Kanesatake : Serge Otsi Simon élu chef dans un conseil de bande à la dérive

Serge Otsi Simon est de retour au conseil de Kanesatake, une petite communauté mohawk située près de Montréal. (Photo d'archives)
Photo : Radio-Canada / Jean-Francois Villeneuve
Guerre des clans, luttes intestines, interventions de la Sûreté du Québec, fronde des chefs qui accusent le grand chef Victor Bonspille de népotisme, rien ne va plus au conseil de bande de Kanesatake. C’est dans ce contexte très tendu que Serge Otsi Simon inaugure son retour après avoir remporté un des sièges de chef au conseil lors d’élections partielles qui avaient été retardées pour des raisons restées obscures.
Élu le 21 janvier chef par 105 voix contre 55 pour Shirley Bonspille et 42 pour Lourena Rurina Montour, Serge Otsi Simon revient sur la scène politique. Grand chef de Kanesatake pendant 10 ans, le Mohawk avait pourtant annoncé son retrait après sa défaite à la dernière élection dans sa communauté, à l'été 2021.
La situation est devenue intenable et précaire depuis l’arrivée de Victor Bonspille
, lance au bout du fil Serge Otsi Simon. Il tente de donner tous les pouvoirs du conseil à sa sœur jumelle [Valerie Bonspille] pour qu’elle soit responsable de tous les portefeuilles.
Le fait qu’une autre des sœurs du grand chef se soit présentée à l’élection partielle prouve la volonté de Victor Bonspille de mettre ses proches aux commandes, affirme Serge Otsi Simon, qui a pris officiellement ses fonctions lundi dernier.
Bonspille enlève les portefeuilles aux chefs qui ne sont pas d’accord avec ses façons de faire, affirme-t-il. Il travaille pour ses intérêts personnels et non pour la collectivité.
« Je reviens pour le bien de ma collectivité. C’est un gros défi, mais je compte sur mon expérience pour faire avancer les priorités au-delà des querelles. »
Le nouveau chef parle d’une atmosphère de plus en plus toxique au sein du conseil, qui empêche tout règlement ou consensus. Le système démocratique est en train de s’effondrer au profit de Victor Bonspille qui veut installer la dictature, déplore Serge Otsi Simon. Il est inapte et incompétent, et je crains une aggravation de la situation.
On sait que les deux hommes sont présentement à couteaux tirés et qu'ils s’accusent mutuellement d’être responsables du délitement du conseil mohawk. Il reste que, hormis la sœur jumelle du grand chef, les cinq chefs du conseil s’opposent ouvertement à Victor Bonspille.
En tant que grand chef, je n’ai jamais agi de cette manière, dit Serge Otsi Simon. Il reste que j’ai été élu et je vais faire avancer les dossiers qui comptent pour ma communauté.
Serge Otsi Simon dans la mire du grand chef
Le conseil mohawk traverse une sérieuse crise interne. Élu grand chef en août dernier avec la promesse d'apporter des changements positifs dans sa communauté en remettant Kanesatake sur le droit chemin, Victor Bonspille doit aujourd’hui faire face à un véritable soulèvement.
Joint par téléphone, le grand chef rejette les accusations du revers de la main et voit d’un mauvais œil l’arrivée de Serge Otsi Simon au conseil.
Il va empirer la situation qui est déjà assez malsaine, affirme-t-il. Quand il était grand chef, il agissait narcissiquement sans jamais demander l’avis de la communauté. Il est en partie responsable de la situation actuelle.
Ce qu’ils [chefs du conseil] n’apprécient pas, c’est que je me tourne auprès des membres de la communauté parce qu’ils ont décidé de bloquer le fonctionnement du conseil
, poursuit-il.
« Ma job, c’est d’informer ma communauté de ce qui se passe et faire en sorte que le conseil œuvre pour le bien de tous. Les chefs n’apprécient pas ma transparence. »
Pour Victor Bonspille, les chefs réfractaires (5 sur 6) tentent de l’empêcher de travailler en bloquant toute décision. Bien qu’il assure mener les affaires courantes, les grandes décisions restent au point mort. Hormis ma sœur, les chefs du conseil ont des "agendas" personnels, et ce n’est pas bon pour la communauté
, affirme-t-il.
En septembre dernier, des médias ont rapporté des altercations violentes survenues, d'une part, entre lui et sa sœur jumelle, la cheffe Valerie Bonspille, et, d'autre part, le reste des membres du conseil.
La SQ a confirmé l’intervention des forces policières, expliquant qu’une enquête était en cours. J’espère qu’il y aura des actions pénales prises à l’encontre des responsables
, dit Victor Bonspille.
De son côté, un des chefs du conseil, Brant Etienne, continue d’accuser Victor Bonspille d'agir de façon autoritaire
sans prendre en compte les positions et les avis de ses conseillers.
Rien n’a évolué dans le bon chemin, si ce n’est l’arrivée de Serge Simon, indique-t-il en entrevue. Il a empêché l’élection de la sœur du grand chef et c’est une très bonne nouvelle pour la démocratie à Kanesatake.
Le chef Etienne dit éviter de rencontrer le grand chef pendant les réunions afin de ne pas envenimer
la situation. On a un sérieux problème et je ne vois pas la lumière au bout du tunnel
, conclut-il.