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Punaises de lit, discrimination, mauvaise gestion… le centre Ullivik dans l’embarras

Le centre Ullivik de Montréal, qui accueille les Inuit pour y recevoir des soins, cumule les mauvaises notes.

Des autocars stationnés devant le centre.

Le centre d'hébergement Ullivik est situé en bordure de l'autoroute 520 à Dorval. Les Inuit qui voyagent dans le sud du Québec pour recevoir des soins médicaux peuvent y demeurer entre leurs rendez-vous.

Photo : Radio-Canada / Khaled Yeddes

Radio-Canada

Nellie Tookalook était à Ullivik le mois dernier avec son fils, qui devait être opéré pour une fracture à la jambe.

Bien qu'elle soit reconnaissante d'avoir pu séjourner dans le centre pendant une période difficile, Mme Tookalook raconte que les couloirs étaient sombres, et que les lits et les oreillers étaient inconfortables.

Ils ne conviennent pas aux personnes qui se remettent d'une fracture, a-t-elle précisé.

Mais sa plus grande plainte concernait le personnel de la réception. Certains employés auraient été irrespectueux selon elle. Alors qu’elle voulait se plaindre d’un manque de considération, elle s’est adressée à un employé du centre.

Inukshuk à Kuujjuaq.

La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik est basée à Kuujjuaq.

Photo : Radio-Canada / Eilís Quinn

Je lui ai dit que je n'aimais pas la façon dont nous étions traités et il m'a dit de parler à l'un de ses superviseurs. J'ai demandé qui était le superviseur et il m'a dit de me débrouiller toute seule, a-t-elle raconté.

« Les personnes qui travaillent pour nous doivent être plus compréhensives, plus attentionnées et ne pas être aussi grossières. »

— Une citation de  Nellie Tookalook, mère d'un patient

Elle a ajouté que de nombreux patients ont l'impression que leurs commentaires ont été ignorés.

Je pense que les gens qui dirigent l'endroit doivent inspecter tout le bâtiment. Les douches, les lits. Ils doivent aller voir par eux-mêmes pour voir de quoi nous parlons, a dit Mme Tookalook.

Misty Tertiluk a séjourné à Ullivik pendant 12 jours en octobre. Elle a dit que l'établissement était sale et qu'un membre du personnel est venu à l'improviste dans sa chambre pour vérifier qu'elle allait bien pendant la nuit.

Je ne veux plus jamais entrer dans ce bâtiment, a-t-elle déclaré dans un échange sur Facebook.

Des chercheurs conduiront différents tests de santé auprès de 2000 résidents.

Plusieurs experts s'accordent à dire qu'envoyer les Inuit se faire soigner au sud de la province n'est pas une solution adéquate.

Photo : Reuters / Lucy Nicholson

Une autre femme qui a séjourné à Ullivik à plusieurs reprises a déclaré que les gardes de sécurité et les chauffeurs qui emmènent les patients à l'aéroport et les ramènent font eux aussi partie du problème. Elle dit s'être sentie victime de discrimination en raison de ses origines.

Tous les Inuit sont mis dans la même catégorie, celle des ivrognes, dit-elle.

La femme, et plusieurs autres personnes qui ont parlé avec CBC, ont demandé à ne pas être identifiées parce qu'elles comptent sur Ullivik et s'attendent à devoir y séjourner à nouveau lorsqu'elles recevront un traitement médical.

Cumul de problèmes

Pendant des années, les Inuit qui s'envolaient vers Montréal pour y recevoir des soins médicaux étaient relégués dans un YMCA situé à l'ouest du centre-ville.

Enfin, en 2016, un nouveau centre appelé Ullivik a été ouvert près de l'aéroport de la ville, et était destiné à servir de lieu de guérison pour les centaines de personnes qui chaque mois viennent se faire soigner dans la métropole.

En effet, même si le Nunavik compte deux centres de santé sur son territoire, pour les interventions majeures et les cas plus complexes, les patients doivent se déplacer vers les hôpitaux de Montréal.

Offrir un environnement accueillant a été un défi dès le début.

Lorsque le centre de 91 chambres et de 143 lits a ouvert ses portes il y a cinq ans, il a été considéré comme une amélioration dans l'accès aux soins de santé pour les Inuit vivant au Nunavik, le territoire autonome du nord du Québec.

Mais rapidement, il s’est avéré trop petit.

Une vue devant le bâtiment.

Le centre Ullivik à Dorval a une capacité de 143 lits ce qui ne semble pas être assez.

Photo : Radio-Canada / Mathias Marchal

Le jour de son ouverture, Ullivik a dû louer 11 chambres dans un hôtel voisin pour accueillir le surplus de patients.

Depuis, Ullivik a conclu un accord avec un hôtel voisin pour y loger plusieurs dizaines de patients par nuit. Cet hôtel a également fait l'objet de plaintes similaires, notamment de punaises de lit et de tensions avec le personnel.

