auprès des jeunes en 2021. Selon le sondage, 61 % des répondants ont un niveau d’éducation de niveau secondaire ou inférieur, mais près d’un sur deux dit ne pas avoir atteint ses objectifs.
Faire connaître les différents parcours
Thomas se dirige vers le kiosque du Collège Ahuntsic de Montréal venu présenter sa panoplie de cours. Gilbert Niquay, le facilitateur à la vie autochtone, se tient prêt à répondre aux élèves, y compris en atikamekw pour les plus gênés
Gilbert Niquay est de Manawan. Il a étudié dans l'école secondaire où se déroule la Journée carrières
. Mais il y a plus de 15 ans, un tel événement n'existait pas. Les seules options offertes : aller aux portes ouvertes des cégeps de Trois-Rivières et de Joliette.
« Maintenant, ils ont plus de choix, et pas besoin de se déplacer. Ça leur permet de voir qu’il y a une possibilité pour eux. J’espère que ça va augmenter la motivation pour poursuivre leurs études. Et de voir un Autochtone travailler pour ces services, ça leur fait quelque chose! »
Pour lui, il est essentiel de parler aux élèves du parcours d’autochtonisation, en cours au Collège Ahuntsic, et de la sécurisation culturelle.
L’Institution Kiuna, qui propose des formations collégiales pour les Autochtones, essaie de faire le tour des communautés chaque année lors des journées carrières.
Sans pouvoir donner de chiffres, l’animatrice à la vie étudiante, volet culturel, Lisa-Marie Coocoo, affirme que le nombre d'inscriptions augmente. Mais elle explique qu'avant tout, le but de Kiuna est d’assurer une présence dans les communautés, que ce soit comme un automatisme pour les élèves : Kiuna, c’est le collège des Premières Nations.
Semer pour recruter dans le futur
Dana et Nahliah, 13 ans et en 2e secondaire, ont déjà fait leur choix : être ambulancières pour sauver des personnes
, lancent-elles avec un grand sourire.
Alors quand un ambulancier paramédical du groupe ambulancier Paraxion propose d’essayer de faire des massages cardiaques, elles foncent et posent les mains sur le mannequin.
Au kiosque, les jeunes posent des questions sur le métier, les salaires et le parcours à faire pour y arriver. C’est la première participation de l’entreprise privée de services préhospitaliers en région.
Les entreprises sont impliquées
, lance le chef des opérations régionales, secteur ouest, de Paraxion, Sébastien Denis.
« Tout le monde est en pénurie. C’est aussi important de se rapprocher de la communauté et de réussir à amener les jeunes dans un domaine qui n’est pas très connu. C’est une belle opportunité. »
Manawan a une ambulance et attend la deuxième début avril. Mais pour l'instant, un seul des ambulanciers est atikamekw.
Plusieurs entreprises expliquent vouloir recruter des Atikamekw pour qu’ils puissent travailler dans leur communauté ou aux alentours.
Deux kiosques attirent de nombreux jeunes : celui de l'armée canadienne et celui du service de police de Manawan. Le chef intérimaire de la police répond aux questions, tout comme une policière atikamekw venue d’Opitciwan et un jeune qui vient juste de finir sa technique.
« On est en plein recrutement, on veut préparer le terrain pour la relève, car on est plusieurs policiers qui, d’ici six ans, vont partir à la retraite. »
Idéalement, il faudrait à l’heure actuelle quatre autres policiers, précise Rocky Niquay, qui se dit content que plusieurs élèves aient montré un réel intérêt
.
Hésitante, Maïna Dubé-Moar navigue entre deux kiosques avant de s’arrêter et de prendre les brochures de l’entreprise Nouveau Monde Graphite. Finalement, elle veut suivre le parcours de son père, qui a creusé des mines. La compagnie souhaite ouvrir une mine de graphite à ciel ouvert.
Pour Maïna Dubé-Moar et plusieurs camarades, cette journée aura donc permis de répondre à quelques questions. Elle sait bien que le parcours n’est pas fini et qu’elle aura encore le temps de réfléchir à son avenir. Mais déjà, elle a pu avoir un petit échantillon des possibilités qui s’offrent à elle.