Des patients d'Ullivik ont publié sur les médias sociaux des dizaines de photos de punaises de lit et de nourriture peu appétissante, et se sont plaints du traitement à leur égard de la part du personnel de sécurité.

Le centre a également dû faire face à une forte rotation du personnel et à des allégations de mauvaise gestion. Au milieu de ces bouleversements, Rita Novalinga a été embauchée comme directrice d'Ullivik en novembre. Elle est devenue la cinquième personne à occuper ce poste depuis 2020.

Deux hommes portant des masques chirurgicaux transportent une boîte à la sortie d'un petit avion.

Des centaines de voyages sont organisés par an pour amener des Inuit à Ullivik.

Photo : Courtoisie : Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik

J'ai deux rôles à jouer : faire preuve de compassion et être un leader, a déclaré Mme Novalinga, ancienne secrétaire générale de la Société Makivik, une organisation qui représente les Inuit du Nunavik.

En août dernier, deux femmes séjournant au pavillon ont été heurtées et tuées par des véhicules sur l'autoroute voisine, à moins de 24 heures d'intervalle.

Leurs décès font l'objet d'une enquête du bureau du coroner du Québec.

Par ailleurs, une pétition en ligne lancée plus tôt cette année compte près de 1000 signatures. Elle décrit la nourriture comme étant atroce et le personnel condescendant envers ceux qui y séjournent.

Selon le ministère de la Santé du Québec, il y a eu plus de 5000 voyages à Montréal en provenance du Nunavik pour des soins médicaux en 2019-2020, ainsi qu'environ 2000 voyages pour des accompagnateurs.

L'année suivante, le volume a chuté à environ 3800 voyages pour les patients et 1500 pour les accompagnateurs en raison de la pandémie.

Problèmes de sécurité et de gestion

Le centre a une politique d'interdiction d'alcool et de drogues, mais il a du mal à contrôler le problème. Entre août et octobre 2022, un tiers des 826 incidents signalés à Ullivik étaient liés à la consommation d'alcool ou de drogues, selon une présentation faite lors d'une réunion du conseil de l'autorité sanitaire.

Le centre dispose d'une salle tranquille où les patients peuvent retrouver leurs esprits. Il a également tenté d'améliorer la situation, en partenariat avec le Centre d'amitié autochtone de Montréal. L'organisation effectue des patrouilles pour identifier les risques dans la zone et ce qui peut être changé.

La décision de la Régie des alcools d'accorder un permis d'alcool à un resto-bar voisin a également été contestée.

Par ailleurs, un audit interne de 2019 obtenu par CBC News détaillait les problèmes de comptabilité d'Ullivik, notamment l'attribution de contrats sans appel d'offres et l'omission de tenir un registre de certaines dépenses.

Une ancienne directrice, par exemple, aurait fait livrer et installer à sa résidence personnelle des restes de la construction d'Ullivik – 21 boîtes de parquet en bois – selon l'audit.

Un an plus tard, le gouvernement du Québec a ordonné une enquête sur la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, qui supervise Ullivik.

La Régie a fait l'objet de rapports de mauvaise gestion et a dû faire face à des pénuries de personnel.

Le gouvernement provincial n'a pas encore rendu publiques ses conclusions ou recommandations, bien que la Régie régionale de la santé du Nunavik ait confirmé les avoir reçues.

Dans une déclaration, le ministère de la Santé du Québec a indiqué qu'il travaillait avec le conseil pour appliquer les recommandations formulées dans le rapport.

Un engagement à s'améliorer

Lors d'une récente réunion du conseil, Mme Novalinga a été franche au sujet de certains problèmes à Ullivik et a déclaré qu'elle ferait de son mieux pour améliorer la situation.

Elle a indiqué qu'Ullivik cherche à recruter davantage de personnel inuit et tente d'améliorer la nourriture en collaboration avec l'entreprise qui détient ce contrat.

L'un de ses objectifs est d'accroître la capacité d'Ullivik, étant donné la dépendance à l'égard de l'hôtel voisin. Il y a environ 13 000 personnes au Nunavik, donc nous sommes en pleine croissance, a déclaré Mme Novalinga.

Interrogée sur les allégations de mauvaise gestion, Mme Novalinga a répondu à la CBC qu’elle ne savait rien à ce sujet.

Interrogée sur les commentaires négatifs concernant Ullivik sur les médias sociaux, elle a répondu qu'elle essayait d'obtenir des informations de première main sur ce qui se passe sur le terrain.

À cette fin, elle a dit qu'elle fait des contrôles ponctuels trois fois par jour - le matin, pendant le déjeuner et l'après-midi - lorsque l'autobus revient de l'hôpital.

Si elle trouve le financement nécessaire, elle aimerait aussi proposer des programmes sur place, comme des cours de perlage et de couture, ainsi qu'un bingo en soirée.

D'après un texte de Benjamin Shingler et Leah Hendry, de CBC

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